Toi, qui lis ces lignes : tu es pieux. Tu crois en Dieu. Profondément. Tu nourris cet espoir qu’il y a quelque chose après tout. Après la vie qui est si dure à passer. Il y a forcément Dieu. Cette entité que nous ont léguée nos aïeux. Cela ne peut pas être autrement.
Les discours qui remettent ta croyance en cause ne peut être qu’une machination diabolique, un appel du Diable pour t’écarter du droit chemin. Celui-là qui est tracé depuis la nuit des temps. Tu ne peux qu’y croire toi aussi quand tu as eu l’âge d’y croire. On t’a forcé à apprendre les sourates par cœur. On t’a appris à tracer les lignes, les mots et les versets. Méthodiquement, inlassablement, l’imam qui t’avait en charge le faisait avec zèle.
Combien de générations sont passées par là. Oh ! Combien de générations ont bu les mots de Dieu et n’ont rien dit. Combien de croyants sont passés par ta case. Croire, apprendre à obéir, puis obéir par toi-même sans que quelqu’un te le dise ou te l’ordonne. Tu en es fière de toi quand tu as montré que tu as compris.
Tu as compris qu’il faut croire et le montrer. Tu t’es pavané dans les ruelles du douar, du quartier, à te montrer que ça y est. Tu es croyant. Tu sors le bon mot, le bismilah au bon moment. Le hamdullah au moment opportun. Tu as appris quelque hadith et sourates que tu utilises à bon escient. Dans les circonstances justes. Tu t’es pris au jeu. Tu deviens le jeu. Tu sermonnes les plus jeunes. Tu commences à faire partie de ceux qui encadrent les plus petits. Tu donnes l’exemple.
Tu aides la mamy à traverser la rue. Tu aides le vieux à monter les courses. Tu participes aux prières du Vendredi. Tu es un homme à présent. Un homme étalon. Celui qui est semblable aux millions d’autres. Tu a emmagasiné la culture des ancêtres.
Tu es pieux ….
A y penser de plus près, tu es en sécurité dans ce carcan. Ce cocon est parfois étroit. Une petite voix, tu l’entends au fond de toi. Et elle te dit, vraiment ! N’y a-t-il pas autre chose d’autre que ce Dieu qui a élit domicile sur ton territoire ? N’y a-t-il pas une autre vérité différente que celle matraquée depuis des siècles ? Si ta Vérité est la seule, si ton au-delà est le meilleur qui soit ? Pourquoi tant de peuples, tant d’humains n’y aspirent pas. N’y croient même pas. Si ta langue est celle de ton monde d’après ? Pourquoi ton Dieu a-t-il créé tant d’autres ? Pourquoi tant de peuples n’ont jamais entendu parlé de ton Dieu, ni de son paradis ! Et pourtant ton système de croyance les condamnent sans procès ? Par contumace. Tu nourris cet espoir que tu seras sauvé après ta mort. Tu en fais un peu trop. Ton espoir est d’avoir une filiation qui remonterait jusqu’au prophète. Ainsi, les liens du sang te conféreront un droit à l’absolution de tes péchés.
Car tu le sais au fond de toi…..
Tu n’es pas si pieu que tu le crois….
Tu envies en silence, dans tes tripes celui qui a réussi. Alors que toi pas encore… alors que pour toi tu pense qu’il est trop tard. Ou la marche est trop haute à enjamber. Tu maudis ces vieux qui n’ont n’ont plus rien à offrir à part une image pieuse. La vieille hadja du quartier qui a reçu dans son lit tous les hommes de la ville. Le vieux Hadj qui s’égosille à longueur de jour et psalmodie les quelques versets appris jadis alors qu’il aimerait encore, rien qu’une fois palper une jeune belle…. Tu maudis ce père effacé qui tarde à rentrer chez lui et retrouver une femme acariâtre qui gueule au lieu de parler.
Une femme qu’il a épousé par dépit pour plaire à sa maman hystérique qui jurait se jeter dans l’oued si son fils qu’elle a traîné sa vie durant, depuis la mort du père la contredirait. Fils qui lui a interdit de se remarier. Tu maudis en silence ta mère, femelle qui t’a étouffé. Qui t’a couvé
Tu maudis la grand-mère, être hideux qui pue la vieillerie. Tu maudis ton Dieu qui n’a pas fait entrer opulence et richesse dans ta vie. Tu maudis ces pseudo saints qu’on chante, qu’on glorifie sous prétexte qu’ils te protègent, qu’ils surveillent tes ennemis et te les tiennent à distance. Alors qu’ils n’en est rien.
Ils n’ont jamais levé un doigt pour changer ta destinée. Tu acceptes ton sort, ton destin parce que tu n’as pas d’autres possibilités.
Aux portes de la mort ! Au seuil du trépas ! Tu es confiant ! Tu es paisible !
Ton Dieu t’accueillera les bras ouverts dans son paradis qu’il a taillé sur mesure.
Paradis des orgies alimentaires et charnelles. Celles qui te sont interdites ici bas .
Algérien…. Tu es pieux.
Bienvenu dans ton mensonge.
Saïd Oukaci
Doctorant en Sémiotique