Dans le sillage du point de presse d’Abdelmadjid Tebboune largement commenté dans la première partie de cette contribution, nous réserverons cette courte deuxième partie pour rendre à César ce qui est à César afin de séparer le bon grain de l’ivraie.
La majorité des 18 « grands PDG de Sonatrach » n’ont jamais abandonné la relève et nombreux parmi eux ont été à l’origine des « grands exploits » parfois uniques au monde en fonction de nos données. Rappelons pour mémoire que c’est la deuxième fois qu’Abdelmadjid entre dans le débat énergétique par la petite porte.
En effet, dans l’une de ces premières conférences de presse, il a relancé le débat sur le gaz de schiste en déclarant que « c’est une ressource que Dieu nous l’a donnée, pourquoi pas ne pas en profiter. » Une polémique qui s’en est suivie ; ne parlons pas comme le font les mauvaises langues, de rétropédalage ! Mais la sagesse a pris le dessus pour remettre ce dossier entre les mains des experts et demander au secteur de l’énergie une évaluation d’abord du potentiel de notre domaine minier en cette ressource non conventionnelle, de prouver sa faisabilité et son impact économique et environnemental. Il reste libre à Abdelmadjid Tebboune de s’exprimer dans une autre occasion sur ces données que peut-être nous n’avons pas.
La loi sur les hydrocarbures 19-13 n’a ramené aucune découverte (I)
D’abord deux ans après l’indépendance en 1964, sous l’égide du premier « grand PDG de Sonatrach » feu Belaïd Abdesalam fut construite la Camel, première unité de ce genre au monde pour que Sonatrach maitrise au bout de quelques années les quatre procèdes de liquéfaction. Depuis on a évolué sur cette voie pour atteindre avec les unités d’Arzew et de Skikda, une capacité de 56 millions de m3/an de Gaz Naturel Liquéfié (GNL).
Jusqu’en 2017, la tendance était de faire travailler ces deux unités à forte valeur ajoutée pour vendre plus de GNL que du Gaz naturel (GN) dans un souci de rentabilité.
Qu’en est-il aujourd’hui avec cette euphorie commerciale ? La tendance est de diriger le GNL vers les clients européens comme livraisons contractuelles ou complément des livraisons par piping. Après une fermeture de l’unité de Skikda de plus de 7 mois en 2020, on est arrivé fin de 2021 et début 2022 au point où l’Espagne par exemple surstocke du gaz pour le revendre en France à travers les deux interconnexions des Pyrénées,
L’Algérie, n’ayant pas profité des prix bien plus avantageux sur d’autres marchés mondiaux. Même si cette démarche n’est pas malintentionnée voire patriotique, elle revient en négatif à l’économie de la patrie.
Depuis, les exploits stratégiques pour la nation se sont multipliés. Le lancement visionnaire du projet Medgaz a permis à l’Algérie de se passer du gazoduc Maghreb-Europe : Sans oublier les gazoducs stratégiques internes du GR1 au GR7 qui relient pour le premier El Menia (Adrar) et le second Alrar pour les deux Hassi R’mel.
A partir des années 1960, Sonatrach a mis en œuvre le premier projet à échelle industrielle mondiale , l’injection en gaz miscible à Hassi Messaoud, qui a permis d’obtenir les meilleurs taux de récupération. A partir des années 2000-2015, il y a eu la valorisation des projets gaziers du Sud-Ouest et du Sud-Est algériens, grâce auxquels l’Algérie se permet d’honorer ses contrats gaziers, jusqu’au plus grand projet structurant ayant permis la récupération de plus de 400 milliards de gaz en réserves prouvées et de plus de 20 millions de tonnes de condensat, à savoir le Boosting Phase 3 de Hassi R’mel, lancé en 2016, première expérience mondiale à cette échelle, coïncidant avec le lancement du programme de mise en œuvre du raffinage et de la pétrochimie.
En 2014, Sonatrach avait obtenu des Espagnols un payement de 1.7 milliard d’euros, dont 514 millions en actions dans le capital de Gas Natural Fenosa (GNF). Aujourd’hui, Sonatrach détient une participation de 3,85 % du capital de la société espagnole.
En 2016, Sonatrach avait obtenu 400 millions de dollars de la part de la société ENI, et a réussi à clore le dossier contentieux sur la TPE, en remportant l’arbitrage stratégique contre la société REPSOL.
Les exploits techniques uniques au monde ne manquent pas non plus
Sonatrach depuis sa création, n’avait jamais failli au respect strict de la conservation des gisements. Le respect de l’injection, optimal et règlementaire a été observé scrupuleusement jusqu’à 2017.
Il y a moins de 5 ans, Hassi Messaoud à lui seul avait atteint près de 400 000 barils par jour, aujourd’hui il ne dépasse pas en moyenne les 280 000 barils par jour, Hassi R’mel, aujourd’hui arrive au potentiel de 200 millions de m3 grâce au Boosting phase 3 qui a débuté avec un retard important en 2020 ; le respect strict du taux de cyclage est primordial pour l’atteinte des objectifs de ce projet de presque un milliard de dollars. Or, depuis 2017, la pression commerciale semble avoir le dessus sur ce qu’ont fait les aînés sur ces deux gisements en les conservant et en les préservant ; et ils sont nombreux à citer, tel que le gisement de Rhourde Nouss, et Rhourde El Baguel.
Il ne faut pas oublier que c’est en 2007 qu’on a réévalué le taux de récupération de Hassi Messaoud de 25,5% à 28 % pour dégager des réserves supplémentaires de plusieurs milliards de barils, en effort propre, sans aucun partenariat, sans le porter médiatiquement mais en informant les organes sociaux et le propriétaire, considérant ces exploits comme un devoir.
Les premières phases boostées de Hassi R’mel ont débuté deux année après pour atteindre la troisième phase, œuvre technique unique au monde. Très peu sinon aucun gisement dans le monde n’a tenté de donner de l’énergie à une pression aussi basse pour la phase 3, que les groupes mondiaux sont en train d’observer.
Ces décisions exigent l’expertise, l’expérience et l’engagement. Elles sont courageuses et patriotiques parce qu’elles se basent sur le principe que se sont fixés ces femmes et ces hommes de terrain de s’éloigner de la vision commerciale mais ont tout fait pour penser aux générations futures pour respecter la conservation des réserves de ces deux gisements dont ils ont la charge en respectant à la lettre les consignes du profil de production contenus dans leurs plans de développement optimisés, et actualisés.
Ce sont ces décisions patriotiques, en effort propre, qui ont permis à ces gisements de produire encore de façon aussi importante, plus de six décennies après leur mise en production .
Ce principe était de veiller contre toute velléité de déviation de réinjecter tous les gaz associés de Hassi Messaoud et de respecter un taux de cyclage entre 30 à 40 % du gaz à Hassi R’mel, de celui notamment de Rhourde Nouss.
Aujourd’hui, faute d’augmenter la part des réserves en drainant des investisseurs hors zone « mature » et « Near Field », on opte pour un réajustement du taux de cyclage et de réinjection comme solution de facilités pour faire face à la pression commerciale au détriment de la conservation réglementaires et vitales des gisements producteurs. A suivre
Rabah Reghis