La toute dernière déclaration du Josep Borell, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, est plus qu’éclairante que méprisante au sujet du la relation avec l’Autre au point que cette dernière est le point de fixation du rapport inédit de l’Occident avec le reste du monde.
Dans les milieux intellectuels, la question de la relation avec autrui alimente toutes les discussions sur le »vivre ensemble » au point qu’elle n’est plus l’apanage des pays riches mais aussi des autres nations du monde.
Notre propos n’est pas de parler des flux migratoires certainement accélérés par les déséquilibres économiques et par la menace du réchauffement climatique mais de situer les propos du responsable européen dans le contexte des relations internationales. Certes ce responsable européen n’est pas à sa première dérive de langage peu diplomatique mais il frôle la limite d’un certain chauvinisme qui est une atteinte à la dignité lorsque »l’autre qu’occidental »est désigné par le terme « Jungle » traduit en arabe par le mot »Adghal » au point que les élites politiques de cet »Autre du monde ou cet autre Monde » généralement de connivence avec les Occidentaux ont protesté contre de tels propos.
Pour rappel, le discours prononcé en anglais est d’une telle méprise envers la plus grande partie de la population mondiale qu’il atteint le paroxysme du narcissisme comme si la démocratie occidentale est la propriété intrinsèque de l’Occident ou à la limite, le but ultime de l’humanité ; une sorte de Téléonomie.
Plus que ça, comme si la démocratie est une finitude de l’histoire entre les mains d’une oligarchie supra nationale qui dicte au nom des droits de l’homme le devenir historique des sociétés humaines.
Naguère, Valentine Zuber parle de »Religion civile des droits de l’homme » qui sert après tout comme cheval de bataille à tous les prosélytes qui propagent la nouvelle religion au monde par l’entremise d’un universalisme scabreux qui parfois géopolitique politique, accompagne la canonnière de la conquête impériale. De loin s’en faut de nier la liberté d’expression dans les sociétés ouvertes, mais il est quand même utile de rappeler les conditions d’un tel exercice entravé par de multiples conditions toujours favorables au plus nantis et de surcroît aux plus puissants. La conditionnement de la liberté est justement le maillon faible des rapports souvent conflictuels entre la masse et l’élite dans les sociétés ouvertes.
L’encadrement étatique joue un rôle prépondérant dans la distribution des espaces dans ces sociétés et ce qui n’est pas le cas dans les micro-sociétés dont l’agencement de l’espace de l’expression politique n’est absolument pas déterminé par l’État arbitraire mais par des rapports de force des regroupements sociaux qui jouent le plus souvent le rôle d’un instrument de dissolution du pouvoir excessif de la représentation politique.
De plein fouet cette déclaration ahurissante trouve dans l’ultime civilisation humaine – qui d’ailleurs trouve aux yeux de l’ethnologue américain Lewis Henri Morgan l’intégrale de la représentation de la globalité ethnique dans le constitutif des USA -, le leitmotiv de l’obsolète « Fin de l’histoire » de Fukuyama où du discours de Dakar du président Sarkozy sur » les sociétés sans histoire »emprunté au philosophie allemand Ludwig Hegel. C’est un reniement historial qui peu ou prou annihile le brassage des populations qui pourtant constitue sans transition, la »Naissance des Nations ».
Il n’en reste pas moins que la suprématie occidentale prônée par Josep Borrel n’est pas comme veut le faire croire la presse quotidienne une simple affaire de discrimination mais c’est plutôt l’enracinement de l’idéologie suprématiste qui est sans limites dans l’enfouissement des cultures et des peuples dans les obscurités de la Jungle.
A ce point, « le Jardin » de Josep Borrel s’emprunte à un biblicisme des plus sélectifs pour accéder au Paradis même si la référence religieuse n’est pas présente dans la déclaration de ce dernier.
En d’autres termes, l’exclusivité paradisiaque d’un Occident dominateur est le trait d’union de tous ces courants de pensée qui nient l’existence de l’Autre comme l’Autre mais qui au demeurant s’adjuge la destination finale de l’humanité dans un clair-obscur qui agence l’ordonnancement du monde et qui rappelle de beaucoup le complexe de Florius le Berbère lorsqu’il entend dire : « C’est donc toi, Florus l’Africain, que nous avons voulu couronner à l’unanimité. Malheureusement l’empereur a refusé ; non qu’il eut de ta jeunesse, mais qu’il ne voulait par la couronne du grand Jupiter à l’Afrique », Probablement la figure mythique de l’irremplaçable dieu des païens sonne comme un leitmotiv récurrent chez Josep Borell l’Européen.
De la sorte , on y loin du barbarisme ou de la sauvagerie ;mais certainement dans la damnation des peuples et des cultures.
Fatah Hamitouche, éthnologue
Le piège de Thucydide et le commerce des droits de l’homme