22 novembre 2024
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La fabrication du désespoir (II)

Le gouvernement Tebboune a-t-il, enfin, choisi son style ? Espérons-le. La prochaine libération annoncée de deux figures de la contestation pourrait signifier qu’à l’expérience, les autorités du pays réalisent le risque incommensurable à s’engager dans une bataille sans issue contre leur propre peuple.

Parce que c’est de cela qu’il s’agit, d’une guerre contre le peuple, quoi qu’en disent les bimbelotiers de la communication et les mauvais génies de la cour royale qui préfèrent, eux, obéir à cette attitude méprisante, faite d’une vieille arrogance et d’un dédain usé, quitte à rallumer le feu de la colère qui peut conduire à tous les enfers.

L’opération propagandiste qui consistait à chercher des poux sur la tête du hirak, à lui trouver des parrains parisiens, à faire expliquer par des érudits que le Hirak c’est, tout compte fait, un deuxième GIA, témoigne de l’inanité du pouvoir. Elle consistait à désespérer, à décourager, c’est-à-dire enlever toutes raisons de lutter. C’est la fabrication du désespoir.

S’il venait à s’avérer que le gouvernement Tebboune est en train de changer de stratégie, c’est-à-dire renoncer à être un Etat autoritaire, cela épargnerait une aventure hasardeuse pour tout le monde, pour l’Etat algérien qu’il représente, pour lui-même et pour la population de ce pays martyrisé.

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« Il vaut mieux périr que haïr et craindre, a dit Nietzsche ; il vaut mieux périr deux fois que se faire haïr et redouter ; telle devra être un jour la suprême maxime de toute société organisée politiquement. »

Bien entendu il est à la fois plus simple et plus confortable de recourir aux sentences de l’histoire et d’expliquer les faillites de notre époque par les convulsions d’un ancien temps. Ou par l’outrage fait aux martyrs ou par les survivances coloniales, la main de l’étranger et toutes ces analogies récitées d’un trait et qui, un abus entraînant un autre, aboutissent à accuser des Algériens de Tighennif, de Tébessa ou de Biskra de rien moins que d' »atteinte à la souveraineté nationale », d' »outrage au chef de l’Etat » et de menaces à la souveraineté nationale ».

Des jugements sots et inutiles qui ne font qu’aggraver le fossé qui sépare la société de ses dirigeants. Ces verdicts infanticides, plutôt que d’être un signe d’autorité et de puissance, trahissent une fébrilité inquiétante et un échec manifeste : l’incapacité à pouvoir engager la justice algérienne, couramment utilisée pour des revanches privées, en institution nationale, en pouvoir indépendant capable de servir des intérêts algériens plutôt que des projets privés.

La libération de Tabbou et de Benlarbi peut augurer d’une époque apaisée, en attendant de trouver une solution au problème de l’illégitimité du pouvoir actuel et à la seule condition que le pouvoir renonce à ses rêves démoniaques, ses rêves autoritaires. D’abord parce que cela est impossible, pour des raisons qu’on débattra au prochain article;  ensuite par ce que l’heure n’est plus à montrer ses muscles.

Plutôt que de harceler des blogueurs, le gouvernement Tebboune devrait s’employer, principalement et de toute urgence, à recentraliser les pouvoirs éparpillés sous Bouteflika.

C’est au sein du pouvoir qu’il convient de faire le ménage. Pas dans le hirak.

Mohamed Benchicou

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