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Je suis Saïd Djabelkhir

TRIBUNE

Je suis Saïd Djabelkhir

C’est en se mettant à la place de Said Djabelkhir pour comprendre ce qu’il subit de la part d’une catégorie d’individus salafistes qui n’ont rien compris des principes de vivre ensemble et qui sèment l’obscurantisme entre les Algériens. Tout de même, par un devoir de citoyen, il est exigé d’être à ses côtés aujourd’hui pour le soutenir dans le refus de se résigner. Son cas ne pourra pas nous être indifférent. 

Ainsi la justice algérienne a quand même retenu une plainte venant d’un groupe de personnes qui s’autoproclame comme le défenseur de la morale, et omniscient de la religion. La question qu’il faut se poser est de savoir sur quel argument que les autorités judiciaires ont jugé la recevabilité d’une plainte venant d’un collectif d’avocats et un universitaire?

Donc, à chaque fois qu’un Algérien émet une opinion sur la religion, il doit être passible d’une décision judiciaire! 

C’est quand même étonnant en même temps inquiétant de céder à la médiocrité face à la clarté. Said Djabelkhir est un éminent érudit dans le domaine des sciences islamiques, quand il intervient sur des questions sensibles concernant la pratique de la religion, non pas pour ébranler la foi des fidèles, mais pour créer un débat dans une société livrée à des charlatans et à l’islamisme politique.

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En prenant connaissance sur le contenu de la plainte, Said Djabelkhir explique qu’elle est basée pour : « atteinte aux préceptes de l’islam et aux rites musulmans », et il se désole d’être attaqué par un des personnages qui a déjà émis des fatwas contre yennayer, la fête du Nouvel An amazigh. Il confirme que le fondamentalisme religieux ne s’attaque pas en sa personne, mais à la communauté intellectuelle qui a l’audace de dénoncer l’imposture des religieux. 

Dans un moment où le pays est à la croisée des chemins, la société algérienne doit faire un choix salutaire pour s’embarquer dans la nouvelle ère du progrès et non pour être pris en otage dans le dogmatisme religieux que ces plaignants orthodoxes essaient par tous les moyens d’imposer au nom de la religion.

Said Djabelkhir ne devrait pas être seul face à ces détracteurs islamistes et intégristes. Ces derniers menacent la liberté d’expression et la libre conscience, leurs vitupérations sont des atteintes directes aux droits de l’homme. 

Dans une entrevue donnée au journal Le Figaro, il rappelle l’article 18 de la déclaration universelle des droits de l’homme à laquelle l’Algérie est souscrite : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites ».

En défiant la peur, il réclame un débat contradictoire afin d’éviter aux Algériens de boire la pisse de chameau au nom d’une doctrine religieuse qui n’a aucun raisonnement cohérent avec la pratique de l’islam. 

Il faut bien en tirer des leçons du passé. Au début des années 90, le FIS a dupé les Algériens en écrivant le nom d’Allah au ciel avec un laser acheté en Angleterre dans une occasion d’un grand rassemblement des militants et sympathisants islamistes qui s’est tenu au stade du 5 juillet. La supercherie a très bien fonctionné pour créer des scènes d’émotions et d’hérésies, et qui n’ont pas dissuadé ceux qui ont cru à un parti qui est archétype de l’islamisme menaçant, et qui ai soutenu plus tard pour des raisons politiques malgré les appels à la retenue et à la raison.

Pour faire le lien avec l’état des lieux de révolution citoyenne qui a débuté depuis le 22 février 2019, l’atmosphère politique actuelle où tous les coups sont permis encourage toutes sortes de pratiques déloyales, quitte à s’allier avec le diable et ses démons. D’ailleurs, le délitement d’une partie de la classe politique n’est le résultat d’une série de compromis avec le courant islamiste et le pouvoir qui ne servent pas les intérêts de la nation ni celle du citoyen.

Mais, l’équation n’est pas simple ni pour le pouvoir et ses alliés et ni pour les islamistes et leurs alliés, car les citoyens ont choisi de les rejeter, les deux, dos à dos dans une révolution qui dure plus deux ans. Le pouvoir est cité comme responsable de la faillite de 1962 à aujourd’hui et les islamistes sont cités comme responsables de la tragédie depuis le début des années 90 jusqu’à que Bouteflika leur avait offert une loi qui les protège de leurs crimes, en 2005. Et bien sûr, ils continuent à espérer mordicus de revenir à la scène politique.

Or, à force d’exposer et d’expliquer l’intérêt d’un projet démocratie avec les principes de laïcité en Algérie et de dénoncer les véhémentes imprécations des fondamentalistes, il y a une possibilité de formuler l’explication autrement en posant des questions sérieuses à ceux qui ne sont pas d’accord et qui pensent que l’islamisme est un courant politique le mieux adapté pour la société algérienne.

Qu’elles sont les garanties à donner pour les minorités? Est-ce qu’un citoyen algérien est libre d’être chrétien, athée, bouddhiste ou musulman chiite? Le citoyen algérien doit-on lui garantir la liberté de manger en public pendant le mois de jeûne et ouvrir les cafés et restaurants? Et aussi de prendre sa bière tranquillement dans un endroit sûr afin d’éviter la pollution environnementale?

La femme algérienne doit-elle avoir les mêmes droits qu’un homme? Le citoyen algérien a-t-il le droit de réclamer d’interdire les haut-parleurs appelant à la prière? Doit-on séparer la religion de la politique? Peut-on avoir la libre opinion et la libre pensée? Peut-on avoir le droit de poser un postulat? 

Cependant, toutes ces questions sont légitimes pour un individu qui souhaite vivre dans une société comme la nôtre sans être inquiété.

En conclusion, ce n’est pas Saïd Djabelkhir qui est menacé, en fait, c’est toute la société algérienne dans son ensemble.

Auteur
Mahfoudh Messaoudene

 




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