Mercredi 23 septembre 2020
Je suis un « khabardji » et je ne le savais pas !
Ya Rab ! En repensant à tout ce que j’ai écrit toute ma vie, j’aurai donc fait œuvre non pas de journaliste et d’écrivain mais de… khabardji ! Quelle déchéance de découvrir cette vérité au crépuscule de ma vie ! Ouh ! Je suis un khabardji ! Vous voulez des preuves ? Suivez le dialogue que j’ai eu avec moi-même, avec ma voix intérieure, quoi !
– Ainsi, en publiant deux ouvrages sur la bataille de Poitiers, j’aurai transmis délibérément au lecteur français, descendant de Charles Martel, des informations secrètes sur la stratégie de la cavalerie sarrasine ! Par exemple : l’usage de l’étrier que les Francs ne connaissaient pas et que les Arabes avaient empruntés aux Avars : ce précieux accessoire permettait au cavalier plus d’aisance au cours du combat… Et puis, dans mon dictionnaire, j’ai informé l’étranger : en révélant que «mascarade », « macabre », « matraque », « risque », « récif », « tare », « assassin », «amalgame», « avarie », « fardeau », « fanfaron » (si, si !) viennent de l’arabe ! Tout ce qui est mauvais, en somme, ou porteur de violence. Et justement, « camisole » ! Comme « camisole de force »…
– Ouais, là, c’est clair : pareil que « chemise », « camisole » vient de l’arabe qamis.
– Attends, attends, il y a mieux… En psychiatrie, pour maîtriser certains délinquants, on utilise la «camisole chimique ». Tu me suis ? Voilà, donc, une substance qui se nomme par deux mots d’origine arabe, vu que « chimique », on le sait, vient de l’arabe. Ya Rab ! Et j’ai révélé ça à l’étranger ! Plus « Khabardji » que ça, tu meurs !
– Oh ! T’exagères ! Et tu te fais mal, là… Ce n’est que pur hasard, tout ça…
– Tu as dit « hasard » ? Nous sommes alors deux à blasphémer. Tu sais bien qu’il n’y a pas de hasard : tout ce qui nous arrive, c’est de la volonté d’Allah !
– Au fait, si mes souvenirs sont bons, le mot… Il est bien dans ton dictionnaire !
– Tu veux m’enfoncer, c’est ça ? Oui, « hasard » est un mot d’origine arabe. Mais il n’y a que les mécréants qui croient au hasard…
– Ah, là, ça craint ! Tu risques carrément la geôle !
– Et voilà que tu remets ça ! Tu veux m’enfoncer, dis-le !
– Mais qu’est -ce que j’ai dit de mal ?
– Tu as parlé de « geôle »… Eh bien, c’est encore un mot d’origine arabe ! – Ouh, là !… Tu es en pleine parano…
– Aïe ! Qu’est-ce j’ai dit ! Pardon : qu’est-ce que TU as dit !…
– Quoi ?… Non !… Tu ne vas pas me dire que « parano » est aussi d’origine arabe !
– Le mot, non, mais l’Algérien, oui, il est parano, de nature ! Alors, oui, on peut dire que la paranoïa est d’origine algérienne !
– Ok !… Continue comme ça, et tu auras besoin d’une camisole chimique, pour de vrai !
– Tu as tout compris, cher alter-ego : c’est à cause de ça que je me sens « khabardji » !
– Tu te sens, dis-tu ? Monsieur se sent ! Tu me déçois : tu ne vois pas que c’est le Système qui te pousse à te sentir « khabardji » ? Tu imagines si tout le monde au pays se sentait comme toi : le Système s’en sortirait pour de bon, et ce serait « échec et mat » pour le Hirak !
– Tu as dit : « échec et mat » ? Justement…
– Suffit ! Basta ! Barakat, avec ton arabe ! Et réfléchis un peu… Si c’est juste une affaire d’information, de transmission, tu prends les vingt dernières années, pour faire simple, et pose-toi une question, une seule : qui est le vrai khabardji, celui qui a transmis des milliards de dollars à l’étranger ou le Hirak qui a transmis au peuple quarante millions de raisons d’espérer une vie meilleure ?