6 novembre 2024
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La transition, tout est « négociable » exceptée la souveraineté du peuple

DECRYPTAGE

La transition, tout est « négociable » exceptée la souveraineté du peuple

Ce peuple est plus grand que nos rêves (Jean Sénac)

Le tic-tac de l’horloge du temps qui nous rapproche du 4 juillet semble plonger certains dans l’angoisse de ce qu’ils appellent le vide constitutionnel. Comme si ce vide correspond au trou de l’univers qui avale tout ce qui s’aventure devant sa bouche d’entrée. Le 4 juillet, il y aura toujours un peuple qui a déjà connu des périodes avec ou sans constitution. Il y aura toujours les bras armés, (police et armée) d’un État que le peuple ne veut pas abattre mais exige qu’il repose sur le socle de la souveraineté du peuple.

Au lieu de partir de ces réalités qui en principe font consensus, on voit surgir ici et là, des mots et des idées comme négocier ou bien ‘’la finalité de toute lutte idéologique est de cacher le caractère conflictuel de la société’’ (‘1). Des mots et des idées (de juristes et autres sociologues) triturés par une vision métaphysique qui tourne le dos aux réalités politiques du terrain. Ces gens oublient que les mots et les idées ne sortent pas du néant. Alors quand on utilise le mot négocier ou qu’on donne une définition médiocre ou mensongère de la notion d’idéologie, il ne faut pas être spécialiste de la sémantique ou philosophe du langage pour deviner la nature des sources où l’on s’abreuve.

La situation est suffisamment complexe et alourdie par la volonté de faire appel à l’arme du pacifisme, pour ne pas traiter les problèmes avec légèreté. Aussi faut-il être à l’écoute, des entrailles de la société avec sa diversité, sa détermination et sa fougue mais aussi ses entraves héritées d’une douloureux récent passé, pour que l’actuelle séquence historique du pays se dote des clés d’un avenir qui tourne le dos à la lugubre parenthèse de 20 ans.

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Le peuple ne veut plus se faire avoir, il ne veut pas de la fiction des scénarios médiocres élaborés sans lui pour ne pas dire contre lui. Des scénarios truffés de mots alléchants mais trompeurs enrobés de bons sentiments. L’on sait que les bons sentiments n’accouchent jamais de la bonne littérature.

Puisqu’on veut forcer la main au peuple en lui imposant la fiction d’une constitution pour domestiquer le terrain politique, pourquoi ne pas partir de la réalité politique et confier, la rédaction de l’architecture institutionnelle de la réalité en question, à des cerveaux vaccinés contre l’enflure des egos et l’ambition maladive du pouvoir (2). Procéder ainsi, c’est imiter les monuments de la littérature qui, partant et fouillant le réel avec ses brûlures, ses angoisses et ses merveilles, ont produit des œuvres de ‘’vérités’’ sur la fragile condition des hommes et l’histoire des sociétés (Dante, Cervantès, Tolstoï). Il est donc préférable de fonder une œuvre à partir de la réalité que l’on habille avec la fiction de la puissance de l’imagination et de la politique, art suprême selon Aristote.

Il est temps de se confronter à la réalité. Depuis le 22 février, nous avons assisté à des manœuvres secondées par des propositions d’une certaine ‘’élite’’ qui n’ont pas résisté au rouleau compresseur du mouvement populaire. La raison est simple ! Le peuple en a soupé de promesses, style ‘’Tab Janna’’ et a envie de donner une leçon à un monsieur qui clamait sans rougir ‘’le pays traverse une petite brise printanière et tout finira par rentrer dans l’ordre’’ (3).

Il est temps de prendre la mesure des maux qui ont réveillé le volcan qui sommeillait dans la société… Hirak, harragas, hogra, des mots phares du lexique algérien, des mots dont la mélodie semble provenir d’une même musique, des mots qui évoquent une sorte d’état insupportable produit par une entreprise de violence cyniquement organisée. Et pourtant le mouvement du 22 février qui a déferlé dans les rues du pays se déclare résolument pacifique.

Paradoxe ? Pas tout à fait quand on sait que les mots ont les couleurs de l’histoire. Et l’histoire de cette jeunesse raconte précisément les frustrations et les violences qui ont balafré sa vie. Et cette jeunesse n’avait même pas le secours d’une voix poétique qui pourrait chanter la sourde révolte qu’elle a intériorisée. Elle était seule cette jeunesse face à un système qui prenait un malin plaisir à cacher le soleil à ses yeux. Il fallait surtout pas que la jeunesse voit l’entreprise politique qui ruinait le pays, l’abandon des villes à la laideur et à l’insalubrité où le jeune rongé par l’ennui dort le jour et se réveille la nuit, où la femme interdite dans l’espace public se morfond entre les murs de sa maison, où des usines portes closes devant lesquelles le chômeur n’a que ses larmes pour maudire son existence, bref un pays qui se dévitalise de la force de sa jeunesse, de la fuite de l’intelligence de ses cerveaux….

Que faire dans un champ politique en ruines et qui nécessite la maîtrise de paramètres aussi nombreux qu’inconnus ? La jeunesse n’a pour l’heure que son énergie et ses rêves maintenant que le mur de la peur s’est effondré. Il lui faut cette période de transition pour faire corps avec les autres membres du peuple, pour faire entendre les espoirs et la liberté enfin à la portée ‘’d’un peuple plus grand que nos rêves’’ comme le chantait Jean Sénac dans un poème ‘’Istiqlal’’, jour de l’indépendance.

Et pour être sûr qu’on comprenne le peuple, des voix montent crescendo pour que le pouvoir de fait conjugue la réalité politique du moment avec la grammaire des revendications du peuple. Et cette conjugaison n’est nullement un danger ou une menace contre le pays. Celui-ci a couru un danger avec le maudit 5e mandat qui a failli ouvrir les vannes à la pire des humiliations et peut-être offrir l’occasion à des prédateurs étrangers à l’affût, sentant l’odeur d’un pétrole bon marché et orphelin jusque-là de son véritable propriétaire, le peuple.

La transition est nécessaire, c’est un passage obligé pour déblayer le terrain semé d’embuches. Et ils sont nombreux ces foutus legs de l’adversité de Dame Histoire qui n’a pas été généreuse avec le Pays.

Hélas le navire algérien d’aujourd’hui ne vogue pas dans une mer calme et sans récif. Le navire en question a connu de 1830 à 1962 d’innombrables tempêtes, et arrivé à son port d’attache, la fatigue a amoindri l’énergie du peuple. Et le gouvernail du bateau est tombé entre temps dans des mains qui ne souciaient guère des rêves qui habitaient l’équipage. Et l’héritage de cette séquence de l’histoire, nous le connaissons.

Les rêves décapités ont laissé la place à des dérives autoritaires et à l’autisme des gouvernants. La suite est connue, violence politique d’abord, sociale ensuite. Et dans le sillage du bateau-Algérie sans boussole, des zombies nageaient en eau trouble pour aller à la pêche d’archaïsmes cuisinés par un maître d’hôtel portant la toge du féodalisme. Et durant la période de transition, le plan de bataille pour accéder à une nouvelle république ne doit pas sous-estimer de combattre, certes avec pédagogie et souplesse, les noires idées archaïques avec vigueur et rigueur de l’intelligence. Et parmi ces idées nauséabondes, il y a l’ineptie de croire que le pays est une propriété privée par la force du pouvoir des armes ou de la politique. A cela, il faut ajouter cet insupportable statut de mineur éternel que l’on veut coller à la femme. Étouffant aussi ces petits ou vieux miliciens de la bigoterie qui osent s’immiscer dans la vie des gens comme si nous étions des citoyens de leur modèle de pays dont les dirigeants trahissent tous les jours la Palestine. Le peuple, tous les vendredis sort dans la rue avec les photos de Ben M’hidi, Amirouche, Ben Boulaïd, Abane Ramdane avec ici et là un drapeau palestinien.

Pour finir, le titre de l’article contient les mots de négociable et souveraineté pour émettre une idée forte. L’Algérie est mariée avec son histoire, elle n’est la propriété de personne pour que l’on puisse ‘’négocier’’ quoi que ce soit sur la souveraineté du peuple. En revanche, débattre oui de tout pour ne plus revivre le cauchemar humiliant du 5e mandat.

Ali Akika.

Notes

(1)  Extrait d’une contribution dans el Watan de Lhaouri Addi. Ce sociologue veut nous faire croire que toutes les idéologies ont le même rapport avec la lutte des classes. C’est l’idéologie de la bourgeoise qui masque les aspects contradictoires des intérêts des classes sociales. On le voit avec les Gilets jaunes à qui on intime l’ordre de rentrer dans les rangs et de résoudre leur conflit avec les ‘’armes’’ d’une certaine légalité. La lutte des classes n’est pas une invention, elle est l’émanation du refus des exploités qui n’acceptent pas sans rien faire le vol de la part des richesses qu’ils créent.

(2) Le moyen d’éviter le détournement de la volonté du peuple nécessite l’accouchement d’une constitution débattue et votée par des représentants élus du peuple et soumise en dernier ressort à l’approbation du peuple.

(3)  Déclaration d’un ‘’élu’’ du RND devant des ‘’militants’’ de son parti. Ce monsieur a ‘’disparu’’ contrairement au mouvement populaire toujours vigoureux après l’automne, le printemps finissant et l’été qui pointe son nez.

Auteur
Ali Akika, cinéaste

 




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