Jeudi 25 octobre 2018
La crise de l’APN et la drôle de fête des journalistes !
Dans le pays, tous les modèles économiques de la presse sont en voie d’effondrement. S’il n’y avait pas, pour certains titres, les aides de l’Etat et surtout la publicité, beaucoup de journaux cesseraient de paraître.
Sur un autre plan, il faut admettre qu’en Algérie, il est difficile de pratiquer un journalisme d’investigation ou, selon certains, de faire même du journalisme. De l’audace, du souffle, du culot ! Au risque de déraper, de se tromper, de se fourvoyer et de s’attirer les foudres de ceux d’en haut, personne dans la corporation ne s’y risquerait !
Destitution du président de l’APN: les journalistes ont passé en revue cet événement sans, au final, apporter les vraies informations gravitant autour de la décision prise par les députés de l’alliance présidentielle et leurs alliés de «dégager» l’homme.
Il est, certes vrai que la majorité des journalistes n’ont pas la «compétence » politique leur permettant de donner du signifiant à leurs propos ou écrits lorsqu’ils évoquent, notamment, un domaine lié à la politique « politicienne ».
Ils ne sont pas les seuls. Les partis politiques se sont retrouvés dans la même situation, se contentant pour certains, d’affirmer à propos du départ forcé de Said Bouhadja que pour eux c’est un non-événement ! Ou que « l’opacité qui règne dans la gestion des affaires publiques du pays ne peut permettre de faire une lecture, sans risque, par rapport à ce qu’ils ont taxé de «putsch».Manière pour eux de botter en touche !
Destitution du président de l’APN: les mêmes commentaires, les mêmes discoureurs, les mêmes petites phrases. On n’en sait pas plus sur les tenants et aboutissants du départ forcé de Said Bouhadja .Les hommes partent et les institutions restent. Les forces politiques qui s’étaient liguées pour le pousser vers la sortie n’ont pas hésité à violer le règlement de l’institution.
Mais quid de l’APN, va-t-elle être dissoute ?
Les spéculations vont bon train ; les journalistes comme les hommes politiques supputent, sans plus ! Ceux des radios s’accordent sur les mêmes sons ; ceux des télévisions cadrent les mêmes images. C’est ennuyeux, mais c’est simple aussi. Et surtout, c’est commode et tout le monde s’y tient. A croire que le monde journalistique s’approvisionne dans le même marché !
Les lecteurs et les auditeurs ne se trompent pas lorsqu’ils ont l’impression de lire, partout, et d’entendre, sur toutes les ondes, les mêmes informations. Ce sont bien les mêmes commentaires, les mêmes analyses et les mêmes petites phrases. Il suffit de lire un seul quotidien ou de regarder un seul JT : les mêmes mots sont utilisés. Les mêmes déclarations des uns et des autres sont sélectionnées pour être diffusées, en boucle.
Destitution du président de l’APN: El-Moudjahid’, ne livre aucune lecture de l’événement se contentant d’une reprise des communiqués des membres du bureau de l’assemblée nationale faisant état de la vacance du perchoir !
Les journaux indépendants consacrent plusieurs éditions aux événements qui se déroulent dans l’enceinte de l’assemblée et se posent, en vain la question de savoir qui est le metteur en scène de ce putsch.
Mais sans conteste, la palme revient aux télévisions off-shore, qui ont fait du direct live des journées entières sans pour autant donner la moindre information crédible : dites-nous ce qui se passe à l’APN demandait un journaliste du plateau à son correspondant qui était sur place ; y-a-t-il du nouveau ? Oui répond ce dernier qui affirme que quelqu’un vient de lui dire que Said Bouhadja était sur le point d’arriver mais qu’il avait peur d’affronter les frondeurs. Et à l’animateur du plateau de le remercier pour cette importante information !!!
Peut-on, pour autant, parler de « paresse » de la presse ?
Les mêmes vraies et fausses informations se colportent, plus vite et plus fort, et qu’on le veuille ou non, ce procédé est contraire aux règles les plus élémentaires du journalisme.
Destitution du président de l’APN: l’événement est, assurément, fort ! Son traitement par la presse l’est moins, même si, et tout le monde est d’accord là-dessus, la légalité constitutionnelle n’aura pas été respectée par les députés et les partis de l’alliance emmenés par le FLN de Djamel Ould Abbas.
Et si l’on tentait l’exercice, hardi certes, de comparer cet événement et du traitement qui en a été fait par la presse, à un autre événement « La mort de Nelson Mandela »,par exemple, qui a mobilisé l’attention du monde entier : 10.000 rédacteurs en chef ou plus, des directeurs de rédactions ont eu la « super-idée », de mettre Mandela en «une » de leurs journaux !
Le lecteur, curieux de Mandela, était déjà attaqué par la radio, la télévision et le web. Celui qu’il était moins, s’est retrouvé avec l’idée, qu’en définitive, tous les journalistes écrivent et pensent de la même manière et que, finalement, sur le web, on pouvait trouver d’autres sujets loin de Mandela et autrement plus intéressants.
Est-ce à dire que la destitution du président élu de l’APN était un non-événement, non bien sûr ! C’est plutôt, la manière dont elle a été traitée, qui a amené beaucoup de lecteurs à se méfier des journalistes.
A tort ! Mais ils ont raison, car les seuls journalistes qu’on leur donne à voir, lire ou écouter, sont ceux des télévisions, radios et quotidien imbus de leur propre importance.
Dans une lettre adressée dimanche à la presse nationale à l’occasion de la célébration de «la Journée nationale de la presse», le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a vivement exhorté les journalistes à dévoiler les dossiers de corruption, les dépassements et le favoritisme qui gangrènent la société.
Certains ont dit que « d’un côté le pouvoir appelle les journalistes à dénoncer la corruption et les passe-droits en les assurant de «la protection de Dieu et de la loi» et de l’autre on ne manque pas de leur réserver des cellules à l’année à travers les prisons de toutes les wilayas du pays qui accueillent journalistes, blogueurs, activistes et tous ceux qui portent la parole libre. » De toute façon, dans l’opinion, personne ne croit vraiment, au fameux « cercle vertueux », à l’émergence d’un journalisme citoyen, bénévole et « responsable », même si beaucoup d’informations viennent de là.
De plus et pour que la presse conquiert ses titres de noblesse de 4e pouvoir, la dépénalisation du délit de presse doit être réelle et non pas factice, l’outrage à corps constitués et aux symboles de l’Etat, souvent utilisé comme prétexte pour museler et neutraliser la presse, doit être redéfini et clarifié. Ce n’est qu’à ce prix que la presse pourra jouer son rôle de phare de la société, de service public, a tenu à le rappeler opportunément un éditorialiste!
Aujourd’hui, beaucoup d’anciens journalistes sont partis. Et les jeunes qui les ont remplacés deviennent des « médias-workers », des petites mains, en quelque sorte, qui travaillent en étant sous-payées pour, au final, produire une information de qualité médiocre.
Au départ, pourtant, un journaliste c’est simple : il s’agit pour lui de savoir manier sujet-verbe-complément et aussi, être curieux et ouvert ! Il doit, également, se servir de sa propre culture, celle qu’il s’est fait sur le terrain, dans sa vie personnelle ou sa carrière. Ainsi travaillaient, dit-on, les journalistes « à l’ancienne » !
Ceux d’aujourd’hui sont formés à l’économie, à la politique, au sport et à la culture avant même d’avoir éprouvé la vie. De belles mécaniques creuses, en somme ! Ils font du journalisme, « à la manière de » (la chaine de télévision qui les emploie, le financier qui les paye, le rédacteur en chef qui ronronne sur leur tête depuis des années et l’idée politique et la ligne éditoriale (quand elle est affichée) qui les guide.
Et aussi les modèles qui les inspirent comme « Khadidja Bengana et Hafid Derradji » qui font leur beurre au Qatar!
Destitution de Said Bouhadja : Les individus qui l’ont porté au perchoir à l’époque, sur instruction de «Son Excellence le président de la République», sont les mêmes qui, aujourd’hui, organisent un coup d’Etat, sans l’intelligence de putschistes, pour le destituer et le remplacer, lit-on dans les manchettes des journaux de ce jour. :
Destitution du président de l’APN : Saïd Bouhadja, clap de fin. Ce qu’il faut retenir de ce «micmac », c’est aussi et surtout l’attitude déplorable du député du RND qui « a fait la fête » à un journaliste en le brutalisant et en l’affublant de tous les noms d’oiseaux possibles. Le jour même ou la corporation recevait les vœux du président de la République qui à tenu à lui « réitérer son soutien ».