Mardi 5 janvier 2021
L’Algérie, ce rêve inachevé
Après avoir acquis au prix fort son indépendance et sa liberté, l’Algérie se doit désormais de construire un Etat démocratique et social, ce qui paraît parfois le plus difficile. Mais la justice et l’équité sociales deviennent vitales pour la stabilité et le rayonnement international du pays.
Pendant que tous les autres pays se dotent d’outils efficaces pour peser sur une scène internationale devenue très innovante et compétitive, il est regrettable de constater que l’Algérie persiste dans son inaction et son incapacité à mettre en œuvre des réformes structurantes. Que se passe-t-il dans ce pays par ailleurs pourvu de ressorts et d’atouts importants en faveur d’un réel développement économique ?
Un pays issu d’une civilisation millénaire se complait dans un costume mal ajusté, au désarroi de son grand peuple. Une civilisation inscrite dans une longue histoire, riche de toutes ses influences à condition de n’en renier aucune. L’Algérie contemporaine s’égare dans l’histoire récente au détriment de son histoire longue, source de renaissance et d’émancipation dans le concert des nations. La seule exigence est évidente : c’est que la volonté et la raison l’emportent sur les desiderata d’une poignée d’apprentis sorciers qui essaient de cautionner l’avènement d’un citoyen dénaturé et laissé à la merci de dangereux prédicateurs de tous bords.
Assumer son histoire, sa culture méditerranéenne et africaine
A quand ce moment de réflexion où le discernement et la sagesse s’imposeraient, où le vivre ensemble et l’unité nationale deviendraient prioritaires ? Ce moment pour se poser et redécouvrir que l’Algérie est multiculturelle ; que toutes ses filles et tous ses fils auront leur place sans aucune discrimination et sans aucune équivoque.
Un pays qui respecte ses minorités est un pays civilisé. Toute culture refermée sur elle-même est systématiquement vouée à disparaître. Pourtant il semble que nous éprouvons autant de plaisirs à écouter Ait-Menguellet, Dahmane El Harrachi, ou bien Guerouabi, Idir, Matoub, Khaled, que Oum Kalthoum, Fairouz, ou Jacques Brel, Brassens, et même Enrico Macias et Mozart !
Nous devons sortir de ces dogmes et pensées uniques. Nous devons assumer notre histoire millénaire. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons démentir l’impossible quête de la nation algérienne exprimée par Ferhat Abbas, cette quête qu’il n’a jamais pu mener à bien même en « visitant les cimetières », selon son expression. C’est ainsi que nous pourrons prouver que cette nation n’est finalement pas enterrée mais au contraire bien réelle, vivace et en construction !
Une nécessité de réformes économiques en profondeur
Sur le plan économique, les chantiers sont immenses. Nous entendons ci et là parler de dévaluation du dinar algérien. Ce serait suicidaire alors que la production nationale est quasiment négligeable. Une dévaluation monétaire qui n’est pas suivie de relance et de réformes aboutira à une monnaie peu fiable, équivalent à un coup d’épée dans l’eau. La monnaie est juxtaposée à un système bancaire obsolète, empêtré dans un système financier quasi existant, déconnecté certainement de la réalité des marchés légal et officieux.
L’économie réelle se construit sur la confiance qu’ont les investisseurs à miser sur l’avenir. Force est de constater qu’une économie basée sur la rente pétrolière n’a plus de sens. L’intelligence voudrait qu’une économie ambitieuse soit orientée sur un investissement productif de richesse et d’emplois.
Les sujets liés au développement durable et à la transition énergétique nous rappellent aussi la nécessité de réformes courageuses qui doivent se planifier dès maintenant. Pour paraphraser le président Jacques Chirac évoquant la situation du réchauffement climatique dans un autre contexte, nous dirons également de l’Algérie que « notre maison brûle ».
L’économie repose enfin sur la confiance accordée à la politique menée par les dirigeants d’un pays ainsi qu’à l’efficacité de ses institutions ! L’Algérie est-elle promise définitivement à la faillite de ses institutions ? Nous espérons que non au regard des atouts disponibles.
Le pragmatisme de grands dirigeants dans l’histoire du monde fut de construire un climat propice au véritable développement économique de leur pays.
Dès son retour au pouvoir en mai 1958, le général de Gaulle n’avait de cesse de réformer, de jeter les bases de la 6e économie mondiale qu’est devenue la France.
La politique depuis 1978 du président chinois Deng Xiaoping, puis celles de ses successeurs ont assuré l’essor de la Chine qui se hissera bientôt au rang de première économie mondiale. Le Vietnam est parti de rien et de très loin, pour devenir, à force de travail et de constance dans les réformes, un véritable tigre dans l’économie régionale d’Asie du Sud-Est.
L’économie dépend des décisions politiques et repose sur la confiance que portent les intervenants et opérateurs économiques à l’égard du politique.
En Algérie, il est encore possible de voir l’émergence de grandes entreprises économiques capables de rivaliser sur la scène internationale, dans divers domaines tels que l’énergie, l’agriculture, le tourisme des grands espaces et le médical. Mais encore faut-il pour cela que nous abandonnions cette politique stérile et contre-productive de chasses gardées et mettions sur pied des outils pour prévenir la corruption économique et administrative.
Promouvoir les investissements productifs et créateurs de richesse, l’ouverture des marchés aux entreprises étrangères n’empêche pas d’obtenir des contreparties équitables. Tous les pays sont soucieux de leurs intérêts nationaux. Le principe du gagnant / gagnant peut devenir vertueux dans un multilatéralisme équilibré et négocié.
Une gouvernance rénovée et transparente
L’Algérie se cherche depuis des décennies des institutions stables qui s’inscrivent dans les paysages culturel, économique et coutumier, capables de répondre aux besoins du citoyen algérien. Or il est regrettable de constater que l’exercice semble enlisé faute de concertation sérieuse et indispensable. Il faudra répondre à la question posée : quelle société voulons-nous construire ?
Les institutions doivent assumer pleinement leur rôle et leur fonction. Les institutions appartiennent à la Nation algérienne et aucun ne peut se les approprier ou en jouer. Il faudra choisir entre un Etat gouverné par des oligarques mettant en défaut les institutions ou un Etat gouverné en toute transparence par les représentants des citoyens
Libérer les énergies, faire confiance à la jeunesse et aux citoyens
L’Algérie a droit au progrès. Sa jeunesse a droit à sa part de rêve, à sa part d’espoir. Il est inconcevable qu’en 2021 l’objectif d’une grande partie de la jeunesse, diplômée ou non, soit de quitter le pays qui les a vus naître. Tous les pays s’efforcent de recruter et retenir les talents. En Algérie, nous faisons le constat amer que la fuite des cerveaux ne cesse de s’accroître et que la politique à l’égard de la diaspora est indécise.
Après plus d’une année de contestations au sein du Hirak, je n’ose pas penser que le divorce soit consommé entre la jeunesse et le reste de la société. La population algérienne est jeune, c’est une chance si le pays s’engage dans de vraies réformes sérieuses !
Ne restons pas otages d’une quelconque idolâtrie, de dogmes d’outre-tombe, ou de peurs inappropriées. Les énergies doivent être libérées, les problèmes doivent être posés pour être résolus. Ce n’est qu’à ces conditions que l’Algérie pourra reprendre son rêve inachevé pour qu’enfin elle puisse accéder au progrès qui lui revient de droit dans le concert des nations.