26 avril 2024
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Le bombardement de la Syrie est tout, sauf contre l’utilisation des armes chimiques  

Proche-Orient

Le bombardement de la Syrie est tout, sauf contre l’utilisation des armes chimiques  

Bachar El Assad a toujours utilisé les gaz, le sarin  et le chlore parfois en mélange pour palier à l’insuffisance de son arsenal militaire en déconfiture aussi bien en équipements qu’en hommes. Les pays voisins, ainsi que les puissances étrangères le savent et ne réagissent que lorsque le mélange des deux gaz dépasse la dose en créant des dommages collatéraux envers les civils comme cela s’est passé la semaine dernière à Douma. Il est clair que la tactique militaire de la Syrie pour s’attaquer aux poches éloignées des rebelles reste cette arme par manque de soldats pour les attaques terrestres. Il utilise aussi cette arme comme stratégie de dissuasion pour gagner en territoire et cela lui est favorable. C’est de cette manière qu’il a réussi à reconquérir contre toute  attente près de 65% du territoire syrien. Dictateur ou pas, le régime a compris les véritables enjeux des pays engagés directement ou indirectement dans ce conflit depuis 2011 et qui a fait entre 200 000 à 400 000 morts.

1- Pourquoi l’Iran soutient Bachar El Assad

Officiellement, du moins ce qu’on offre comme analyse, le régime bénéficie depuis le début de la révolution du soutien indéfectible de l’Iran sur les plans politique, financier, diplomatique et militaire car Téhéran ne veut absolument pas qu’un pouvoir sunnite, potentiellement soutenu par les pétromonarchies du Golfe et, plus particulièrement, l’Arabie saoudite, s’installe à Damas.

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Pour l’Iran, il est important d’avoir cette continuité stratégique Téhéran-Bagdad-Damas-Hezbollah. C’est pour cela que l’on parle, en simplifiant, d’un « axe chiite » contre un «axe sunnite» formé de Riyad-Le Caire-Ankara sans oublier les pétromonarchies du Golfe. Sur le terrain, la présence iranienne est composée de plusieurs centaines de conseillers, de paramilitaires ou encore de la force Al-Qods. En décembre 2013, après une montée en puissance en vue des négociations de Genève II, la présence iranienne en Syrie a été évaluée à 10 000 hommes. En 2015, des sources de sécurité syrienne ont révélé que 7 000 à 10 000 soldats de la seule brigade Al-Qods,avaient été déployés autour de Damas pour la protéger après la prise de Palmyre par le proto-Etat islamique. Acteur de terrain, l’Iran ne devient que progressivement acteur diplomatique. Le tournant est l’accord sur le nucléaire iranien, signé le 14 juillet 2015. Tous les efforts de Washington étaient concentrés sur l’obtention de cet accord qui était une priorité pour Barack Obama.

Certains observateurs considèrent même que le président américain a reculé en août 2013 lorsqu’il était question d’une intervention en Syrie après les attaques chimiques, pour ne pas entraver les discussions avec les Iraniens. Jusqu’alors, les Iraniens avaient été marginalisés dans les premiers rounds de négociation pour une solution pacifique au conflit. L’embellie diplomatique du 14 juillet 2015 a réintroduit l’Iran dans la partie. Cette association était nécessaire ; il n’est pas sûr qu’elle soit suffisante. Outre les forces iraniennes, de nombreuses milices chiites étrangères (irakiennes, libanaises, afghanes, pakistanaises…) sont venues combattre en Syrie pour le compte du régime.

Le Hezbollah chiite libanais que soutient Téhéran est partie prenante au conflit aux côtés des forces d’Assad. Le 5 juin 2013, il entre officiellement sur le territoire syrien et il reprend la ville frontalière de Qusayr aux insurgés, évitant au régime une défaite qui aurait pu constituer un prélude à son effondrement. Les troupes du Hezbollah libanais en Syrie comptent 5 à 8 000 combattants environ. Le régime syrien peut aussi compter sur les milices irakiennes chiites (environ 80), qui compteraient entrer 20 000 et 25 000 combattants. Ces forces viennent soutenir une armée exsangue, avec parfois des dissensions sur les objectifs militaires ou sur la stratégie à adopter. Elles ont dans tous les cas permis à plusieurs reprises au régime d’éviter l’effondrement. Elles ont été en première ligne pour la reprise d’Alep en décembre.

2- Les autres prétendants  cachent leur jeu

Les Russes quant à eux défendent leur base de Tartous et ne bougent que lorsqu’on y touche ou on parle du départ de Bachar El Assad qui le fait indirectement. Pour les autres, leur intérêt est plutôt économique. En effet le projet de  l’Islamic gas pipeline (IGP) qui envisage la construction de gazoduc dans des pays en guerre, on voit difficilement quels pays ou quelles entreprises pourraient s’y lancer. S’il n’est pas question de nier l’importance qu’attachent les Européens, les Russes et les Américains à leur approvisionnement énergétique, on voit mal comment ils pourraient s’affranchir des tensions entre les acteurs régionaux que sont l’Arabie saoudite et le Qatar. De là, on pourrait déduire que la chronologie et les montages commerciaux entre nations pour la construction de gazoducs attisent l’appétit  les géants pétroliers qui poussent leurs pays à déstabiliser la Syrie et, partant l’Iran. La preuve de nombreux pays du Golfe n’attendent qu’une simple demande pour y participer à cette frappe si d’abord une autre frappe y ait. Ce n’est pas sûr.

3- Les vrais enjeux sont d’ordre énergétique

Il s’agit d’un gisement offshore entre deux eaux territoriales. Le North Dome, appelé ainsi au Qatar, est dénommé South Pars par les Iraniens. Découvert en 1971 par une compagnie pétrolière anglo-néerlandaise, le champ gazier est partagé entre le Qatar et l’Iran. Ils possèdent à eux deux 20 % des réserves naturelles mondiales et sont des piliers de l’approvisionnement énergétique, alimentant à la fois le marché local du gaz naturel et les exportations de Gaz naturel liquéfié (GNL). Le North Dome, au sein du golfe Persique, ne représente pas moins de 9 700 km2 de réserves, qui s’étendent de part et d’autre de la limite des eaux territoriales des deux pays. Les conditions d’exploitation sont favorables grâce à un plancher océanique situé à 65 m de profondeur. L’ensemble représente environ 200 gigabarils de pétrole, soit plus du double que le plus grand gisement connu, Ghawar, en Arabie saoudite. Si North  Dome est une source d’intérêt commune pour le Qatar et l’Iran, il n’en demeure pas moins que son exploitation diffère d’un pays à l’autre. Cependant, une simple lecture de la carte du gaz révèle que celui-ci est localisé dans les régions suivantes, en termes de gisements et d’accès aux zones de consommation :   Russie : Vyborg et Beregvya ; Annexé par la Russie : Turkménistan, environs plus ou moins immédiats de la Russie : Azerbaïdjan et Iran ;  pris à la Russie : Géorgie ; Méditerranée orientale : Syrie et Liban ; Qatar et Égypte.

Moscou s’est hâté de travailler sur deux axes stratégiques : le premier est la mise en place d’un projet sino-russe à long terme s’appuyant sur la croissance économique du Bloc de Shanghai ; le deuxième visant à contrôler les ressources de gaz. C’est ainsi que furent jetées les bases des projets South Stream et Nord Stream, faisant face au projet étasunien Nabucco, soutenu par l’Union européenne, qui visait le gaz de la mer Noire et de l’Azerbaïdjan. S’ensuivit entre ces deux initiatives une course stratégique pour le contrôle de l’Europe et des ressources en gaz. Peut-être que dans cette frappe, seul Trump ne sait pas ce qu’il fait.

Auteur
Rabah Reghis

 




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