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La vieillesse en plusieurs voix

Elle s’invite à vous deux fois dans votre enfance. « Tes vieux jouets, ton vieux grand-père, ton vieux pantalon » puis ensuite lors du cours de français, dans cette fameuse leçon qui vous apprend une bizarrerie de la langue française, deux L dans un mot se prononcent dans la majorité des cas comme un Y lorsqu’ils sont précédés par une voyelle.

Mais on apprend également dans ce cours que les mots masculins en terminaison « eux » trouvent parfois leur féminin en « ieille ». Et voilà que vous comprenez enfin pourquoi vos grands-parents ne sont pas nommés du même mot. Mais vous apprenez aussi que ces deux adjectifs, vieux et vielle, son reliés par un unique substantif, la vieillesse. C’est certainement parce que l’amour de toute une vie trouve enfin sa raison de ne plus être remis en cause, il les a liés à jamais.

Que me prend-il aujourd’hui à vous parler de vieillesse ? Et pourquoi pas, une chronique na jamais été obligatoirement une réflexion sur l’actualité. Elle a cette liberté d’ouvrir toutes les portes pour découvrir ce qu’elles cachent comme pensées, théories et recherche de la plus introuvable, la vérité sur la vie.

Pour la vieillesse, tous les penseurs dans l’histoire n’ont réussi qu’à se positionner en contradiction des uns avec les autres, c’est le jeu courant et salutaire de la pensée. Et du fait de mon tropisme personnel écoutons le débat entre eux en ce qui est le rapport de la vieillesse avec son aptitude à apprendre, produire et transmettre du savoir. Les uns considérant que la vieillesse accroît cette aptitude, les autres considérant le contraire.

Mon commentaire ne concerne qu’un très petit échantillon de philosophes ou commentateurs. Le débat étant constant dans l’histoire, on pourrait bien entendu trouver de très nombreuses réflexions sur la vieillesse et son aptitude ou non à apprendre.

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Tout commence par le poème Mimnerve de Colophon le grec qui, dans sa fin, conclut « puissé-je sans atteindre la vieillesse pour mourir jeune ». Solon, homme d’état et poète, reçoit ce poème et considère que cette fin est impossible à considérer.

Comme pour les apocryphes du moyen-âge, il en modifie le contenu et le sens en écrivant « Je deviens vieux et je continue d’apprendre ». Une position inverse de celle de Mimnerve de Colophon. Je dois humblement confesser que c’est la seule phrase très célèbre de ce débat philosophique dont je me souvienne du lycée. C’est déjà une preuve en soi qu’on peut continuer d’apprendre en dépit de l’âge avancé.

Nous voilà ainsi au cœur du débat entre les deux positions. Aristote affirme que la vieillesse est comme un arc, la faculté d’apprentissage monte puis le déclin est irréductible, elle ne permet donc plus d’approfondir son savoir. Platon soutient la thèse inverse, «la vieillesse est une libération ».

Jean Jacques Rousseau, dans les rêveries du promeneur solitaire, a un discours terriblement négatif envers la vieillesse. Pour lui, « à quoi bon apprendre à conduire son char lorsqu’on est au bout de la carrière ? ». Autrement dit, le savoir ne sert qu’à conduire sa vie pour le futur, est-il nécessaire d’apprendre lorsque l’approche de la mort nous prive définitivement d’un avenir ?

Friedrich Nietzsche est encore plus sévère car pour lui non seulement la vieillesse ne permet plus d’accumuler du savoir mais contamine les jeunes par une attitude normative qui leur interdit de mener leur propre réflexion en les assénant continuellement d’avertissements, de conseils et d’interdictions.

Puis il y a la très célèbre phrase du général de Gaulle qui est la plus retenue par le public car elle est non seulement accessible sans besoin d’érudition mais surtout elle nous est contemporaine, « la vieillesse est un naufrage ». Il y a d’ailleurs une grande méprise à propos de cette phrase car on oublie souvent qu’elle n’est pas de portée générale mais prononcée envers le maréchal Pétain. Ce grand personnage de la première guerre mondiale, héros de la nation, qui s’est perverti à sa vieillesse par la collaboration et des actes autoritaires monstrueusement répréhensibles.

C’est trop tard, seuls les historiens pourront tenter de remettre dans les esprits du public cette phrase dans son contexte. Elle est devenue virale comme on dirait dans un autre domaine de transmission des connaissance (très partiellement).

Et moi alors? Seuls les érudits peuvent donner leur avis philosophique ? Je me permettrais alors de rajouter la mienne. Un bonheur absolu de la retraite, le seul moment de liberté pour la réflexion qui ne soit pas dicté par la responsabilité d’apprendre et de transmission du savoir du professeur, aussi bien dans son contenu programmatique que par l’impossibilité d’y introduire ses avis personnels.

Jamais l’esprit n’a été aussi prolixe, en bonne production ou mauvaise, qu’en ce moment où l’accumulation de l’apprentissage de toute une vie peut se permettre de s’exprimer.

N’est-ce pas ce que je fais régulièrement dans cette chronique ainsi que dans bien d’autres occasions de réfléchir et de transmettre ?

Si vous êtes dans une opinion contraire vis à vis de mes réflexion, j’ai un grand avantage de liberté, je ne peux ni vous entendre ni vous répondre si l’envie est absente. Les anciens savent feindre la surdité à leur avantage.

La vieillesse est une libération des contraintes. Platon l’avait déjà dit ? Je suis sourd, répétez plus fort !

Boumediene Sid Lakhdar

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