Mercredi 15 mai 2019
L’Algérie, un nouveau Guantánamo !?
Ce n’est malheureusement pas l’annonce d’un match historique. L’Algérie vit actuellement une phase cruciale de son histoire, mêlant l’euphorie de sa libération réelle et l’appréhension d’une adversité non encore saisissable.
En effet, l’insistance de l’armée, avec d’autres centres de pouvoir, pour conduire et guider une forme de transition sans transition, n’a d’autre but que le maintien du système au pouvoir depuis 1962, en faisant de la cosmétique au lieu de la nécessité d’une refondation de l’État.
La population, les commentateurs et les analystes politiques s’étonnent de cet état de fait et beaucoup spéculent encore sur le bon ou le moins bon usage de la constitution actuelle, ou de la possibilité de s’en affranchir.
Dans une situation normale où le pays est composé de « citoyens égaux en droit et en devoir », on pourrait disserter à l’infini sur la légalité constitutionnelle, les instruments juridiques, etc. Or, l’Algérie n’est pas du tout dans ce schéma.
Le système politique (qui est la formulation consacrée et adoptée par la majorité) est bien composé d’hommes et de femmes de notre pays. Ce n’est pas une entité abstraite.
Ce sont les hommes et les femmes qui détiennent une part de pouvoir absolu sur les citoyens (président, ministres, officiers supérieurs, walis, juges, …).
Cette participation au pouvoir, « el houkouma », est considérée comme un statut à vie.
Ne dit-on pas « il/elle est dans le pouvoir» ? C’est synonyme d’appartenance au même titre que l’appartenance familiale ou tribale. Ce n’est pas vu comme une charge temporaire, dans une vie, avant de redevenir citoyen ‘’normal’’, justiciable comme les autres citoyens.
Cette entrée dans le clan ou famille du pouvoir attribue à chaque arrivant la puissance symbolique issue de la violence de la prise du pouvoir par les militaires de l’armée de l’extérieur en 1962. Le parti unique et le contrôle politique et policier de la population ont fait le reste pendant 57 ans.
Cette puissance symbolique se traduit dans les faits, pour ces détenteurs, par le passe-droit permanent, le non-respect des lois (elles sont faites pour les citoyens et non pour eux), la prédation sans limite des richesses nationales, tout en s’attribuant un brevet de nationalisme permanent pour dominer et appuyer la dépossession du peuple.
Nos anthropologues et psychanalystes expliqueraient certainement mieux cette identification/appropriation du pays aux besoins de ces ‘’gouvernants à vie’’ et autres ‘’décideurs de l’ombre’’.
Le pays est devenu une propriété privée de ce clan. C’est pour cela que le système politique algérien n’est pas du tout réformable.
Il s’agit donc pour le mouvement de dissidence populaire et pacifique de réussir une forme de transfert de propriété au peuple pour une nouvelle république de citoyens.
Et cela, ce n’est pas en jouant sur les nuances des articles d’une constitution qui a été l’un des instruments de cette domination.
Jusqu’où iront les militaires, qui ne sont pas fondamentalement des putschistes (1), dans cet entêtement pour imposer leur fausse solution contre l’avis des dizaines de millions d’Algériens ?
Un futur Guantánamo à ciel ouvert en Algérie (2) ?
A.U. L.
Notes :
(1) Fort Gulick est un centre d’enseignement militaire créé en 1946 par le département de la défense américain, dans la zone du canal de Panama. Nombre de militaires sud-américains qui y ont été formés ont par la suite organisé des coups d’État et instauré des juntes ’’.
Adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_militaire_des_Am%C3%A9riques
(2) Guantánamo est une base navale militaire US sur le territoire de la république de Cuba. Cette base a été transformée en 2001 par l’armée américaine en partie en prison, hors système judiciaire fédéral américain, pour les prisonniers arrêtés en Irak et en Afghanistan, et tous ceux qui sont accusés de terrorisme islamique. Les conditions de détention (prisonniers enfermés dans des cages métalliques en extérieur) et les mauvais traitements infligés aux prisonniers ont été dénoncés dans le monde. « La prison de Guantanamo restera ouverte encore 25 ans au moins » (décret signé par Donald Trump en janvier 2018).