Le nouveau propriétaire de la maison de l’illustre fabuliste et chanteur Slimane Azem ne veut pas être dérangé.
La vente de la maison de Slimane Azem marque la fin d’une époque symbolique pour la diaspora kabyle et pour les admirateurs de cet artiste emblématique. Il ne s’agit pas d’une simple transaction immobilière, mais plutôt de la clôture d’une période marquée par un artiste aux multiples facettes, dont l’impact dépasse largement la seule chanson kabyle.
Dominant la magnifique ville de Moissac, cette propriété était bien plus qu’une simple résidence, elle incarnait un havre pour l’esprit créatif de Slimane Azem, un lien vibrant avec sa terre kabyle qu’il n’a jamais pu revoir. Contraint à l’exil en 1967, lorsque ses chansons furent bannies des ondes radiophoniques, il devint persona non grata pour la presse algérienne. Pourtant, certains affirment aujourd’hui que cette interdiction n’avait rien d’officiel, une thèse qui ne manque pas de susciter le doute.
Slimane Azem était un exilé et un artiste profondément attaché à sa culture. Pendant une vingtaine d’années, il a partagé cette maison avec son épouse Lucienne, surnommée tendrement Malika, qui lui évoquait les montagnes kabyles et servait d’inspiration à ses chansons les plus mémorables. Ce lieu était également un carrefour d’amitié et de création, où il collaborait, notamment avec Cheikh Noredine, en composant des sketches et des chansons. Cependant, ce sanctuaire artistique a aussi vu les derniers instants de Slimane Azem, qui s’est éteint prématurément le 28 janvier 1983, à seulement 64 ans, emporté par une crise cardiaque après une longue maladie.
La maison de Slimane Azem à Moissac ne se limitait pas à un simple lieu de vie. Elle était un espace où se tissaient les liens entre son identité kabyle et son exil en France. Slimane Azem a subi l’exil forcé, un exil forcé qui le priva de sa terre natale, un thème récurrent dans son répertoire musical.
À travers ses chansons, il a incarné cette douleur de l’exil, cette nostalgie de la Kabylie, tout en continuant de porter la voix de son peuple à travers l’Europe. La maison de Moissac devient ainsi un symbole de cette quête perpétuelle de racines, un refuge où la mémoire de sa terre était continuellement nourrie par son œuvre musicale.
La maison de Moissac représente un véritable sanctuaire où s’entrelacent la mémoire de l’artiste et celle de sa compagne. Elle fut sans doute à la fois une complice et une muse, apportant une lumière douce et intime à la douleur de l’exil.
Après son décès, sa veuve a vendu la maison en viager, et plusieurs années plus tard, elle est passée entre les mains d’une propriétaire bienveillante qui a respecté son histoire. Cette femme généreuse permettait aux admirateurs de Slimane d’avoir libre accès à la maison, leur offrant ainsi l’opportunité d’honorer sa mémoire.
Cette vente ne se résume donc pas à une simple transaction immobilière, elle marque la fin d’une époque. Slimane Azem, véritable maître de la chanson kabyle, a laissé un héritage artistique immense, dont une partie reste encore inédite.
La publication de ces œuvres devient d’autant plus urgente que son dernier producteur, Mohand Anemiche de Numidie Music, est désormais âgé.
Afin de préserver cet héritage culturel, il est crucial que les générations actuelles et futures se mobilisent, notamment à travers des initiatives financières, pour faire revivre les dernières chansons de Slimane Azem.
Il convient aussi de rappeler l’effort de Slimane Azem pour promouvoir son cousin, Mouloud Azem, en enregistrant avec lui la chanson Al Mouloud Akhouya en 1980. Malheureusement, cette chanson n’a été rendue publique qu’en 2017, freinant ainsi les perspectives musicales de Mouloud. Ce dernier a dû faire face à de nombreux obstacles, notamment le refus de la radio algérienne d’enregistrer sous son nom de famille, début des années 70, il me confia que c’est Chérif Kheddam qui lui a suggéré ce changement de nom, ce qui l’a profondément blessé.
Mouloud Azem s’est aventuré dans la chanson kabyle en sortant deux cassettes, l’une en 1984 et l’autre en 1988. Cependant, il n’a pas poursuivi cette voie, restant dans l’attente de la publication du duo avec son oncle Slimane, qui aurait pu lui insuffler un nouvel élan pour poursuivre sa créativité musicale.
Slimane Azem reste une figure incontournable de la culture kabyle. Son art, marqué par l’émotion, la poésie et la critique sociale, continue d’influencer de nombreux artistes qui s’inspirent de son école. Son œuvre constitue un patrimoine unique qu’il est impératif de préserver pour les générations futures. Bien que la maison ait été vendue, elle continue de symboliser une vie et une carrière exceptionnelles, marquées par la passion et le talent.
La vente de la maison n’est donc pas qu’un acte financier, elle représente la fin d’un chapitre de l’histoire d’un artiste majeur de la musique kabyle. Cependant, son héritage demeure, et il incombe à ceux qui admirent son œuvre de continuer à nourrir sa mémoire et à préserver ses contributions culturelles pour les générations futures.
La maison de Moissac, bien que vendue, demeure un symbole vivant de l’artiste et de son œuvre. Chaque recoin de ce lieu imprégné de l’histoire de Slimane Azem, de ses créations et de ses collaborations, témoigne d’un parcours unique. Si l’immobilier change, l’esprit de Slimane Azem continue de guider ceux qui, comme ses admirateurs de la première heure, cherchent à comprendre et à préserver cette œuvre magistrale.
La vente de la maison de Slimane Azem n’est pas simplement une transaction immobilière, mais la fin d’un chapitre dans l’histoire d’un artiste majeur de la musique kabyle. Son héritage, cependant, perdure, et il appartient à ceux qui apprécient son œuvre de continuer à la transmettre et à la préserver pour les générations à venir.
Bruno Azem et sa famille déploient une énergie remarquable et une passion indéfectible au sein de l’association, Les Amis de Slimane Azem, où ils s’engagent à préserver et à faire rayonner l’héritage du légendaire Slimane Azem.
Par des initiatives culturelles, des rencontres et des projets de mémoire. Bruno Azem veille à ce que l’œuvre et l’histoire de cet artiste emblématique continuent d’inspirer les générations actuelles et futures.
Brahim Saci