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La grandeur du Hirak

TRIBUNE

La grandeur du Hirak

Le mouvement de dissidence populaire est un exemple édifiant qui reflète la conscience politique des Algériens. Crédit photo : Zinedine Zebar.

La grandeur de l’art véritable, au contraire, de celui de M. de Norpois eût appelé un jeu de dilettante, c’était de retrouver, de ressaisir, de nous faire connaître cette réalité loin de laquelle nous vivons, de laquelle nous nous écartons de plus en plus au fur et à mesure que prend plus d’épaisseur et d’imperméabilité la connaissance conventionnelle que nous lui substituons, cette réalité que nous risquons fort de mourir sans l’avoir connue, et qui est tout simplement notre vie, la vraie vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, cette vie qui, en un sens habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l’artiste. M. Proust

Il ne serait pas exagéré et mieux que d’élever une stèle à la mémoire d’un tel ou tel personnage même fut-il du vieux panthéon amazigh de considérer que la contestation permanente initiée par le peuple algérien vaut plus qu’ode et qu’elle peut être considérée comme l’accomplissement de l’art politique.

Par l’ampleur de la voix, force est de constater que l’actualisation  constante des slogans par les marcheurs est un pur souffle oratoire tant est conséquente la mesure acoustique qu accompagne le rythme condensé des pas protestataires. On y arrive presque à la consécration du final symphonique d’un orchestre. A s’y méprendre, la musique au même titre que le sourire du visage enchantent l’atmosphère des marches bi-hebdomadaires.

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A voir, les tambourins ne rythment pas seulement les lamentations d’une vie harrassante par l’imploration d’un oracle mais comme ils le sont percutés, s’extraient des sons enjolivant le choeur des troubadours. Mieux saisir la tenacité oratoire des protestataires revient à croire que le sourire du visage n’est pas uniquement l’envie d’un monde enchanté mais à la possibilité
d’un autre monde qui ne peut être que meilleur parce que l’homme se veut par la création être capable de perfection. En ce sens, l’art du possible en politique consiste à améliorer la vie des gens de telle sorte qu’ils se sentent libres dans leur choix.

Du coup et au détriment d’un système moribond, la portée révolutionnaire du mouvement populaire tel qu’il est initié par la jeunesse algérienne porte à croire qu’un Etat de droit est faisable parce que précisément l’aspiration citoyenne fonde l’espoir d’une responsabilité partagée au lieu d’une tutelle qui à occasionné désastre sur désastre au point que l’Algérien ne se sentait pas concerné ni près ni de loin par les affaires de la cité.

La démission caractérisée de la société algérienne envers les affaires publiques est un marqueur indélébile de l’illégitimité du régime algérien. Le pouvoir algérien incarné depuis fort longtemps par la seule armée dont les prétentions dépassent de loin ses prérogatives constitutionnelles, est le problème majeur auquel est confrontée la société.

Le contrôle de l’Etat par l’armée a anéanti l’innovation politique et a réduit à néant le rôle de l’opinion publique où généralement s’expriment les avis du citoyens. Cette forme de gouvernance ne peut être désignée que par les termes appropriés qui la définissent le mieux.

En l’occurrence, une armée n’est pas faite pour diriger un pays ni pour le gouverner parce que l’art du politique est conditionné par le jeu dialectique qui est au fondement de la persuasion et qui fait que c’est un tel argument et non un autre  qui fédère le plus d’adhésions du public. Une telle adhésion qualitative est impossible dans l’ordre militaire.

Au demeurant, ni les ombres chinoises ni l’homme en treillis ne peuvent se conformer à aux seules règles élémentaires de la démocratie. Donc, par définition le système algérien ne peut être qu’une dictature au sens où les espaces publics sont réduits à la dissonance politique. Plus que ça, s’y ajoutent l’emprise du patrimonialisme un autre facteur trouble de la citoyenneté qui perturbe la marche normale des institutions de l’Etat.

Le patrimonialisme de l’armée algérienne n’est pas seulement une appropriation matérielle de l’Algérie par une coalition des oligarques, il est aussi au fondement d’une discrimination envers le citoyen à qui on demande une soumission à l’armée pour occuper un poste de responsabilité. Cet héritage hérité du détournement des objectifs de la guerre d’Algérie a complètement dénaturé le sens des droits de la citoyenneté. A les croire ces gens-là comme vient de le répéter le nouveau chef d’état-major, l’Algérie appartient à ces quelques maquisards de la dernière heure venus de l’autre coté des frontières. Le plus souvent ils oublient que c’est de l’intérieur que le peuple algérien s’est d’abord affranchi du colonialisme français.

Au demeurant l’emprise de l’armée sur l’Etat est une pratique courante des dictatures lorsqu’on veut soumettre un peuple. En effet, l’affranchissement du peuple algérien qui s’exprime depuis le vingt deux février 2019, est une rupture consommée envers un système finissant qui est incapable de palier à ses propres insuffisances. Le fait que les marcheurs algériens répètent inlassablement à leur dire : « Dawla madania machi askaria » nous incite à porter haut et fort les objectifs de la révolution. La 
révolution en cours  qui est par nature pacifique ne peut pas dévier de ses objectifs parce qu’elle incarne la volonté générale d’un peuple en entier.

Dur comme fer et il faut y croire, l’aboutissement de la révolution est la consécration de la légitimité populaire.

D’où quelles viennent les manigances des uns et des autres ne peuvent pas changer le cours de l’histoire 
parce que le mouvement populaire a su fédérer les citoyens autour de quelques principes simples qui relèvent précisément de la citoyenneté telle qu’elle se définit à travers les différents âges. Mieux que l’Etat, le hirak a insufflé des règles communes qui permettent aux Algériens de mieux vivre ensemble. Et c’est peut-être là, la grandeur de l’indépassable hirak.

 

Auteur
Fateh Hamitouche

 




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