23 novembre 2024
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Lait sans vache, vache sans lait ! 

REGARD

Lait sans vache, vache sans lait ! 

L’Algérie est un désert où on récolte du « blé » sans semer de « grains !  

C’est le pétrole qui préside aux destinées du pays depuis sa découverte par les français en 1956 jusqu’à son épuisement par les algériens dans un avenir jugé très proche soit 2030 selon les prévisions officielles. « Les hommes ne sont que des cerises sur le gâteau ». Le pétrole était présent dans le prolongement de la lutte de libération nationale, dans les négociations menées avec la puissance coloniale, et dans l’édification de l’Etat algérien naissant. Il va être ce  « pot de miel » de l’Etat algérien indépendant qui sera disputé à l’intérieur du pays par les clans rivaux pour qui « le dernier de nos ânes vaut mieux que le premier de vos chevaux » et sera convoité à l’extérieur par les puissances étrangères dominantes pour qui « l’Algérie n’est qu’un drapeau planté sur un puits de pétrole » Le pétrole permet d’affirmer sa légitimité sur la scène internationale et d’imposer son dictat à la population sur le plan interne. Il permet une longévité plus grande à la tête de l’exécutif.

L’Arabie Saoudite a conclu en 1945 un accord avec les Etats Unis consistant à livrer du pétrole en quantité illimitée en échange d’une protection militaire et politique durable du régime monarchique saoudien. Il est le carburant du régime, le ciment de l’Etat, l’opium du peuple. L’Algérie  vit de la rente, au rythme du marché pétrolier et gazier. Lorsque le cours du brut grimpe, c’est la fête, la grande zerda ; le régime festive, l’armée s’équipe, la société s’endort, le monde accourt, les frontières poreuses. dés que le prix baisse, c’est la guerre, la grande «fitna » : le régime déprime, l’Etat se fissure, le peuple se réveille, les étrangers s’en vont, .le pays infréquentable. C’est la panique, le sauve qui peut, la fin approche.

Au début de la décennie 1970, la nationalisation du secteur des hydrocarbures et le relèvement des termes de l’échange ont permis l’instauration d’un régime politique clanique « militaro-rentier maniaco-dépressif » devant survivre aux « événements et aux hommes ». Vivant exclusivement de la rente, l’Etat peut se permettre de ne pas développer une production propre en dehors des hydrocarbures et rien ne l’empêche d’établir des relations clientélistes avec les acteurs économiques et sociaux qui se sont multipliés au fil du temps et des sommes amassées.

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Partant du principe sacro-saint que tout problème politique, économique ou social a une solution budgétaire. Comme le budget est constitué essentiellement de recettes fiscales pétrolières, l’Etat jouit d’une grande autonomie par rapport à la population puisqu’il est capable de fonctionner et de renforcer ses services sans recourir à l’impôt ordinaire. Cinquante ans après, ce régime est toujours vivant et en bonne santé. L’armée et le pétrole forment un couple inséparable. Le pétrole joue le rôle de mère nourricière éternelle, l’armée de père protecteur invincible. Le père assure entre autres la protection les gisements pétroliers et les investisseurs étrangers des attentats terroristes, la mère allaite une population de plus en plus nombreuse, contestataire, sans emploi et sans perspectives d’avenir, désespérée fuyant le pays dans des embarcations de fortune vers des contrées inhospitalières. L’argent du pétrole et du gaz est un enjeu stratégique, c’est une question de vie ou de mort. Pour le gouvernement, après le pétrole, c’est toujours du pétrole.

L’Algérie survivra-t-elle à l’épuisement des gisements pétroliers et gazier dans un avenir très proche ? la baisse dramatique de la production et des réserves sont des signes qui ne trompent pas. Question subsidiaire, de quoi vivait-elle avant la découverte par les français du pétrole et du gaz ? Comme dans l’antiquité romaine, l’agriculture algérienne reposait sur la production des céréales de l’arboriculture (oliviers et élevage). Après trois mille ans d’histoire où en sommes-nous ? L’agriculture algérienne fortement extravertie soumise à des facteurs climatiques, se caractérise par une faible production de biens et une productivité du travail plus qu’insuffisante. Elle n’arrive pas à faire face à une demande solvable résultant d’une distribution additionnelle de revenus. Il s’ensuit une tension inflationniste particulièrement pour les biens dont les prix sont libres. Pour maintenir les prix à un niveau artificiellement bas, l’intervention de l’Etat s’est traduite par le recours à l’importation de plus en plus fréquent et de plus en plus massive sans oublier l’octroi de subventions supportées par le budget de l’Etat. Force nous est de constater d’une part que la contribution de l’agriculture à la production intérieure brute n’a cessé de régresser et d’autre part que les importations de biens alimentaires n’ont cessé de progresser et de se diversifier. Ce  taux de croissance faible s’explique par la stagnation parfois la diminution des superficies et des rendements des principales cultures, blés et agrumes. Les facteurs explicatifs de cette situation sont nombreux. On peut les regrouper autour de deux logiques : la logique « coloniale » et la logique « socialisante ». La crise qui affecte la production agricole a des origines lointaines; Elle découle de la spécialisation à laquelle a été soumise l’agriculture durant la période coloniale. L’implantation d’un capitalisme agraire de l’extérieur s’est traduite par la spécialisation de l’économie algérienne dans une production agricole largement destinée à répondre aux besoins de la métropole et donc déconnecté des besoins internes de consommation alimentaires d’où un secteur agricole désarticulé, alors que le secteur « moderne » qui couvre les meilleures terres produits des cultures pour l’exportation et le secteur « traditionnel » n’arrive pas à couvrir les besoins du marché interne. Cette mise en valeur de type colonial s’est faite au prix d’une surexploitation et une dégradation des terres aggravées par les phénomènes climatiques saisonniers. Les causes plus récentes de stagnation de la production de la productivité peuvent se ramener à des facteurs d’ordre économique et politique de nature organisationnel et institutionnelle aggravées par la concurrence déloyale des importations sauvages financées par les recettes pétrolières et gazières Ils touchent à la logique et à la cohérence du fonctionnement de l’agriculture.

Malgré les différentes « réformes » qu’il a connu, le fonctionnement du secteur agricole reste obéré par des problèmes fondamentaux concernant le statut de la propriété foncière, le degré réel d’autonomie de gestion et de responsabilité des exploitants agricoles; le secteur privé, s’il dispose de l’autonomie de gestion n’en est pas moins affecté à des « psychoses » de nationalisation qui se traduisent par une fuite devant l’activité agricole qui prend de multiples aspects (abattage des vaches laitières, ventes de troupeaux, refus de culture ou lotissement de terrain à vocation agricole etc..). L’agriculture est loin de pouvoir réaliser l’objectif d’autosuffisance en matière de céréales alors qu’il s’agit de plus en plus d’un impératif politique et économique à u moment où les pays fournisseurs étrangers cherchent à réduire leurs ventes de biens agricoles et où les cours mondiaux du blé remontent.

La dépendance en matière de blé dur, denrée de base pour la population s’aggrave dangereusement. L’Algérie se classe parmi les premiers pays importateurs de blé dur dans le monde.  Dans les Etats du Tiers Monde, la modernisation signifie aujourd’hui la gestion du « développement » Concrètement cela signifie : implantation des firmes multinationales, l’endettement massif, la croissance déséquilibrée, une production extravertie. Les pouvoirs autoritaires en place ont dû mal à gérer cette évolution et ses contraintes, souvent matérialisées par « les normes d’ajustement » du FMI. Ils ne tiennent guère à ce que de nouvelles forces viennent leur demander des comptes et remettent en cause leurs choix économiques et politiques. Pourquoi les institutions de l’Etat sont-elles ce qu’elles sont ? pourquoi ne finissent-elles pas par déboucher  sur le développement etla démocratie ? parce que, nous semble-t-il, les détenteurs du pouvoir dans ce pays sont imbus de la volonté de puissance, ils aiment le pouvoir pour les privilèges qui s’y rattachent ; cela donne du prestige et de l’importance, il faut croire qu’ils en éprouvent un grand besoin. C’est par l’économique et grâce à lui, que la population de ce pays est tenue constamment en échec par un pouvoir politique autoritaire. Ils savent pertinemment que la terre est comme une femme, plus on la laboure plus elle donne du blé. Ce n’est le cas de la vache à traire ; plus on la trait moins elle produit du lait. « Après moi le déluge ». 

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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