Mercredi 20 février 2019
La révolution des stades ?
Je suis effondré d’apprendre que la fronde à la candidature de Bouteflika se manifeste bruyamment… dans les stades. Je suis profondément inquiet qu’un supporter de foot, violent, puisse avoir plus de bon sens que les soi-disant intellectuels. Car cette réaction n’est pas le fruit d’une réflexion, seulement d’une pulsion dangereuse.
Ce sont les mêmes qui ont adoré et applaudi la pire des dictatures militaires. Ce sont les mêmes qui ont hurlé des propos racistes et meurtriers et qui ont fait de la violence la marque de leur expression. Ils ont été les premiers à reproduire l’identité déplorable d’un régime politique plus prompt à créer des zombies que des jeunes devant un livre, dans un amphithéâtre ou dans une bibliothèque.
Ce sont les parfaites créatures d’un désastre national et, même s’ils en sont les victimes, on ne peut les tolérer, leur pardonner. C’est l’engeance du fascisme et de la peste noire dont ils ont, malgré tout, accepté d’en être les porte-drapeaux, au sens réel comme figuré. Il ont hurlé leur nationalisme, la haine des autres, de tout ce qui est différent. Ils sont les menaces les plus dangereuses pour l’avenir d’un pays s’ils venaient à investir les rues.
Je dois cependant prévenir le lecteur, j’adore ce sport magnifique aux extraordinaires émotions et je n’insulte pas une communauté dans sa globalité, ce qui est le contraire de l’intelligence et de l’humanisme.
Nous parlons de ceux qui ont toujours fait de la violence, leur religion, de la bêtise et du racisme, leurs valeurs. Ce sont eux qui sont visés par mon propos, toute autre interprétation serait injuste et je l’écarterais d’un revers de la main.
Voilà que le soulèvement contre la réélection inacceptable d’une momie, d’un grabataire qui bave et ne s’exprime pas, provient d’un endroit où l’on s’attendait le moins à le trouver, le stade. Il faut mesurer le danger et la situation explosive que cela signifierait.
Ce que nous redoutions vient peut-être de montrer ses premiers signes, soit la terrible révolution aveugle qui renverserait un régime politique par la colère de ceux qui en sont les purs produits. Il est inévitable qu’elle puisse finalement se produire car les politiques et les intellectuels se sont réfugiés dans une posture des plus indignes, c’est à dire le silence, pour la majorité, la compromission, pour d’autres.
Ce qui est en train d’arriver est donc la réaction brutale d’un peuple en rage mais en aucun cas en capacité de produire une société viable et saine. Cela est impossible car beaucoup oublient, trop souvent, que ce sont les idées et les hommes d’esprit qui provoquent les révolutions.
Celle qui nous est toujours donnée en référence, ce qui n’est pas contestable sur le fond, est la révolution de 1789. Elle est la conséquence directe du siècle des lumières et la petite-fille de la Renaissance, apparue plus de deux siècles auparavant en Italie.
Pendant que les Algériens instruits se demandent encore s’ils vont choisir de renouveler leur confiance à une momie, de miser sur un général ou de suivre un milliardaire offshore, la rue risque de ne pas attendre qu’ils finissent leurs atermoiements.
Tout le monde avait à y perdre en se réfugiant dans le silence coupable, la compromission ou la lâcheté intellectuelle, cette dernière qualité étant le résumé des deux premières. Trop de milliards dans ce pays, pendant trop longtemps et jusqu’au vomi, cela rend aveugle et inconscient.
En comptabilité, on apprend la règle de la partie double, c’est à dire qu’à chaque débit correspond un crédit pour équilibrer l’opération. Les Algériens vont devoir payer maintenant la contrepartie car le système, comptable comme humain, ne permet jamais les déséquilibres et fait tout pour le retour du balancier.
La Fontaine avait averti les Algériens depuis des siècles : « Vous chantiez ! Dansez maintenant ! ». Et avec les supporters de foot, la danse sera explosive.