29 mars 2024
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La démocratie n’est pas faite pour l’Algérie !

REGARD

La démocratie n’est pas faite pour l’Algérie !

En 19 ans de pouvoir, Bouteflika a fait fuir des dizaines de milliers de cadres du pays.

Ce qui se passe ces derniers temps en Algérie est digne d’une tragicomédie de la scène politique et de ses coulisses. Grand générateur d’histoires grotesques, impayables, vaudevillesques, le pouvoir algérien est en passe de devenir un sujet de risée et de raillerie, en même temps, un objet de moquerie. Que peut-on retenir des parlementaires qui mettent sous scellé la première chambre ? Quelle légitimité peut-on donner à un gouvernement aux antipodes des attentes du peuple ?

Manipulations mystiques

En Algérie, le processus de démocratisation a trébuché dès ses premiers pas. Étant donné le caractère essentiellement exogène de ce processus, les acteurs politiques locaux s’aménagent des couloirs clairs-obscurs dans lesquels ils adaptent la démocratie à leurs stratégies internes de conquête du pouvoir. Les élections sont entourées de rituelles qui montrent souvent une rencontre de rationalités différentes.

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En effet, les élites n’hésitent pas à recourir aux manipulations mystiques pour conserver ou pour s’assurer de leur maintien au pouvoir. Le moment des élections est le moment où l’élite se rend compte de la nécessité du peuple et fait appel à lui. Ce dernier n’hésite pas à le rançonner autant que faire se peut, car c’est le seul moment où la population se sent prise en considération par l’élite. Toute la pitrerie caricaturale « orchestré » par le régime, jouant sur la subversion et le louvoiement, avant les prochaines joutes électorales, vise en filigrane à détourner l’opinion des véritables maux qui gangrène cette Algérie.  

Ainsi l’investissement dans le sacré n’est pas inutile. L’arbitraire érige en règle du jour la loi de la jungle, la loi du plus fort. Les inégalités de rang ? Naturelles. L’oppression ? Volonté du sort ! Le pouvoir peut désigner, humilier, écraser, torturer, embastiller… C’est ainsi, puisqu’il appartient au plus puissant de faire vivre ou de faire mourir. « Le pouvoir se mange en entier », n’est-ce pas, et, à qui détient le pouvoir donc : tous les droits ! Et aux autres ? Soumission, obéissance et docilités.

Au début des années 90, l’Algérie a connu de profondes aspirations politiques, économiques, sociales. Ces mouvements ont eu pour conséquences l’avènement du renouveau démocratique avec la restauration du multipartisme et la résurgence des élections libres et compétitives.

Cependant, il n’en fallait pas beaucoup de temps pour que le rêve soit un cauchemar. Sinon, comment expliquer qu’un quart de siècle s’est écoulé depuis la pseudo-ouverture politique pour que l’Algérie de 2018 soit réduite à une « République bananière ». Y a-t-il un commandant à bord du bateau Algérie ? La démocratie a-t-elle existé dans ce pays, ou juste une chimère ? Et pourtant ! La démocratie enseigne qu’aucun pouvoir, dit-elle, n’est absolu, sacré ; tout pouvoir est construction humaine – donc muable ; donc changeable. La démocratie refuse, congédie le pouvoir d’un seul sur tous. Elle proclame le pouvoir des citoyens sur eux-mêmes ; elle postule les libertés politiques et civiles ; affirme le respect de la pluralité, la pratique du débat contradictoire et l’égalité devant la loi. Elle est constitutionnalité, principes et règles de vie commune partagés. Elle est ce processus – certes toujours litigieux, certes toujours difficile – d’élaboration de règles qui font sens, de règles qui donnent sens, de règles qui lient dans l’égalité et la liberté. Liberté de penser, liberté d’expression, liberté de parole.

Démocratie : la triche permanente

La démocratie libère la raison critique. Elle libère la parole muette, la parole mutilée, la parole interdite, la parole étouffée, étranglée, écrasée. Parler, exprimer son opinion, ouvrir sa gueule n’est ni un délit ni un crime, tel est l’un de ses crédos. Mais depuis que l’Algérie a fait l’option du multipartisme et de la démocratie, sous la pression, peut-on dire, notamment les événements d’octobre 88, l’idée de Mao selon laquelle « le pouvoir est au bout du fusil » est devenue pratiquement une hérésie, et a été combattue comme telle. Même si l’antidote des régimes comme celui de l’Algérie est la démocratie, la vraie, cette dernière tarde à venir.

Or, tant que le pouvoir triche avec la démocratie, badine avec les libertés, bricole avec l’économie, le changement n’est pas pour demain. De même, les élections y sont juste organisées pour s’assurer la bienveillance de l’Occident et amuser la galerie. Les institutions telles que le parlement, le Sénat, la justice…sont artistiquement taillées à la mesure des princes régnants, et la Constitution constamment charcutée en leur faveur. Le résultat est que la politique se sclérose et l’alternance est, à chaque élection, renvoyée aux calendes grecques. De ce point de vue, l’on pourrait dire que le lendemain s’annonce des plus sombres si le régime persiste à charrier le pays aux abysses. Les mouvements incessants de harraga, le chômage endémique avec son chapelet de conséquences désastreuses peuvent être lus comme un acte de désespoir contre un régime dont la gouvernance politique est aux antipodes de tous les fondamentaux de la démocratie.

Le vrai problème est que nous avons adopté la démocratie, mais sans que nos hommes y soient préparés parce que la mise en œuvre de la démocratie suppose une culture démocratique que malheureusement le gouvernement n’a pas.

La démocratie ne pourra réellement jouer son rôle de tremplin pour le développement que si les autorités et le peuple acquièrent cette culture démocratique, ce qui suppose l’éducation des citoyens, l’instruction civique, la lutte contre l’impunité, etc.

En effet, l’Algérie traverse une crise multidimensionnelle qui en dit long sur le malaise collectif de la nation. Une débâcle qui s’ébauche d’ores et déjà sous nos yeux : les masses noyées sous les flots du pathos et gagnées par l’angoisse sont dans l’expectative d’une voie du salut et «les décideurs», dans l’impasse, s’accrochent quoiqu’il leur en coûte au pouvoir! Énième ratage de cette Algérie qui se fourvoie dans ses contradictions. Or, pour faire œuvre utile, une élite gouvernante qui se dit à cheval sur les principes démocratiques ou au moins prétend les défendre devrait chercher «une synergie vitalisante» basée sur la confiance, le débat contradictoire et le respect populaire. Mais force est de constater que le fossé qui sépare les gouverneurs des gouvernés est tellement gigantesque qu’il parait difficile de sortir de ce « trou noir ».

 Il suffit de voir comment est administré le pays pour comprendre que la démocratie est aux antipodes de ce mode de gouvernance ancestrale. Au demeurant, le pouvoir algérien donne l’impression d’avoir du mal à se connecter avec la réalité amère du bas people. À y regarder de près, le régime plonge ses racines dans cet imbroglio sans fin, nourri et maintenu par ce même système. Après avoir obtenu le pouvoir par des voies « officiellement démocratiques », ledit régime s’ingénie à confisquer ce pouvoir en multipliant la conformité mimétique aux principes démocratiques pour faire résonnance auprès des nations, lesquelles ne prêtent attention qu’aux seules richesses du pays, s’il en reste.

Pendant ce temps, une partie du peuple qui ne reçoit de l’exercice politique en cours que les méfaits et les nuisances diverses se détournent de la chose publique et trouve dans la famille, dans le clan et parfois dans l’ethnie le seul endroit où ses intérêts sont pris en compte. Même les membres des élites politiques qui parviennent à préserver le lien avec le peuple qui leur a cédé le pouvoir utilisent abusivement ce pouvoir sur des questions essentielles en prenant des décisions qui échappent au plus grand nombre et qui ne profitent qu’à quelques individus. Le cas des députés, censés représenter le peuple, est un cas édifiant de ce qu’est devenue l’Assemblée nationale.

C’est malheureusement ce à quoi on assiste en Algérie. Outre la nonchalance du peuple, il y a également la soif du pouvoir de ces cacochymes qui ne veulent aucunement lâcher du lest. Alors, ne demandez pas à ces hommes de demander aux peuples par voie d’élections de lui donner la possibilité de gouverner. C’est ancré en lui, pour qu’il soit président, il faudrait d’abord que ça vienne de lui. C’est comme ça en Algérie, le peuple est inhibé, chloroformé…Il est donc normal qu’une fois arrivé au sommet de l’exécutif du pays, il ne daigne pas écouter les revendications du peuple, puisqu’il ne lui doit rien. Autre raison bien de chez nous,

L’Algérien n’aime pas être contredit, abhorre le changement ! raison pour laquelle les débats politiques tournent vite aux règlements de comptes. C’est pourtant un des fondements de la démocratie, débattre des idées ! Ne dit-on pas que « de la discussion jaillit la lumière », mais chez nous, la haine dame le pion. C’est ce qui explique ce long sommeil.

Pluralité de partis ne veut pas dire pluralisme

Si l’un des critères de démocratie pour un État est le pluralisme politique notamment l’existence des partis politiques, l’Algérie répond bien un peu trop bien : il y a une floraison des partis politiques. Le pays s’est illustré par un pullulement des partis politiques dont le nombre a souvent atteint des chiffres faramineux et dont l’objectif principal était uniquement la conquête du pouvoir et dans une moindre mesure le partage du gâteau national. Sans idéologies ni stratégie commune, les partis politiques ont des difficultés à se fédérer derrière une idéologie commune et de peser de tous leurs poids face à un appareil gouvernemental dont le principal objectif est la survie et la pérennité au pouvoir. Ce fameux multipartisme est un symbole aigu d’une entente tacite visant le maintien du tohu-bohu. Bon nombre de partis participent aux élections dans l’unique objectif de faire de la figuration, car ils savent pertinemment qu’ils ne vont jamais « gagner ». La pièce maîtresse du dispositif de cette escroquerie consiste à promouvoir le clientélisme, le népotisme tout en réduisant le peuple au rôle de simple spectateur.  

La démocratie implique une grande implication du peuple. Ce dernier doit donc être suffisamment éduqué et civilisé pour jouer à fond sa partition dans la langoureuse mélodie qu’est à la démocratie. Si le peuple n’est pas prêt, alors il se fera voler son pouvoir par les autorités. Malheureusement, c’est le cas en Algérie !

Auteur
Bachir Djaider (Journaliste et écrivain)

 




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