Vendredi 24 janvier 2020
La gouvernance Tebboune ou le ballet des ex !
Il n’y a point de gouvernance légitime en Algérie, mais une convergence des forces occultes autour d’une seule et unique cause : se servir au lieu de servir.
C’est ce modèle-là, fait pour perdurer, fait pour avilir, fait pour affaiblir, fait pour faire mourir, qui prévaut depuis la mise en place, après la confiscation de l’indépendance du pays, d’un Etat sous la tutelle de l’état-major de l’armée. Alors, qu’est-ce qui a changé depuis la désignation de Tebboune, avec un peu moins de 10 % de participation, auquel il faudra soustraire le vote blanc et le vote pour les autres candidats ? À voir de près, avec l’œil du faiblard, qui garde encore les stigmates d’un flash bol en plein dans le mille, il y a eu résurrection après le trépas.
La résurrection du fils, du père qui, lui, ne meurt jamais et même de toute la famille, avec dans son sillage, tous les anciens serviteurs, les ex. Cela nous fait bizarrement penser à l’ère des Bouteflika, où la grande muette, l’état-major de l’armée, après d’âpres négociations, s’est contenté d’observer les choses de loin, ne rien égosiller, tout en continuant de faire-dire et faire-faire, toujours les mêmes, toujours les ex.
Alors, pourquoi changer de dôme , celui par lequel s’étaient abreuvés à satiété la junte, les oligarques, les hommes de paille, les islamistes véreux , les épiciers de l’Assemblée nationale et tous les ex… durant deux décennies avec, au bout du compte, plus de mille milliards de dollars dans les poches des uns et des autres ?
Tebboune ne change pas de dôme, il fait mieux que son prédécesseur, son acolyte, son mentor Bouteflika, il le voile pour mieux le vénérer, mieux l’aduler, nous faire croire qu’il n’est plus, mais qu’il est le seul à avoir le don de le voir. Pour ce faire, il engourdit tous les ex, il ne désigne pas de vice-ministre de la Défense, vice protecteur du dôme, il est le ministre de la Défense et le chef suprême des dômes. Il n’a point besoin d’un second pour la chefferie, encore moins d’un civil pour contrôler, gérer, tempérer les ardeurs d’un état-major habitué, jusque-là, à fourrer le nez, le doigt et la main, davantage dans les affaires juteuses du pays que dans les affaires qui se limitent à la protection de l’intégrité du pays.
Tebboune est le gardien du dôme: celui qui y rentre, qu’il soit un des ex-aguerris ou un apprenti novice, doit d’abord faire allégeance et avancer l’aumône.
Mais ce qu’il faut en déduire, c’est que le discrédit du pays, à l’échelle des nations du monde entier, même les plus bananières d’entre elles, est à son apogée. Le Hirak, avec sa révolte pacifique, constante, inlassable, portée par des figures, toutes d’une intégrité irréprochable, vierge de toute manipulation politicienne, qu’elle soit islamiste ou pseudo-démocrate, a définitivement mis aux abois l’Etat militaire. Alors l’État militaire, dans la figure de celui qui l’incarne, habilement habillé en civil, détricoté par tous les médias des semaines avant sa désignation et remis in extrémis sur la sellette la veille du scrutin, Tebboune est l’homme qui veut faire croire au monde et aux Algériens que l’état-major n’y est pour rien, que l’état-major sera désormais sous la sellette de la nouvelle république dont il promet l’avènement prochain.
Mais qui veut l’entendre et qui peut le croire ? De Ahmed Benbitour à Ahmed Taleb Ibrahimi, le ballet des ex, lui, croit encore ! Le ballet des ex est de retour, est de service, est plus que jamais prêt pour les plus ingrates des besognes, celles de passer le balai sur les crimes d’État, les veuleries au sommet de l’état, les beuveries au pied de l’Etat, les escroqueries au sein même de l’état…. et tous les coups d’État. Mais ceux-là, le ballet des ex, ceux qui se poussent des coudes, connaissent parfaitement le chemin peu glorieux par lequel Tebboune est arrivé au sommet de l’État. Ils connaissent l’état mafieux, ils le craignent en même temps qu’ils le croient, parce qu’ils ont tous une beuverie en commun, celle d’avoir gouverné sans la légitimité du scrutin.
Alors, il ne faudrait pas s’étonner de voir, de plus en plus, se bousculer, à la porte-fenêtre de l’Etat, tous les anciens, les ex et, peut-être même, un trépas.
Après le bruit des bottes, d’il y a plus de dix mois, on laisse la place au murmure des ex pantoufles : un murmure d’autant plus agonisant, qu’on aura du mal à faire écho à celui qui tient la longue liste des EX-préposés à la bénédiction de l’Etat.