La police israélienne est violemment intervenue sur l’esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l’islam, officiellement « pour rétablir l’ordre ». Plus de 350 personnes ont été arrêtées.
La police a lancé des grenades assourdissantes pour disperser les Palestiniens retranchés dans la mosquée Al-Aqsa. Certains ont riposté, en lançant des feux d’artifices. La situation a ensuite complètement dégénéré. Des roquettes ont été tirées de la bande de Gaza, en direction du territoire israélien. Elles ont été interceptées par la défense anti-aérienne de l’État hébreu.
Au petit matin ce mercredi, la police israélienne a décidé d’évacuer entièrement les lieux. Tous les fidèles musulmans, les journalistes, ont été chassés de force. Le déclencheur de toute cette répression : la présence continue des Palestiniens dans la mosquée Al-Aqsa, en ce mois de ramadan.
Les musulmans appellent cela « Itikaf », c’est-à-dire passer ses jours et ses nuits dans une mosquée. « Le ramadan est un mois sacré durant lequel nous accomplissons l’Itikaf, nous explique un vieil homme. C’est une retraite dans la mosquée. Mais les juifs rejettent cette pratique religieuse musulmane, et nous envoient leurs policiers pour nous déloger. Ils lancent des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes. Ils peuvent nous tirer dessus à balles réelles s’ils le souhaitent. On ne bougera pas d’ici et on défendra Al-Aqsa. » Mais pour les forces d’occupation israéliennes, il s’agit « de troubles à l’ordre public ».
La police explique garantir « la liberté de culte », mais elle décrète l’interdiction de cette présence continue à Al-Aqsa. Les fidèles expliquent avoir reçu, il y a 48 heures, un avertissement par texto : « Nous savons que vous passez la nuit à Al-Aqsa, vous devez quitter les lieux. » Hors de question, réplique Khouloud, âgée d’une quarantaine d’années, au micro du correspondant de Rfi à Jérusalem, Sami Boukhelifa, qui était sur place. « Nous, Palestiniens de Jérusalem, nous subissons une politique brutale, qui vise à éradiquer notre présence de la ville. Les Israéliens veulent nous chasser de nos mosquées ! Nos droits sont bafoués ! Ils nous empêchent de prier librement. Ils mettent la main sur nos maisons. Et donc, notre défi est de marquer notre présence, pour réaffirmer l’identité musulmane de nos lieux saints. Ici, c’est l’esplanade des Mosquées, ce n’est pas le mont du Temple comme l’affirment les juifs. Chaque année pendant le ramadan, c’est la même lutte. Surtout lorsque les juifs célèbrent leurs fêtes au même moment », nous explique Khouloud.
Sur des images publiées par la police israélienne, on peut voir des explosions de ce qui semblent être des feux d’artifice à l’intérieur du lieu de culte, et sur laquelle on devine des silhouettes en train de lancer des pierres. Une autre séquence vidéo de la police montre des policiers anti-émeutes avancer dans la mosquée en se protégeant des tirs de fusées avec de boucliers.Les images montrent ensuite des batteries de feux d’artifices et des policiers évacuer au moins cinq personnes les mains menottées dans le dos.
« Un crime sans précédent », dénonce le Hamas
« Ils ont sauvagement attaqué les gens dans la mosquée, sans même se dire qu’il y avait des femmes à l’intérieur. Et puis ils restreignent votre liberté de mouvement. Ils vous disent : » Vous ne pouvez pas passer par cette porte, passez par celle-là. Vous ne pouvez entrer à Al-Aqsa à telle heure, il faut attendre. » Et là, regardez-les. Ils se tiennent prêts pour une nouvelle vague de répression contre les fidèles à Al-Aqsa », témoigne une autre femme.
C’est un « crime sans précédent » a dénoncé le Hamas après les échauffourées. Le mouvement palestinien a appelé les Palestiniens de Cisjordanie « à se rendre en masse vers la mosquée Al–Aqsa pour la défendre ».
Ce mercredi soir, c’est le début de Pessah, la Pâque juive. Les Palestiniens redoublent de vigilance durant cette période, car des organisations nationalistes juives appellent à sacrifier des agneaux sur l’esplanade des Mosquées. Un rite biblique, selon eux, mais interdit à la fois par le rabbinat et par les autorités israéliennes.
Roquettes vers Israël et manifestants à Gaza
Après l’annonce des affrontements à la mosquée, plusieurs roquettes ont été tirées à partir du nord de la bande de Gaza en direction du territoire israélien, selon des journalistes de l’AFP et des témoins. Au moins trois roquettes ont été vues partir de loin alors que l’armée israélienne a fait état du déclenchement de sirènes d’alerte dans plusieurs zones urbaines israéliennes des environs de la bande de Gaza. L’armée israélienne a indiqué de son côté que cinq roquettes tirées en direction du territoire israélien avaient été « interceptées par la défense anti-aérienne » dans la zone de Sderot (sud d’Israël), et que quatre autres roquettes étaient tombées dans des zones inhabitées. À Gaza, des dizaines de manifestants sont descendus dans les rues en plusieurs endroits dans la nuit, en brûlant des pneus. « Nous jurons de défendre et de protéger la mosquée d’Al-Aqsa », ont-ils proclamé.
Le ministère des Affaires étrangères égyptien a publié un communiqué « condamnant l’irruption de la police israélienne à l’intérieur [de la mosquée] Al-Aqsa et l’agression contre les fidèles ». « L’Égypte tient Israël, puissance occupante, comme responsable de cette dangereuse escalade qui pourrait saper les efforts de trêve », ajoute le texte.
Ces violences surviennent alors que le conflit israélo-palestinien connaît un net regain de violence depuis le début de l’année après l’entrée en fonctions, fin décembre, d’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire d’Israël. Les violences ont fait près de 110 morts depuis le début de l’année et ont repris pendant le week-end, après un semblant d’accalmie observé depuis le début du ramadan, le 23 mars.
Avec AFP