Ighil Ali, Tunis, Paris, Alger, des voyages, des poésies, des écritures, des entretiens, des combats. C’est toute l’existence de Jean Amrouche, parti, jeune, à 56 ans, le 16 avril 1962. Cet homme a été décisif.
Cet homme et sa famille ont largement contribué à l’éveil amazigh. Après des études à Tunis, à Ighil Ali, à Paris, Jean Amrouche publie en l’an 1934, Cendres, son premier recueil de poésie ; il y a, déjà, dans ces textes la force des mots, la sincérité de la démarche, l’envie de se rapprocher des autres, le désir d’être meilleur que soi-même.
De 1934 à 1937, Jean Amrouche enseigne à Annaba ; Etoile secrète, son deuxième livre ne tarde pas à sortir, le cheminement se précise, les quêtes sont nombreuses. En exergue de ce texte, le poète cite Giuseppe Ungaretti, cet Italien formidable : «Je cherche un pays innocent ».
Bien des années plus tard, Jean Amrouche s’entretient à la radio avec Ungaretti, un échange célèbre, rendu à la langue italienne dans un livre paru en 2017 par mon frère Hamza et Filomena Calabrese, avec un mot de Philippe Jacottet.
Durant toute sa vie, Jean Amrouche a cherché ce pays innocent mais il ne l’a jamais trouvé. Au mois d’octobre 1937, Jean Amrouche est nommé au lycée Carnot de Tunis.
L’écrivain amazigh Albert Memmi est alors l’un de ses élèves. En 1939, Jean Amrouche publie Chants berbères de Kabylie, un livre toujours d’actualité, une pépite qui place l’enfant d’Ighil Ali parmi les pionniers de la quête identitaire.
A Alger, Jean Amrouche commence une carrière à la radio en 1943. C’est au cours de cette même année qu’il est reçu à déjeuner par le général de Gaulle. L’année d’après, Jean Amrouche fonde la revue l’Arche dans laquelle il fait sortir L’Eternel Jugurtha !
Oui, déjà, en 1944, Jean Amrouche insiste sur Jugurtha, ce roi amazigh trahi. Avec André Gide, Camille Claudel, François Mauriac, Jean Giono et d’autres, Jean Amrouche discute littérature à la radio de 1949 à 1954.
Lorsque le général de Gaulle revient au pouvoir en 1958, Jean Amrouche assure des contacts entre le cabinet du général et le FLN.
Jean Amrouche s’engage ouvertement pour l’indépendance de l’Algérie. Cela lui cause une multitude de soucis. Mais il ne verra jamais cette « indépendance » qui n’a pas encore permis au peuple algérien de vivre librement, 60 ans après.
A l’instar de Jean Amrouche, le peuple algérien cherche encore ce pays innocent qui lui permettra de vivre dans la dignité, la démocratie et la justice sociale.
Youcef Zirem