24 janvier 2025
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La persécution des savoirs : les éditions Frantz-Fanon dans le collimateur

« Être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. » Nelson Mandela

À Boumerdès, au cœur d’une Algérie en quête de sens, les éditions Frantz Fanon rayonnent depuis des années comme un phare dans l’obscurité culturelle. Fondées et dirigées par Amar Ingrachen, cette maison d’édition familiale a su imposer sa marque dans un paysage éditorial souvent hostile.

Avec une quinzaine d’ouvrages publiés chaque année, elle incarne une vitalité rare dans un secteur fragile. Mais aujourd’hui, ce fleuron de l’édition se trouve dans la ligne de mire d’un pouvoir qui, à défaut d’arguments, multiplie les sanctions arbitraires.

La publication d’un livre qui dérange

 C’est l’ouvrage L’Algérie juive de l’auteure Hédia Bensahli qui semble avoir déclenché les foudres du régime. Un essai audacieux, certes, mais publié depuis plus d’un an sans susciter le moindre émoi.

Le livre, explorant une histoire occultée de la diversité algérienne, a soudainement attiré l’attention des autorités, non pas pour sa qualité intellectuelle, mais en raison de séances de dédicaces organisées récemment dans des librairies.

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D’abord à Alger, à L’Arbre à dire, puis à la librairie Cheikh de Tizi Ouzou, ces événements ont suffi pour que la machine répressive se mette en marche. Les deux librairies, accusées de ne pas avoir inscrit la mention « dédicaces de livres » sur leur registre de commerce — une exigence absurde nulle part prévue par la loi — ont été contraintes de fermer leurs portes. Ces sanctions surréalistes relèvent d’un délire kafkaïen : aucun établissement culturel au monde ne possède une telle mention.

Amar Ingrachen dans le viseur

Le coup de grâce est venu lorsque Amar Ingrachen, le directeur des éditions Frantz Fanon, a été convoqué au tribunal et placé sous contrôle judiciaire. Une sanction déjà lourde pour avoir osé publier un ouvrage jugé subversif. Mais cela n’a pas suffi : la préfecture de Boumerdès, dans un acte de mépris flagrant envers le système judiciaire, a scellé les locaux de la maison d’édition. Une double peine qui viole non seulement la loi, mais aussi les principes les plus élémentaires de justice.

Une répression sans limite

Cette attaque contre les éditions Frantz-Fanon s’inscrit dans un contexte plus large de répression. Après l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal, l’incarcération de centaines de prisonniers d’opinion, et la condamnation du jeune poète Mohamed Tadjadit pour un simple hashtag, c’est désormais la culture et les semeurs de savoirs qui sont ciblés. Le pouvoir semble décidé à étouffer toute voix dissidente, tout espace de liberté, qu’il soit politique, intellectuel ou artistique.

Une attaque contre l’intelligence collective

Ce qui se joue ici dépasse le cas d’une maison d’édition ou d’un livre. En frappant les éditions Frantz Fanon, le régime s’attaque à l’intelligence collective, à la transmission du savoir, à la mémoire. Il s’attaque à ce qui permet aux peuples de réfléchir, de comprendre, et donc de résister.

Pourtant, l’œuvre d’Amar Ingrachen et de ses semblables est essentielle. Ce sont eux qui, envers et contre tout, portent la lumière dans une époque sombre. Ce sont eux qui refusent que l’Algérie cède à l’obscurantisme, qui rappellent que la diversité et la liberté d’expression sont la sève d’une nation.

Un appel à la solidarité

Face à cette répression croissante, la solidarité est plus que jamais nécessaire. Chaque voix qui s’élève, chaque geste de soutien, chaque mot écrit pour dénoncer ces abus est une pierre posée sur le chemin de la liberté.

Les éditions Frantz-Fanon, malgré les scellés sur leurs portes, continueront de vivre dans l’esprit de ceux qui refusent de se taire. Et tant qu’il y aura des gens pour lire, pour écrire, pour créer, aucun pouvoir ne pourra éteindre cette flamme.

Aujourd’hui, c’est notre devoir de la raviver, de la protéger, pour que demain, l’Algérie retrouve la voie de la justice et de la dignité.

Kamel Bencheikh

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