Jeudi 14 novembre 2019
L’Algérie menacée : un Hirak avant l’heure
Nous assistons depuis plusieurs mois à un face à face entre la population et le pouvoir profond où le rôle du chef d’État-major semble décisif. Ce n’est pas une surprise.
Le papier publié en 2014 (le-complot-de-sid-kaci), soit bien avant la chute des prix du pétrole comprend des paragraphes prophétiques: la baisse des prix du pétrole, les futurs rôles de certains acteurs. Ce papier soutenait qu’il existe un complot visant à détruire la nation algérienne. Tout est dit dès le premier paragraphe : «A mon avis, l’objectif de ceux qui nous dirigent est de terminer leur mission qui consiste à détruire la nation algérienne».
En 2016, un autre article a précisé que le 5e mandat n’était pas le véritable enjeu (Ce que prépare Chakib Khelil): « Il faut comprendre que malgré les apparences, l’enjeu actuel n’est pas la succession, c’est le maintien de l’exécution de la feuille de route avec, à la clef, la privatisation du secteur des hydrocarbures. »
A cet effet, le retour de Chakib Khelil (Le retour annoncé de Chakib Khelil) pour relancer le projet de loi sur les hydrocarbures était incontournable. Mais finalement, craignant les conséquences d’une très forte aversion populaire pour cet américain, le système a opté pour son lieutenant Ould Kaddour. Le régime n’a pris aucun gant pour le nommer à la tête de Sonatrach. Ould Kaddour a accompli sa mission. La loi sur les hydrocarbures est votée. Après Chakib Khelil, c’est au tour d’Ould Kaddour d’être exfiltré après avoir dilapidé plusieurs milliards de dollars en moins de deux ans, alors que de jeunes porteurs de drapeaux sont mis en prison.
Le pouvoir profond ne se sent pas menacé par la perspective d’effondrement à moyen terme des réserves de change. Pour lui, la menace du chaos poussera tous les acteurs à adhérer au projet de la loi sur les hydrocarbures qui prévoit le développement des ressources de gaz de schiste. Mais le temps presse car la baisse des prix du pétrole est venue créer une situation nouvelle qui bouscule à la fois le financement de la campagne d’endormissement du peuple et la rémunération des agents d’exécution du régime.
Plusieurs personnalités estiment que ce n’est pas le moment de lancer un débat et une réflexion sur le modèle énergétique algérien. Malti s’interroge (https://algeria-watch.org/?p=72689) sur le timing du vote concernant le projet de loi sur les hydrocarbures dont les retombées portent sur le long terme. Il écrit : « Ils veulent donner l’illusion au peuple – et probablement à eux-mêmes – que le pays va bien, que l’argent (va) rentrer dans les caisses de l’État ».
Cette explication semble plausible au premier regard. A travers son adhésion au projet de loi sur les hydrocarbures rédigé à Washington, le pouvoir de l’ombre confirme son allégeance à la feuille de route de ses parrains étrangers. Il attend deux retombées principales du vote de cette loi : (i) le soutien des puissances occidentales après des élections présidentielles truquées (ii) l’octroi d’un financement qui assurera la paix sociale pendant quelques années et fera croire au peuple que la menace de la faillite financière sera repoussée jusqu’en 2030 avec l’arrivée du gaz de schiste et pourquoi pas, la privatisation de Sonatrach.
Par ailleurs, le pouvoir délivre deux importants messages d’allégeance du vassal à son suzerain : il n’inquiète ni Chakib Khelil, ni Ould Kaddour et il siffle la fin de la récréation pour les oligarques algériens. Seules les grosses firmes privées étrangères accompagnées de leurs banques seront autorisées sur le marché de l’import-import.
Et dire que sous le règne de Bouteflika, l’Algérie avait les moyens d’asseoir les piliers d’un nouveau modèle économique en mesure d’assurer une transition énergétique cohérente et une diversification de l’économie qui aurait pu donner la priorité à la promotion d’une politique agricole vertueuse. On aurait pu aspirer à une croissance économique durable au lieu et place d’un PIB indexé sur les revenus des hydrocarbures. Mais, hélas, on est dans une conjoncture plus grave que celle d’octobre 1988 car ce n’est plus une affaire de baisse de prix du pétrole. L’Algérie va subir dans les dix prochaines années les retombées d’une situation planifiée de « Peak Gas » qui pourrait réduire en peau de chagrin les exportations d’hydrocarbures.
En fait, la situation actuelle est le résultat de plus de vingt ans de manœuvres politiques, de clientélisme et d’alliances contre nature qui ont permis de saboter toute l’économie du pays. Le régime maffieux a finalement réussi à construire un système politique propice au développement d’une économie de bazar. Le système est convaincu qu’il pourra garder le pouvoir en méprisant son peuple et en privant la femme algérienne des droits qui lui permettront de participer de manière active et responsable à la croissance de l’économie algérienne.
Dans ce papier consacré au sabordage de notre pays, il est important de citer Benbouzid et les frères Hadjar, ces baathistes à qui le pouvoir de l’ombre a confié une mission essentielle, celle d’effacer l’identité berbère ancestrale et de saboter le système éducatif. On retrouve aujourd’hui, sans surprise, cette constance au niveau de la lutte contre notre identité berbère. Au lieu de développer l’enseignement des langues pour perpétuer notre culture et accéder au savoir universel, ces baathistes, qui envoient leurs enfants étudier à l’étranger avec des bourses d’Etat, ont tout fait pour dégrader le niveau de l’école et de l’université algériennes. Tahar Hadjar, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a récemment déclaré : « En quoi ça m’avance moi, si on a un prix Nobel issu de l’Université d’Alger? ». Faut-il en déduire que le régime a nommé cet âne pour couler l’université algérienne, une approche que l’on retrouve d’ailleurs dans plusieurs secteurs qu’on cherche à démanteler?
Les conséquences du sabotage de l’éducation et de la mauvaise formation de notre jeunesse sont dévastatrices. La jeunesse algérienne diplômée ou non, avec ou sans expérience, est confrontée au chômage. Au lieu de créer des emplois, les milliards de dollars injectés dans des mégaprojets ont drainé des milliers d’ouvriers étrangers, notamment des chinois. Se sentant trahis par leurs aînés, de jeunes algériens désespérés optent pour la barque suicidaire ou l’immolation par le feu.
Avant l’avènement du Hirak, le pouvoir algérien de l’ombre était convaincu qu’il a réussi à s’affranchir de la peur des émeutes. Dans les moments de rentes abondantes, l’Etat rentier a eu le loisir et les moyens financiers permettant de coopter les différents segments de la société à l’approche des élections. Les jeunes ont eu droit à travers l’Ansej à des crédits à des taux bonifiés. Cette politique a provoqué une floraison de micro-entreprises très précaires. Quand la manne des hydrocarbures a commencé à se tarir, le régime a raréfié les crédits destinés aux jeunes et s’est mis à réclamer le remboursement des prêts.
Les jeunes n’ont connu que les quatre mandats de Bouteflika. Beaucoup ne l’ont jamais entendu parler et gardent de lui l’image d’un homme très malade, incapable de diriger un pays. L’annonce de sa candidature à un cinquième mandat a créé un déclic salutaire au niveau de cette jeunesse qui exprimait depuis 2016 sa colère dans les stades et au niveau des réseaux sociaux (https://www.youtube.com/watch?v=9yBIj7c-p58&feature=youtu.be).
La crise financière représente aujourd’hui une menace pour l’omerta dans la mesure où elle fragilise la discipline au sein des rangs des exécutants mafieux. On assiste à une guéguerre autour du partage du gâteau de l’import-import. Des enjeux importants semblent menacés puisque des chefs de gouvernement, des ministres, des oligarques et des généraux sont incarcérés. C’est une situation inédite en Algérie.
Les masques sont tombés. Il est devenu clair, pour les parrains du régime, que la feuille de route initiale n’est plus applicable et qu’un passage en force, avec violence si nécessaire, est devenu incontournable. Terreur, provocation, humiliation et propagande sont devenues les outils préférés d’une cabale dont les tentacules ont investi massivement tous les moyens modernes d’endoctrinement et de contrôle de l’opinion publique. Les lois sont bafouées quotidiennement par un appareil judiciaire majoritairement à la botte de l’exécutif. Les postes sont attribués à des personnes sans mérites, voire même à des repris de justice, une autre forme de provocation pour humilier les citoyens. Qu’ils soient artistes, journalistes, blogueurs, écrivains, civils ou militaires, tous ceux qui lèvent la tête et rejettent le discours officiel sont embastillés sans jugement.
Bouteflika très malade ne peut pas terminer la mission qui lui a été confiée par ses parrains. Il est inquiétant de constater que ceux qui ont investi pendant vingt ans pour liquider la nation algérienne ne vont pas renoncer alors qu’ils sont si près du but. Ils vont nous sortir un nouveau président non-élu et faire croire au peuple algérien qu’il va combattre les maux de l’Algérie.
Les invariants de la feuille de route exécutée par le pouvoir profond reflète une stratégie de long terme développée par des groupes d’intérêts étrangers visant à mettre la main sur le domaine minier algérien. Ces groupes semblent privilégier un passage en force avec un mépris manifeste pour le peuple. Ils ont pris les commandes opérationnelles en Algérie à travers quelques exécutants galonnés rémunérés par la corruption. Ces « galonnés » qui composent la « Issaba » exécutent un plan extrêmement sophistiqué et bénéficient de moyens de renseignement très importants. Il faut se demander si le futur de l’Algérie n’est pas déjà écrit dans le cadre de l’initiative du «Grand Moyen Orient » divulgué en 2003.
S’il est clair qu’il existe un complot contre l’Algérie et qu’on prépare la privatisation du secteur des hydrocarbures, Il ne faut pas perdre de vue que cet objectif a d’autres conséquences:
• La sécurisation militaire par les forces de l’OTAN des futurs investissements de BP, Total et Exxon etc..en Algérie. Rappelons qu’Ould Kaddour en tant que PDG de BRC, société algéro-américaine, a construit la première base militaire US.
• L’installation au pouvoir d’un régime qui va poursuivre l’œuvre de dégradation et d’asservissement de la société algérienne, à travers notamment la destruction de l’école et de l’université.
La mission de ceux qui exécutent cette feuille de route est pratiquement achevée. Après les élections, le régime achètera la paix sociale pour encore deux à cinq ans, jusqu’à l’endettement profond de l’Algérie.
Que restera-t-il de l’Algérie après l’épuisement des réserves de change et le transfert des réserves d’hydrocarbures à des parrains étrangers ? Un pays avec un peuple docile qui accepte les conditions du FMI (thèses de Chakib Khelil) ou un pays livré au pillage et à une guerre civile qui justifiera l’intervention militaire des nations de l’OTAN qui ont déjà pris position autour de nos frontières (Tunisie, Libye, Tchad, Mali, Maroc..).
N’est-il pas trop tard pour offrir les services de la base de Mers El Kébir à la flotte russe en espérant bénéficier en retour-comme en Syrie- du parapluie russe face à l’encerclement militaire à nos frontières terrestres ?
Que peut-on faire ?
Le défi majeur de l’Algérie, c’est l’instauration d’une démocratie véritable et le recours à un modèle économique qui nous permettrait de gérer l’après-pétrole. C’est l’œuvre d’au moins une génération. Les recommandations en ce sens relèvent du bon sens: il faut récupérer l’école et former des ressources humaines compétentes, rétablir la justice, promouvoir notre potentiel agricole, encourager le développement d’industries stratégiques et des services créateurs d’emplois et de valeurs ajoutées et surtout, redonner l’espoir à nos jeunes.
Mais pour que tout cela se réalise sans violence, il y a un prix à payer que le peuple va exiger avant d’accepter de se serrer la ceinture: il faut lui rendre justice en faisant la lumière sur tous les scandales et les actes de corruption et de trahison du clan au pouvoir et de leurs complices. Les crimes de corruption sont imprescriptibles et régis par des accords internationaux. Il faudra juger et condamner ces criminels pour pouvoir saisir leurs biens.
Je recommande de créer un tribunal révolutionnaire dont la mission serait d’enquêter sur les crimes économiques, d’identifier les traîtres à la nation et de récupérer les milliards de dollars qui ont été détournés. C’est la seule et unique recette pour éviter dans 2 ou 3 ans la guerre civile programmée par la feuille de route du GMEI dont l’objectif reste « la sécurisation militaire » des futures installations multinationales en Algérie.