En plein Hirak, Kamel-Eddine Fekhar, médecin et militant des droits humains, est mort, tué par l’arbitraire d’un régime aveugle. Cette mort dramatique continue de soulever de nombreuses interrogations sur le respect des libertés fondamentales, l’indépendance de la justice et l’aspiration à la vérité.
Le Dr Fekhar est mort en détention le 28 mai 2019 après une grève de la faim qu’il avait débutée en signe de protestation contre son incarcération injuste. Le sort tragique de Kamel-Eddine Fekhar nous rappelle qu’année après année, le même système judiciaire impitoyable, utilisé à des fins politiques et répressives, continue de sévir sans égard pour la justice ou le droit. À travers cet hommage à Kamel-Eddine Fekhar, nous retraçons les moments clés de son engagement, les circonstances tragiques de sa mort et l’héritage qu’il laisse derrière lui.
Naissance d’un engagement
Kamel-Eddine Fekhar voit le jour le 9 février 1963 à Ghardaïa, une ville emblématique de la région du Mzab, dans une famille mozabite, une minorité berbère ibadite. Les tensions communautaires et les discriminations qui touchent les Mozabites le poussent à entreprendre des études de médecine. Après l’obtention de son diplôme, il commence à exercer à l’hôpital local, mais son licenciement arbitraire en 2001 marque un tournant décisif.
Il rejoint le parti historique d’Aït Ahmed, le Front des Forces Socialistes (FFS). Au sein de cette formation, Kamel Eddine Fekhar prend des responsabilités dans les plus hautes instances de ce parti d’opposition. Sa détermination et ses positions politiques tranchées (défense d’une vision autonomiste pour le Mzab) entraînent finalement son exclusion du FFS quelques années plus tard. Cette rupture ne freine pas son engagement.
Exclu du FFS, Kamel-Eddine Fekhar fonde en 2010 la section locale de la Ligue algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH) à Ghardaïa, ainsi que le collectif Tifawt. Son action se concentre alors sur la défense juridique et médiatique des Mozabites victimes de discriminations institutionnelles et de violences politiques.
La voix des Mozabites face à la répression
Dès 2004, il devient une cible récurrente des autorités. Accusé d’avoir orchestré des émeutes à Ghardaïa, il sera emprisonné à plusieurs reprises. Il est condamné une première fois à cinq mois de prison ferme en 2004. Il subit une autre arrestation l’année suivante sous des accusations très lourdes comme « menace à la sécurité nationale ». Ces détentions successives arbitraires renforcent sa détermination.
En avril 2014, une rencontre importante s’est tenue à Paris entre Kamel-Eddine Fekhar, Ferhat Mehenni, président du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), et Yella Houha, fondateur du Mouvement autonomiste chaoui (MAC). Cette rencontre a probablement contribué à intensifier la surveillance et la répression exercées par les autorités algériennes à l’encontre de Kamel-Eddine Fekhar.
Suite aux récurrentes violences communautaires entre Mozabites et Chaambas (arabophones) à Ghardaïa entre 2013 et 2015, le Dr Fekhar dénonce vigoureusement les pratiques illégales des services de sécurité lors de ces troubles et écrit une lettre au secrétaire général de l’ONU alertant sur le risque de génocide contre la population mozabite. Le 15 juillet 2015, il est arrêté et poursuivi pour 18 chefs d’inculpation, dont certains sont d’une extrême gravité. Il entame alors une grève de la faim de plus de 100 jours pour absence de procès. Il est finalement condamné à 2 ans de prison.
Arrestation fatale et mort controversée
Le 31 mars 2019, Kamel Eddine Fekhar est arrêté suite à la publication d’une vidéo où il est interviewé par l’animateur Mohamed Ali Allalou.
Lors de cet entretien, il dénonce l’acharnement de l’Issaba (la bande au pouvoir) à diviser les communautés de cette région depuis des décennies, ainsi que les persécutions subies par les Mozabites de la part des forces de l’ordre. Cette publication, survenue en plein Hirak, a certainement déplu aux tenants du régime en pleine tourmente. Il a alors été accusé d’atteinte à la sûreté de l’État et de troubles à l’ordre public, avant d’être placé en détention provisoire. Cet emprisonnement illustre la répression des voix dissidentes et l’instauration d’un délit d’opinion dans le pays.
Pour protester contre cette énième arrestation, Kamel-Eddine Fekhar entame une nouvelle grève de la faim dès son arrestation. Son état de santé, déjà affaibli par ses précédentes détentions, se détériore rapidement. Les autorités pénitentiaires continuent à ignorer la gravité de son état. Son avocat décrit les conditions de sa détention comme « inhumaines », évoquant une cellule exiguë privée de lumière et d’aération.
Transféré tardivement à l’hôpital de Blida, Kamel-Eddine Fekhar décède le 28 mai 2019, après avoir sombré dans le coma plusieurs jours auparavant. Sa famille parle alors d’une « mort programmée ».
Réactions nationales et internationales
La mort de Kamel Eddine Fekhar a suscité une profonde indignation au sein de la classe politique et civile, ainsi que parmi les intellectuels et les citoyens attachés à la liberté. Ses obsèques au cimetière d’El Alia à Alger se sont transformées en manifestation populaire. Cette disparition tragique devient emblématique des dérives répressives du régime algérien.
Les réactions internationales se manifestent par le biais d‘Amnesty International qui a qualifié sa mort de « honte pour le pays », tout en appelant à une enquête indépendante.
De son côté, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) a demandé que l’enquête instituée par la justice algérienne soit réellement indépendante, approfondie et transparente. Malgré cette pression internationale, aucune enquête sérieuse n’a réellement été menée.
Quelques semaines après son enterrement en juillet 2019, la tombe de Kamel Eddine Fekhar est profanée, la plaque portant l’inscription « Je meurs, le Mzab vivra, assassiné en prison » est retirée. Cet acte, qui n’a jamais été élucidé, accentue le sentiment d’injustice et l’acharnement contre les opposants, même après leur mort.
Héritage de Kamel-Eddine Fekhar : ne jamais plier devant l’arbitraire
Kamel Eddine Fekhar demeure un symbole de la lutte pour les droits humains et des minorités religieuses en Algérie. Sa mort révèle la poursuite de pratiques dignes des régimes les plus autoritaires.
Le sort réservé à Kamel Eddine Fekhar s’inscrit dans une logique répressive plus large contre les défenseurs des droits et des libertés. Entre 2019 et 2025, plus de 200 militants ont été emprisonnés pour délit d’opinion.
La mort tragique de Kamel Eddine Fekhar nous rappelle que le chemin vers la démocratie est encore long et que la lutte pour le respect des libertés individuelles et collectives, la justice sociale et l’indépendance de la justice a un coût élevé.
Rabah Aït Abache
Le Doc est Damzabi. Je vous conseille de vous battre pour les droits de AlgerianistYoun, parce que les Droits de l’Homme, c’est pour LES ZOMs !!!
Votre censure et bla bla bla, sont PLUS OFFUSQUANTS que mes verite’s !
Et tout ca avec 65 regardeurs, parce que les lecteurs c’est HARAM !