Paul Auster, auteur américain prolifique de romans, poèmes et films propulsé sur la scène littéraire internationale par sa « Trilogie new-yorkaise », est mort de complications d’un cancer du poumon à l’âge de 77 ans, a annoncé le New York Times mardi 1er mai. Paul Auster est mort à son domicile de Brooklyn, à New York, aux États-Unis, a indiqué le quotidien, qui cite une amie du romancier, Jacki Lyden.
Paul Auster est l’auteur de romans, poèmes et films, marqués par New York et des personnages désorientés qui embarquent le lecteur dans une quête existentielle vertigineuse. Prix Médicis étranger pour le Léviathan en 1993, Paul Auster est un écrivain vénéré en France qu’il considère comme son « deuxième pays ».
Sa Trilogie new-yorkaise, parue en 1987, le propulse sur la scène littéraire internationale et l’associe définitivement à la mégapole qu’il n’aura de cesse de réinventer dans ses livres et ses films.
« Parfois New York est le centre de l’histoire, parfois elle n’en est que la périphérie. New York, ville où je vis et où j’écris, est une image qui vit dans ma réalité et dans mes fictions », racontait-il.
Dans Cité de Verre, Revenants et La Chambre dérobée qui forment la Trilogie, ses personnages partent à la recherche de leur identité à la manière de détectives dans le labyrinthe de Manhattan hérissé de gratte-ciels où tout n’est que reflets et faux semblants.
C’est à Newark, une banlieue new-yorkaise, que Paul Auster naît en 1947 de parents descendants de juifs ashkénazes. Très jeune, il est attiré par cette ville où il passe tous ses week-ends. Il s’y installe à 18 ans pour y étudier la littérature française, italienne et britannique à l’université de Columbia de 1965 à 1970. Plus tard, il s’ancre à Brooklyn, quartier familial qu’il célèbre dans Smoke et sa suite Brooklyn Boogie, deux films qu’il réalise avec Wayne Wang. Smoke obtient l’Ours d’argent à Berlin (1995).
Après ses études, il vit à Paris de 1971 à 1975. Il occupe une chambre de bonne, rencontre une prostituée qui lui récite du Baudelaire et manque de s’inscrire à l’Institut des hautes études cinématographiques. Il écrit des scénarios pour films muets et traduit Breton, Mallarmé, Michaux et Dupin. Il perfectionne son français qu’il manie d’une voix éraillée par les cigarillos qu’il affectionne.
Grand brun hédoniste, aux cheveux peignés en arrière et aux yeux noirs cernés légèrement exorbités, il plaît aux femmes, mais connaît plusieurs années d’errance professionnelle qu’il raconte dans Le diable par la queue. Unearth, son premier recueil de poèmes, paraît aux États-Unis en 1974, mais faute de revenus suffisants, il enchaîne les petits boulots et embarque comme homme à tout faire sur un pétrolier.
L’héritage de son père, mort en 1979, lui permet de se consacrer à l’écriture. Après un divorce d’avec l’écrivaine Lydia Davis dont il a un fils, il se marie en 1981 avec la romancière américaine Siri Hustvedt. C’est le début d’une nouvelle vie.
Trompe-l’œil
Il publie L’invention de la solitude (1982), un roman autobiographique où il tente de cerner la personnalité de son père, figure « invisible » qui inspirera ses personnages aux prises avec un double inquiétant. C’est le cas notamment dans Moon Palace (1990), roman initiatique d’un orphelin, qui lui apporte enfin la reconnaissance américaine.
Fin connaisseur des ficelles narratives, Paul Auster aime jouer avec le lecteur : anagrammes entre les noms, mises en abyme, récits fragmentés. Leviathan, Le livre des illusions (2007) ou encore le phénoménal 4321 (2018), brouillent les frontières entre fiction et réalité. Au risque parfois d’être trop confus et de déplaire.
« Nous passons notre temps à imaginer des histoires. Nous vivons avec ça … le réel et l’imaginaire ne font qu’un. Les pensées sont réelles, même les pensées de choses imaginaires », explique l’un de ses personnages dans Seul dans le noir.
Démocrate, il dénonce, dans ce roman publié en 2009, les huit années Bush où l’Amérique de la guerre en Irak et du 11-Septembre a basculé, dit-il, « dans un monde parallèle », à travers l’évocation d’une guerre civile imaginaire que se raconte un insomniaque dépressif.
Il renoue avec le récit autobiographique avec Chroniques d’Hiver (2013) et Excursions dans la zone intérieure (2014), décidé, « à l’hiver de sa vie », de reconstituer le puzzle de son existence à travers la description des mutations de son corps. « Je veux essayer de montrer, de faire ressentir ce que c’est qu’être vivant. La vie est à la fois merveilleuse et horrible et ma tâche est de capturer ces moments-là. Voilà ma mission d’écrivain. Rien de plus. »
Son fils David, inculpé en avril 2022 d’homicide involontaire sur sa fillette de 10 mois décédée après une intoxication au fentanyl et à l’héroïne, a succombé lui-même quelques jours après à « une overdose accidentelle ». La même année, il a été diagnostiqué d’un cancer, selon son épouse. Malgré la maladie, il achève un dernier livre à la tonalité nostalgique, Baumgartner.
Avec RFI