Détenu mardi en centre de rétention administrative (CRA) à Nîmes, « Doualemn», un influenceur de 59 ans, a été placé dans un avion jeudi après-midi, selon son avocat, mais l’Algérie l’a « interdit de territoire », a indiqué jeudi soir le ministère de l’Intérieur. Plusieurs autres influenceurs algériens sont dans le collimateur des autorités françaises sur fond de tensions entre les deux pays.
« Mon client a été refusé par les autorités algériennes. Il est donc dans un vol retour vers Paris », a déclaré jeudi dans un message à l’AFP son avocat montpelliérain, Jean-Baptiste Mousset. « Doualemn » doit être placé dans un CRA (Centre de rétention administrative) en Ile-de-France, a-t-on précisé de même source.
Le gouvernement français a « précipité son expulsion » pour éviter qu’elle « puisse être examinée par un juge », avait précédemment regretté l’avocat, dénonçant les « moyens exceptionnels » mis en œuvre pour « bâillonner » son client, qui devait être jugé à Montpellier le 24 février.
Cet influenceur avait été interpellé à Montpellier, après une vidéo postée sur TikToK, puis placé mardi en centre de rétention administrative (CRA) à Nîmes, avant d’être expulsé hier.
Les autorités françaises lui reprochent « un appel à la torture contre un opposant au régime actuel en Algérie ». La traduction d’une de ses vidéos, signalée samedi dernier par le maire socialiste de Montpellier et le préfet de l’Hérault, a finalement établi que le terme « tuez-le » n’avait pas été prononcé, celle-ci « appelait en revanche à donner une sévère correction à un homme semblant résider en Algérie », a précisé mardi le procureur de la République de Montpellier, Fabrice Belargent. Il s’agit en tout état de cause d’un « appel à la torture » visant « un opposant au régime actuel en Algérie », appel justifiant le retrait de son titre de séjour et son expulsion, avait déclaré jeudi matin le préfet de l’Hérault, François-Xavier Lauch.
Plusieurs influenceurs algériens dans le collimateur des autorités
Trois Algériens et une Franco-algérienne ont été récemment interpellés pour avoir mis en ligne des contenus appelant à des actes violents, souvent à l’encontre d’opposants au régime algérien.
Jeudi également, Sofia Benlemmane, Franco-Algérienne d’une cinquantaine d’années, a été placée en garde à vue, a indiqué à l’AFP le procureur de Lyon, Thierry Dran. Il lui est reproché d’avoir diffusé des messages de haine et des menaces contre des internautes et plus généralement contre tous ceux susceptibles de s’opposer au régime algérien, ainsi que des déclarations insultantes envers la France. L’influenceuse, suivie par plus de 300.000 personnes sur TikTok et Facebook, a été placée en garde à vue pour « menaces de mort et provocation publique à la haine », selon Nelson Bouard, directeur interrégional de la police nationale.
Deux autres influenceurs vivant en France ont aussi été arrêtés ces derniers jours, et leurs comptes suspendus. Arrêté à Brest le 3 janvier, Youcef A., 25 ans, alias « Zazou Youssef » sur TikTok, sera jugé le 24 février pour apologie du terrorisme. Placé en détention provisoire, il encourt sept ans de prison. Âgé de 31 ans, « Imad Tintin » a lui été placé en garde à vue samedi à Grenoble pour une vidéo, retirée depuis, dans laquelle il appelait à « brûler vif, tuer et violer sur le sol français ». Lui aussi sous écrou, il sera jugé le 5 mars pour provocation à des actes de terrorisme.
En début de semaine, la préfecture du Rhône avait indiqué avoir effectué des signalements visant trois influenceurs basés à Lyon, Sofia Benlemmane et deux autres tiktokeurs connus sous les noms de « Abdesslam Bazooka » et « Laksas06 ». Le parquet de Lyon a ouvert deux enquêtes.
Des affaires qui s’inscrivent dans un climat de tension entre les deux pays sur fond du soutien d’Emmanuel Macron au plan marocain pour le Sahara occidental, larrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Les dernières déclarations de Tebboune sur Boualem Sansal et la France ainsi que la réponse d’Emmanuel Macron ont sérieusement entamé le peu d’espoir de voir les relations se rétablir. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur français, a déclaré que l’Algérie veut humilier la France en refusant d’accepter les Algériens expulsés.
La dernière séquence de guerre verbale incite à s’interroger : jusqu’où vont-ils nous emmener ? Une rupture totale des relations diplomatiques comme le souhaitent l’extrême droite en France et le courant islamo-baathiste en Algérie ?
Avec RFI/AFP