2 mai 2024
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Kacem Madani : « Dans ma jeunesse j’avais cru en l’Algérie »

Kacem Madani
Kacem Madani

Avant de prendre sa retraite, Kacem Madani, de son vrai nom Belkacem Meziane, était professeur des universités en physique. Il a enseigné à l’Université des sciences et technologies d’Alger et en France, à l’École nationale supérieure des sciences appliquées et de technologies (ENSSAT), Lannion, dans les Côtes d’Armor, ainsi qu’à l’Université d’Artois, Lens, dans le Nord-Pas-de-Calais.

Depuis une quinzaine d’années, il écrit des chroniques dans le journal en ligne Le Matin d’Algérie. Des analyses ciselées, de haute volée. Toujours sous le pseudonyme Kacem Madani, il a publié quelques ouvrages dans lesquels il fait part de sa grande indignation face aux tribulations politiques de nos décideurs. Il a généreusement accepté de répondre à nos questions.

Le Matin d’Algérie : vous avez un parcours atypique ! Qui est Kacem Madani ?

Kacem Madani : C’est toujours difficile de parler de soi, surtout quand votre vie s’étale sur des décennies et que vous bénéficiez d’une retraite quasi-dorée alors que de nombreux concitoyens pâtissent d’une justice aux ordres au pays et que d’autres croupissent encore dans les geôles pour un oui ou pour un non qui déplaisent aux maîtres du moment.

Mon parcours n’est pas si atypique que cela. Il ressemble à celui de nombreux Kabyles qui ont eu la chance d’avoir fait des études supérieures et d’avoir vécu à Alger, du temps où notre capitale brillait de mille et une splendeurs, de mille et un espoirs. Ces temps n’ont malheureusement engendré que désillusions ! Dans ma jeunesse j’avais cru en l’Algérie. À tel point qu’au contraire de nombreux camarades, après des études aux USA, je suis rentré au pays, décidé à tous les sacrifices pour un avenir meilleur. Malheureusement, les combines en haut lieu ont réussi à nous décourager.

Au lendemain de la légalisation du FIS par nos décideurs, l’idée de prendre la poudre d’escampette commençait à germer dans ma tête. Se sacrifier pour le meilleur, oui ! mais participer à la construction du pire, non ! J’ai donc quitté le pays au début des années 1990 pour construire une nouvelle carrière en France. Une carrière qui, après des années de travail acharné, m’a mené jusqu’à une titularisation en tant que professeur des universités en optique et physique des lasers.

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Le Matin d’Algérie : vous vous appelez Belkacem Meziane, pourquoi avoir choisi d’écrire sous le pseudonyme de Kacem Madani ?

Kacem Madani : C’est simple, ce pseudo, qui a fini par me coller à la peau, je l’ai choisi et adopté pour séparer mes interventions en tant que chroniqueur sur Le Matin d’Algérie de ma profession de physicien. D’ailleurs, je suis venu au monde de la chronique grâce à Mohamed Benchicou. Quand Aâmmi Moh avait lancé la version en ligne de son journal, j’intervenais en tant que commentateur lambda. Parfois, quand mes exposés se faisaient consistants, Mohamed les insérait dans ses colonnes. C’est donc par le plus heureux des hasards que je suis venu à l’écriture. Je ne serai jamais assez reconnaissant à Aâmmi Moh et Hamid Arab pour m’avoir laissé une certaine liberté de ton dans mes nombreux coups de gueule.

Le Matin d’Algérie : quel regard portez-vous sur l’Algérie d’aujourd’hui ?

Kacem Madani : J’aurais bien voulu être optimiste, mais comment l’être quand on voit toute cette médiocrité chronique qui sévit de la base au sommet de la pyramide du pouvoir ?  Pour ne rien vous cacher, je regrette l’ère Bouteflika. Malgré quelques dérives, le petit vieux avait beau s’accrocher au koursi, il avait laissé un tant soit peu de lest à la liberté d’expression.

Ce qui m’horripile le plus, c’est le massacre de l’éducation. L’arabisation bornée et irréfléchie a coulé notre système éducatif. Non satisfaits de ce carnage pédagogique, voilà que nos autocrates veulent introduire l’anglais dès l’école primaire ! ? En tant qu’anglophone, je devrais applaudir telle initiative, mais soyons sérieux, où est le personnel enseignant capable de remplacer le français par l’anglais ? On reprend les mêmes stratagèmes de poudre aux yeux et on refait délibérément les mêmes erreurs, au vu et au su de tous ceux qui sont tourmentés par l’avenir de ce pays et qu’on a laissés sur la touche pour les raisons que l’on connaît.

Tout le reste est à l’image de cet exemple. De la poudre aux yeux dans tous les domaines et à tous les niveaux. En fait, le pouvoir a, de tous temps, voulu nous faire croire qu’il possédait toutes sortes de baguettes magiques pour redresser la barre d’un navire à la dérive depuis des décennies. Tant que le pétrole coule à flots, ils ne lâcheront pas le morceau. Et rien ne dit qu’ils le lâcheront une fois les sources taries. Pour subsister, ils sont capables d’imposer une taxe sur l’oxygène que le peuple respire (clin d’œil à notre ami Youssef Zirem).

Le Matin d’Algérie : dans un monde déchiré où les valeurs s’effondrent, que peut apporter l’écrivain ?

Kacem Madani : L’écrivain est un lanceur d’alerte. Malheureusement, sa portée est limitée. Ne serait-ce que du fait que les nouvelles générations ne lisent plus, et que le langage sms tend à supplanter toutes les langues vivantes de la planète. Cet effondrement des valeurs est d’ailleurs intimement lié à ces joujoux de technologies qui envahissent le quotidien de tous les humains sur Terre. Quand je pense qu’on commence à peine à interdire les téléphones portables dans les classes, il y a de quoi se poser des questions par rapport à la vitesse de réaction des responsables concernés et des pédagogues affirmés. Je crois pouvoir dire que je suis l’un des premiers à avoir alerté sur les dangers de ces nouvelles technologies bien avant le smartphone ! Mais que peut bien changer une alerte noyée dans un océan de suivisme des plus ahurissants ?

 Interview réalisée par Brahim Saci

Références :

  1. Belkacem Meziane, « From nonlinear dynamics to trigonometry’s magic », Cambridge scholars, 2022.
  2. Kacem Madani, « Autopsie d’une Algérie jamais en paix », eds Constellations, 2023.
  3. Kacem Madani, « Mémoire(s) en dents de scie », eds Maïa, 2022.
  4. Kacem Madani, « Aït Menguellet, chants d’honneur », eds Hedna, 2021.
  5. Kacem Madani, « Indignation(s) chronique(s) », eds Vérone, 2017.

7 Commentaires

  1. que peut apporter l’écrivain ?
    Puis qu’on l’imagine. Comme a dit l’autre, tous mes amis sont morts, pour dire qu’il n’a de relation intime et reflechie, donc voulue que celle qu’on a avec une/e auteur/e de choix – c.a.d. celui/celle qui nous parle et surtout qu’on ecoute vraiment. Detrompez-vous, un auteur ne peut communiquer avec tout le monde, mais ceux qu’il atteint, avec les livres surtout, c’est un veritable dialogue. Une chose est vraie, relative sur M Benchicou et le Matin, c’est une espace de liberte’ et d’apprentissage – Ou l’on peut bousculer votre commentaire, mettre a l’epreuve l’idee qui est avance’e, mais a la fin, ca finit sans doute le moindre par un gain a tous ceux qui y auront investit, ne serait-ce le temps de lire les differents articles et opinions qui y sont expose’s. La preuve est la justement. Combien de lecteurs du Matin ne seront emerveille’s de savoir que si un jour ils se sont faits remonter par quelqu’un, a tort ou a raison, ce ne serait pas venu de bas, mais de lecteurs et commentateurs de votre calibre – qui honore tous les reguliers du matin. A mon prochain voyage en France, je reviendrai avec un carton de livres et le votre en fera partie. Bonsoir.

  2. Il me revient en mémoire des mots de Nizan à propos de la jeunesse et quand on évoque ce mot ça réveille en moi de douloureux traumatismes.

    Putain ! Où est-ce qu’ils ont trouvé cet optimisme à l’ipouk où moi je peinais à trouver un paquet de sucre ou de café ? Ou n’étais-je pas là aux bons moments ?

    Iben moua je suis né dans un panier de crabes dans une grande prison où Guezgata n’était qu’une cellule à ma dimension qui m’allait comme une serpillière sur un ballai dans un champs de chardons. Je n’imaginais donc pas qu’à quelques encablures de là des gens aient pu être heureux à Alger.

    La biologie ,pour ne pas culpabiliser sans doute, m’avait doté d’un instinct primitif réticent et d’un pessimisme qui m’interdisaient tout espoir tant que je restais dans le panier. Et les quelques neurones dont elle m’avait affublé m’interdisaient d’accuser qui que ce soit d’être responsable de la misère qui m’accablait , et dêtre ingrat pour le peux de bonheur que le pays m’aurait offert pendant quelques instants. Je n’ai donc pas attendu la décennie noire pour déserter ou pour m’offrir l’excuse d’être prévoyant , moua j’ai kiti le piyé naturellement.

    J’envie ….. non je n’envie rien… !

    Finalement je comprends l’Enseignant et tout ceux qui se disent que ça aurait pu se passer autrement. Ceux-là avaient beaucoup d’imagination, une imagination qui jusqu’à l’intrite les presérve de la mornitude qui m’accompagne au crépuscule de ma chienne de vie. Moua je me dis que je l’ai échappé belle , car il m’était inpensable que ça eût pu se passer autrement. Et pour cause : tout y était fait pour que j’en bave à fond si j’étais resté.

    Je n’ai même pas l’excuse d’une erreur de jeunesse pour ne pas avoir espérer comme d’autre un autre dessein au piyé. Je me suis éclipsé de travers bien avant.

    Quel gâchis !

  3. tous les algériens ont cru a l’indépendance et la réussite de l’Algérie , malheureusement les voyous,ce qui ont volé la révolution dont la majorité sont des montagnards qui aveuglément ont pris le pouvoir et ont fait de l’Algérie une écurie et le peuple comme un bétail , après la souffrance du colognalisme de 132 ans , ces voyous ont créé leur propre colognalisme qui va durer aussi longtemps que le 1er, aujourd’hui on nous présente des personnes âgées de 70ans qui nous font croire qu’ils étaient des maquisards et c’est eux les grands combattants qui ont combattu la France, alors de là je ne savais que les algériens fesaient la guerre dans les ventres de leurs mères ou même avant d’exister, tous les algériens sont fils de chaids et fils de fils de chaids, c’est ça la politique de la nomenclatura algérienne copie de la Russie, si tu es d’accord avec nous tu es parmis nous , si tu devies et tu nous suits pas tu meurs ou tu vas en prison, bravo ta Tebboune, elle est belle ton Algérie nouvelle pleine de conneries et la risée du monde.

  4. si la kabylie ne se détache de ce pays fantoche qui est l’algérie, on va sombrer avec.
    de plus en plus je me rend compte que Farhat Imoula a raison…

  5. moi j’ai toujours été sceptique sur ce système politique totalitaire! le parti unique et sa propagande comminatoire me faisait peur! les produits de mauvaise qualité, le pillage des richesses du pays et l’abus de pouvoir, la confiscation de la liberté individuelle , le népotisme, la corruption, la concussion et la prévarication ont rongé gravement l’Algérie! à un point où le seul rêve de la plupart des algériens est de fuir le bled!

  6. Les dardjophones ont rasé la barbichette à Messali (ou l’ont rallongée); les colonels berbérphones ont défait les dernières pierres de Tijouma3 plurimillénaires. Il restait le slogan « 7 snin barakat » pour faire face à l’armée des frontières et les boites de conserve de l’époque coloniale pour faire passer la pilule.

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