19 mars 2024
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L’Afrique des convoitises : la peur du pouvoir et le pouvoir de la peur 

Répression en Afrique

«Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur ; la peur de perdre le pouvoir pour ceux qui l’exercent, et la peur des matraques pour ceux que le pouvoir opprime » Aung San Suu Kyi

La violence symbolise un double discours d’inversion des valeurs où le héros serait un antihéros, le citoyen un délinquant, l’assassin un justicier, le juge un fou. Les valeurs fortes d’une société sont le respect de la dignité accordée équitablement à tous les individus qui la composent et les chances accordées à chacun pour réaliser son potentiel. Partout dans le monde les jeunes aspirent à participer plus activement à la gestion des affaires politiques et économiques. Cependant dans la plupart des pays arabes les systèmes sont sclérosés empêchant le renouvellement des élites et la renaissance des idées.

La jeunesse africaine ne veut plus d’un Etat comme un legs du colonialisme ou comme un instrument hégémonique occidental. Ce qu’elle désire par-dessus tout c’est d’un Etat de droit ouvert sur le monde fondé sur une morale et animé par des dirigeants honnêtes et compétents élus en toute liberté sur la base d’un programme  clair et d’un échéancier précis et sur la base duquel ils seront appelés à être jugés.

Aucune société au monde ne refuse ces idéaux. Or, dans une société où la majorité de la population est composée de jeunes de moins de trente ans, désœuvrés, marginalisés, humiliés, brimés par les aînés, bafoués dans leur dignité et frustrés dans leurs désirs, la violence trouve un terrain propice à son action dévastatrice, suscitée et encouragée en cela par les forces étrangères hostiles à l’émancipation et au développement de l’Afrique car contraire à leurs intérêts stratégiques de domination et de puissance.

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« Le pouvoir est un aphrodisiaque suprême » dira Henri Kissinger. Pour le conserver le pouvoir sur les hommes et sur les richesses l’homme est capable de tous les mensonges, de tous les crimes. Il est difficile de prévoir où et quand la violence se manifestera car il existe une grande différence entre une propension à la violence et la manifestation réelle sur le terrain. La disposition à la violence est le résultat nous semble-t-il de la contradiction entre la dépendance et la marginalisation. La violence traite de la rupture, du désordre et de l’ordre. Elle défie la raison et brise le silence.  Aujourd’hui, une analyse sur la société se fonde sur le professionnalisme, la compétence et l’honnêteté intellectuelle.

Or que constatons-nous ? Certains intellectuels se compromettent ouvertement avec le régime en place afin d’assurer ou de préserver leur statut ; d’autres soutiennent volontairement et fidèlement n’importe quel régime au pouvoir. Les intellectuels en Afrique ont tendance à véhiculer des valeurs ostentatoires et consommatoires. Nous sommes en présence d’un domaine de la recherche encore inexploré qui considère la violence non comme un symptôme mais le résultat d’un modèle de développement qui a échoué ; car le développement n’engendre pas seulement des crises économiques mais également une crise identitaire, de rationalité et de légitimité.

L’Afrique paie un prix élevé sur le plan politique et social pour ce type de développement qui a détruit une économie locale de subsistance, poussé à un exode rural massif et à une urbanisation féroce et sauvage sous le crédo du développement et de la modernisation, marginalisé une frange importante de la population et accru la dépendance du pays vis-à-vis de l’étranger. Le tout a exaspéré les contradictions sociales, sources de toutes formes de violence. L’expérience montre que lorsque la violence se déchaîne, elle engendre son propre dynamisme c’est-à-dire qu’elle génère son propre discours. Un tel discours peut utiliser les matériaux tels que la race, la religion, la langue etc…

La démocratie comme soupape de sécurité devient alors une façade derrière laquelle les couches compradores, l’hégémonie étrangère, les sociétés multinationales travaillent ensemble dans leurs propres intérêts. L’erreur au départ était la mise en œuvre d’une modèle de développement « soufflé » de l’extérieur, favorisant les puissances métropolitaines et faisant table rase du passé. Les espoirs que les économistes avaient fondé sur ce modèle de développement ne se sont jamais réalisés d’où un écart entre les programmes politiques et leurs résultats concrets : une politique médiocre et une économie désastreuse. Il est indispensable et urgent de repenser le développement économique et politique dans un contexte de violence car la violence rejette le conformisme politique et les formes de pensée conventionnelles.

Il s’agit de prendre conscience de l’échec d’une tentative de développement et de modernisation et d’en tirer les conclusions au plus tôt. C’est pour avoir nié cette évidence que beaucoup de sociétés en cours de modernisation sont devenues vulnérables aux idéologies totalitaires lorsqu’elles cherchaient à se développer, à s’industrialiser. Car le développement crée l’inégalité, la modernisation l’accentue. Nous sommes théoriquement, politiquement, économiquement et socialement mal préparés aux contradictions et aux incertitudes de la vie sociale moderne.

En politique, les gouvernants de devraient pas être imprévoyants, les hommes politiques ne devraient pas abuser de leur pouvoir. Ils devraient respecter leur fonction et être capable d’écouter, d’observer et de comprendre les ressorts de la société qu’ils dirigent. En un mot, avoir une vision globale et lointaine eu égard aux enjeux qui se profilent.

La tâche principale d’un gouvernement est d’empêcher qu’une population qui a goûté à la sécurité, au confort et à la facilité de sombrer dans la peur, la famine et le chaos. Car un faible niveau de développement et ou de modernisation n’apporterait qu’amertume et désespoir. Il nous semble que la solution radicale et définitive à cette situation est la mobilisation interne des ressources, un contrôle politique autonome et la création d’infrastructure pour redresser la production intérieure au lieu du développement des échanges inégalitaires avec l’extérieur par des moyens politiques : produire est un acte rationnel, tout ce qui tourne doit l’être.

Il convient de changer les mentalités. Cela suppose une politique de mise au travail sur une base rationnelle. Ce qui est rationnel est effectif, ce qui est effectif est rationnel. Le rationnel planifie, l’irrationnel improvise. Il s’agit de sortir de l’émotionnel pour rentrer dans le rationnel.

En définitive, rationalité pour rationalité, les regroupements autour des villes dans des conditions précaires, le refus des métiers ruraux (alors qu’une agriculture mécanisée a besoin de mécaniciens, de cultivateurs compétents, d’ingénieurs agronomes, de gestionnaires, de techniciens etc …).

Aujourd’hui, il s’agit de remédier à une productivité défaillante en renforçant la discipline du travail, en intégrant les marginaux dans la sphère productive, en reculant l’emprise de la rente spéculative sur la société et sur l’économie, en sécurisant les investisseurs locaux et en instaurant des mécanismes obligeant les gouvernants à rendre compte de leur gestion. Pour ce faire, la société doit posséder ou former des personnes aptes à imaginer des choix potentiels, à apprécier les alternatives et tester les nouvelles possibilités.

Notes : « Étant ignorant, le peuple est aveugle. Mais pourquoi le peuple est-il ignorant ? Parce qu’il faut qu’il le soit. L’ignorance est gardienne de la vertu. Où il n’y a pas de perspectives, il n’y a pas d’ambitions ; l’ignorant est dans une nuit utile, qui, supprimant le regard, supprime les convoitises. De là l’innocence. Qui lit pense, qui pense raisonne. Ne pas raisonner, c’est le devoir ; c’est aussi le bonheur. Ces vérités sont incontestables. La société est assise dessus » Victor Hugo.

Dr A. Boumezrag

1 COMMENTAIRE

  1. Et comme l’Algérie se retrouve dans les deux cas, c’est à dire « arabe et africain », il fallait la citer comme exemple :
    1- L’école qui devrait être un lieu de savoir pour les générations futures, est transformé en école d’apprentissage d’idéologies dangereuses….
    2- L’Algérie ne se sépare pas de la Kabylie, non pas par amour, afin que les régions du sud riches en hydrocarbure ne fond de même!!!!!

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