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Le « hirak » a-t-il empêché le succès de la « révolution » ?

TRIBUNE

Le « hirak » a-t-il empêché le succès de la « révolution » ?

Sans faire l’amalgame entre les deux et pour ne pas être en contradiction avec le lecteur, l’objectif est d’exprimer un regard critique sur l’un des bouleversements sociaux-politiques importants qui ont secoué la société algérienne depuis son indépendance.

Dire « hirak » ou « révolution », l’essentiel que c’est un mouvement insurrectionnel pacifique qui fut accueilli avec beaucoup d’enthousiasme, impliquant le citoyen pour s’opposer à un pouvoir autoritaire qui dure depuis presque 60 ans. 

Sans engager un débat sur la sémantique du mot « hirak », étymologiquement il signifie « mouvement ». Il a été emprunté de la réaction populaire du Rif, la région berbérophone du nord du Maroc qui s’est déclenchée en 2016. Le « hirak algérien » a été aussi associé à une mobilisation populaire qui a pris naissance à Kherrata puis confirmé à Alger le 22 février 2019, et le cinquième mandat fut l’élément déclencheur pour le cas de l’Algérie. En l’occurrence, après des semaines de mobilisation, ce mot hirak a été adapté dans le jargon populaire algérien sans arrière-pensée, ni calculs politiques et ni chercher son origine.

De son caractère et sa spontanéité, on s’accorde à dire que c’est un mouvement de l’œuvre d’un citoyen qui a le ras le bol du pouvoir en place qu’il faut faire chuter en empruntant la voix du pacifisme. Pas plus que ça sans vouloir est négatif. On peut penser du hirak à une foule en colère sans l’implication de l’élite contre leurs dirigeants comme celle des pays qui ont vécu le printemps arabe. 

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En revanche, dès qu’on parle de révolution, par prédilection on ne sous-entend pas uniquement « la chute d’un système ». On s’attend d’abord à l’implication de l’élite politique et scientifique possédant des valeurs morales du pays pour jouer les premiers rôles. Dans une perspective d’avenir de la nation, ils vont fixer, dans l’urgence, les préalables et les objectifs dans un cadre organisationnel et de concertation. La transition démocratique, la gestion des affaires courantes du pays sont des sujets prioritaires.

Instinctivement, on pense à la révolution russe, française, espagnole, portugaise, bolivienne ou chilienne. Elles sont considérées comme des précurseurs, des modèles de luttes pour les libertés que l’Histoire a enregistrées.   

On peut comprendre facilement que c’est une comparaison péjorative, ou bien faire croire que les peuples du sud sont loin de réussir un changement politique et social comme ceux de l’Europe et de l’Amérique latine. Mais pour le cas de l’Algérie, avec un esprit critique, le résultat est devant nous, sans équivoque, nous sommes restés dans le hirak et nous n’avons pas encore réussi notre révolution. 

Du côté des médias, ceux particulièrement de l’étranger, sournoisement, ils parlent beaucoup plus du hirak que de la révolution. N’est-il pas un moyen de dévier l’opinion ou de nous rappeler que nous les peuples du sud sommes incapables de s’organiser en dehors de l’implication des puissances étrangères? Ou bien lui donner un sens moins glorieux? On peut le voir sous un autre œil que c’est rentable en termes de consommation médiatique, il se résume à une contestation populaire sans aller vraiment en profondeur pour expliquer les aboutissements réels d’une telle démarche. Ils ont adapté le mot hirak avec facilité pour faire « un standard de lutte proprement arabe ».

Ce qui est un peu étrange, au début, les premières semaines qui ont suivi le 22 février 2019, le mouvement de la part son ampleur et son succès est considéré comme révolution citoyenne. L’espoir fut grand.

Par la suite, certains acteurs politiques connus sur leurs accointances avec les islamistes de l’ex-FIS et leur caractère populiste investirent le terrain avec des slogans comme « khawa-khawa », « haya el-ahrar » pour se l’accaparer avec leurs moyens médiatiques et devenir presque « officiellement des animateurs du hirak ». Ils sont soutenus par des blogueurs qui ont déjà pollué l’espace médiatique en manipulant des informations, émettant des fausses nouvelles, calomnies, etc.

Chacun fait ses calculs, chacun cherche ses intérêts sous ce nouveau label nommé « hirak ». Il est devenu une marque de commerce déposée que les amateurs influents des réseaux se disputent. Une image de marketing qui fait la promotion à une catégorie de rescapés qui ont échoué politiquement, et qui essaient de se rattraper dans cette belle occasion inattendue. Pour autant dire que la récupération politique bat son plein pour faire du hirak un moyen nécessaire pour s’offrir une popularité et d’autres privilèges. D’ailleurs certains ont déjà rejoint le gouvernement.

Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que la révolution soit prise en otage par les adeptes du hirak. Pour ceux qui sont avisés, ils ont alerté l’opinion sur les conséquences de l’intrusion d’une catégorie de personnes qui avaient l’habitude de développer des discours populistes et aux antipodes de la démocratie et qui appellent à la non-structuration du mouvement citoyen. 

Avec un esprit péremptoire, ces « politicards » croient être plébiscités par les citoyens, pour diriger la révolution et négocier avec le pouvoir en cas ou. Le plus drôle, comme des prélarts, ils proposent d’aller directement vers une constituante sans parler vraiment de la transition et des préalables démocratiques. Comme argument, ils arborent le risque de division en cas de les aborder en ce moment, alors ils ont mis un black-out sur le débat en faisant profil bas sur des questions sérieuses concernant l’avenir de l’Algérie de demain. 

Même la classe politique refuse, elle aussi, de remettre les compteurs à zéro pour adhérer pleinement à la révolution et partir sur de nouvelles bases. Malgré toute la mobilisation citoyenne, elle a gardé ses députés au parlement, mais elle a adhéré au hirak pour faire des selfies chaque vendredi pour les besoins de la future échéance électorale.

Ces hirakistes et leur consorts qui ont étouffé les appels à la désobéissance civile développent un discours électoraliste bien ficelé. Discrètement, ils planifient de reprendre les commandes du pays une fois que le pouvoir est démantelé par la contestation populaire qu’il faut maintenir coûte que coûte – On se souvient que malgré le risque de contamination de Covid-19, un de leurs animateurs de Londres appelle les citoyens algériens à manifester dans la rue sans se soucier de la maladie – Ensuite, dans un esprit de propagande et de manipulation médiatique ils viendront combler le vide en proposant leur hirakistes comme des hommes politiques incontestables qu’ils ont désignés dans leurs différents conciliabules. En citant l’exemple de ceux qui se sont déroulés à Paris dans les locaux d’une chaîne de télévision dirigée par le fils de l’ancien leader du FIS et financée par le Qatar.

Du côté des hommes du pouvoir, ils ont compris la stratégie de ses hirakistes et la demande réelle du peuple. Tout en essayant de minimiser l’ampleur de la révolution, tout en continuant à mettre en prison les activistes, ils n’ont pas hésité eux aussi à s’accaparer de ce hirak à leur manière pour faire de lui qu’une simple réaction populaire qui réclame le changement. D’ailleurs, ils rassurent leurs partenaires étrangers en leur signifiant que ce n’est pas une révolution, et qu’ils maîtrisent la situation.  

En fin du compte c’est ce hirak dans toute sa compréhension réelle qui a donné un coup à la révolution, il se présente comme un hiatus qui retarde une lutte citoyenne. Tout cela pour dire aussi que la révolution et le hirak ne font pas bon ménage, puisque l’un est une perspective et l’autre le contraire est un chemin vers l’inconnu.   

Peut-on admettre que c’est l’absence de l’élite qui a donné la chance à des mercenaires politiques et aux hommes du pouvoir de donner un autre sens à la révolution citoyenne tout en l’estropiant? Oui et non, car cette question, en principe, doit être développée par des spécialistes en science politique et les sociologues, car elle requiert une analyse approfondie. Sans doute, l’école, la décennie noire, l’intégrisme et l’exil forcé sont les éléments qui ont causé cette déchéance. 

Malgré tout, nous avons constaté que le génie et l’intelligence de l’Algérien sont encore présents lors des différentes manifestations. Les citoyens ont étonné plus d’un sur la façon d’exprimer leur mécontentement, ils ont interpellé l’élite. Mais, le défi est de le faire dans un groupe organisé pour pallier à l’absence de la prise de conscience collective.

C’est grâce à cette catégorie d’Algériens que l’espoir est permis et d’inverser la situation en donnant plus de chances pour réussir la révolution et non le hirak.   

Auteur
Mahfoudh Messaoudene

 




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