Mardi 2 janvier 2018
Islamisme ou amazighité : le pouvoir a choisi son camp
Le 27 décembre 2017, lors d’un Conseil des ministres, Bouteflika annonce que Yennayer sera consacré fête nationale, chômée et payée à partir de cette année, sans aucun texte de loi qui rendrait cette décision officielle et effective. Il a également ordonné au Premier ministre d’accélérer le processus de rédaction d’une loi organique qui serait la garantie juridique pour la création d’une académie algérienne de la langue amazighe sans fixer de date de mise en œuvre effective.
En revanche, le 30 décembre, soit trois jours après l’annonce de cette décision, les travaux d’un colloque islamique ont débuté à Alger sous l’égide de deux ministères: la Culture et les Affaires religieuses. Des prédicateurs du djihadisme de l’internationale islamiste, des individus recherchés dans leur pays d’origine sont logés et nourris par l’argent du contribuable dans des hôtels de luxe pour « rééduquer les Algériens « . Un raout de trois jours où un révisionnisme historique a été opéré par les différents intervenants. Abane Ramdane, Ferhat Abbas sont des mécréants qui avaient fait dévier la révolution de ses objectifs, le congrès de la Soummam était un putsch contre les valeurs islamiques de novembre 54, une révolution déclenchée au cri « d’Allah Akbar ».
Alors que nous commémorons le 60e anniversaire de son lâche assassinat, Abane dérange toujours et on veut à tout prix effacer son combat et les valeurs démocratiques qu’il portait de la mémoire des Algériens. Aucun mot n’a été dit sur les vrais putschistes, assassins de Abane, de Krim, de Khider, de Chaabani… Les contributions ont été soigneusement rédigées et dirigées par les services de la république.
Comment l’Algérie officielle accepte-t-elle qu’on insulte les héros de la révolution ? Que pensent les ministres qui ont concocté cette rencontre ?
Il est manifeste que le régime ne sait pas compter quand il s’agit de financer l’islamisme même en temps de crise ; l’austérité n’est brandie que lorsqu’il s’agit de promouvoir tamazight. Et certains voient en ce rendez-vous des prêcheurs de la haine une concession aux islamistes après la déclaration sur Yennayer.
Faut-il rappeler toutes les concessions octroyées par le pouvoir depuis deux décennies ? Deux grandes villes (Constantine et Tlemcen) déclarées d’autorité capitales de la culture arabe, avec tout ce cela exige comme centaines de milliards pour financer les ripailles des convives ; la religion a eu aussi sa capitale. Mais pas seulement. Une cinquantaine de chaînes de télévision, des milliers d’associations et des zaouïas financées avec l’argent du contribuable sans parler du projet de la Grande mosquée d’Alger… Autrement dit des milliards dépensés pour satisfaire le courant islamiste.
A contrario, malgré les déclarations pleines de suffisance, tamazight n’a eu qu’une organisation rattachée à la présidence dont le budget est injecté au compte-gouttes avec un bilan très mitigé. Ce commissariat fait oeuvre de faire-valoir pour les autorités qu’autre chose. Et quand la rue a réclamé la mise en application de l’officialisation de tamazight, les valets du pouvoir se sont cachés derrière la crise et l’absence de financement. C’est dire que l’argent de la rente va toujours pour ceux qui en ont l’habitude.
Alors Yennayer « officialisé » ou pas, il n’y a rien de nouveau à attendre des tenants de la décision.