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Kabylie : ces symptômes d’une décadence annoncée

TRIBUNE

Kabylie : ces symptômes d’une décadence annoncée

L’enterrement de Matoub Lounès en juin 1998

Ausculter la Kabylie est plus que jamais une urgence ! Le mal est profond et on ne peut plus le cacher indéfiniment ! Les symptômes qui l’indiquent sont là, visibles et indéniables. Nul besoin d’un microscope pour les détecter

Des fermetures à répétitions des routes, blocages des mairies aux champs et accotements de chaussées jonchées par des bouteilles de plastique, des canettes et bouteilles de bières et autre détritus, tout met en exergue la décadence de cette région qui fut durant des lustres objet de fierté de ses habitants et socle de la pensée et des idées novatrices tant sur le plan culturel, social et politique. On est bien loin de ces années où la Kabylie enfantait des écrivains à la pointe de la rénovation à l’image de Mammeri, Féraoun, Malek Ouary, Jean Amrouche , Tahar Djaout , Abd El Krim Djaad. On est encore loin des temps où la chanson Kabyle atteignait les cieux grâce au talent fou des Slimane Azem , Cherif Kheddam, Nouara, Ait Menguellet Lounis, Idir,Djamel Alem, Noredine Chenoud, Mennad, Sofiane, Malika Domrane Matoub Lounes, Zedek Mouloud . On est loin de l’époque où l’élite politique de cette région rivalisait d’innovation grâce à l’apport d’hommes hors pair à l’instar des Ait Ahmed Hocine, Said Sadi, Djamel Zenati, Mouloud Lounaouci, Said Khalil, Hend Sadi, Ferhat Mhenni, Salem Chaker….c’était l’âge d’or Kabylie à l’avant-garde de toutes luttes politiques, culturelles et sociale. 

La Kabylie depuis la fameuse marche du 14 juin 2001 ne cesse de ruminer l’humiliation qu’elle a subie ce jour-là. Son traumatisme est profond et génère des comportements à la limite de l’automutilation. Tout indique que le Moi profond de cette région, jadis si généreuse, est altéré, lézardé. Ses enfants s’auto-punissent par des agissements qui frisent le nihilisme. La dernière image qui illustre cette descente aux enfers, c’est ce qui vient de se produire hier au stade du premier novembre suite à la défaite de la JSK par trois buts à zéro. Qui aurait pensé jadis qu’arrivera ce temps où les supporters du club phare du Djurdjura en arriverait à envahir le terrain et à se livrer à des actes de vandalisme. 

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Du temps de Mahieddine Khalef la chose était impensable. On est arrivé jusqu’à murer un portail d’une mairie dans la commune de Timizart des Ait Djennad. Triste image d’une population aux abois qui ne sait même pas comment lutter pour obtenir le minimum social requis. Ici et là, on entend parler de fermeture d’écoles par des parents outrés par le manque d’hygiène dans les établissements ou faite de cantines … La dégradation du milieu de vie, mais aussi des mentalités est criarde. Résultat ? On tombe sur une « tchaktchouka servi dans un album par un chanteur qui un temps donné fut un espoir certain pour la chanson kabyle engagée. Triste temps disent les plus avertis.   

Aujourd’hui (et peut-être pire demain) rien ne vient redorer le blason terni de la Kabylie. La JSK est devenue ce club boiteux qui, quand il gagne cela relève du miracle. La chanson kabyle continue à n’être portée que par les anciens ( Ait Menguellet, Idir, Zedek Mouloud…) la relève tarde à venir. Le théâtre, le cinéma sont quasi inexistants (ce qui se produit dans ce domaine est d’une médiocrité accablante.). 

Sur le plan politique, ce sont toujours les animateurs du fameux printemps berbère ( Djamel Zenati, Said Sadi, Moqrane Ait Larbi) qui signent les plus pertinentes des analyses. C’est dire dans quel vide de la pensée se retrouve aujourd’hui cette Kabylie martyrisée par ses enfants avant tout autre. 

Nul besoin d’être clerc pour le constater ; il suffit de faire une randonnée dans la région pour s’en rendre compte : routes délabrées, chantiers en jachère, rivières polluées, forêts incendiées, villages qui ne payent pas de mine.. et plus grave l’indifférence des gens !

Mais de quel mal souffre donc la Kabylie ? Pour beaucoup, c’est quand les Kabyles ont décidé de tourner le dos aux structures ancestrales ( la tajmayɛit) au profit de ces comités de villages régis pas la loi sur les associations que l’étiolement de la région à commencé.

 N’est-il pas temps de retourner vers cette organisation qui a fait ses preuves durant des siècles durant ? N’est ce pas cette structure ( Arch, taddart, adrum) qui a préservé l’identité culturelle de la Kabylie depuis des millénaires ? Même au temps de la colonisation française, cette forme d’organisation (démocratie locale parfaite) ne fut pas abolie. 

Durant les tristes événements d’avril 2001 n’est-ce pas à cette structure qu’on eu recours les Kabyles pour affronter le drame qui s’est déversée sur elle ? En effet du temps où la Kabylie s’appuyait sur ces valeurs authentiques nos villages, étaient propres, la pudeur était de mise, le respect des autres était un signe d’élévation, notre chanson était aux avant-postes des luttes, nos élites produisaient un discours profond qui titillait la réflexion et poussait à plus d’abnégations.

 On ne meurt que suite à un mauvais diagnostique, aussi nous semble-t-il qu’il est urgent d’ausculter cette Kabylie qui ne cesse de ramer au creux de la vague, pour un bon état de lieu afin de la sortir de ce marasme qui la tue à petit feu. Là, réside le devoir de ses intellectuels, de son élite politique, de ses artistes, c’est une urgence ! 

Auteur
Hamid Ait Slimane 

 




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