18 avril 2024
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Le cinquième mandat de Bouteflika

TRIBUNE

Le cinquième mandat de Bouteflika

Le vieux fascisme si actuel et puissant qu’il soit dans beaucoup de pays n’est pas le nouveau problème actuel.

On nous prépare d’autres fascismes. Deleuze, en énonçant ceci dans son essai  »Deux régimes de fous », ne voulait surtout pas opposer le vieux fascisme à celui qui nous guette aujourd’hui, mais expliquer comment un régime politique, sous couvert de démocratie, peut nous faire glisser, de la façon la plus périlleuse vers une société de microfascistes. 

Tebboune, désigné par les militaires, de la façon la plus illégitime, voire la plus anachronique, avait déclaré, à propos d’une question sur l’abstention massive du peuple algérien aux élections législatives, que le taux de participation n’était point une source d’inquiétudes ou d’interrogations pour lui, et qu’il gouvernerait avec ceux que les urnes auraient désignés. Et les urnes ont parlé ! Ou plutôt, comme à l’accoutumée, le pouvoir a fait parler les urnes. Le pouvoir, a fait valoir un taux de participation de 23 % , que l’on qualifierait de vraisemblable, voire d’honnête, puisqu’il déroge au taux mirobolant de 99.99% auquel on était désormais habitué . 

Le pouvoir de Tebboune, sous l’égide de ses parrains militaires, a réussi là où ses prédécesseurs ont échoué : faire reconnaître, avec des chiffres à l’appui, que plus l’abstention est grande, plus est grande la légitimité de gouverner. 

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La prochaine étape serait d’annuler carrément le suffrage universel et revenir au vieux fascisme que Deleuze pensait en mutation constante et qui, dans le cas très illustrant de l’Algérie, plonge le pays dans une politique de guerre.   

Cette guerre l’ont toujours voulu les putschistes des frontières. De coup d’État qui s’enchaînent, ils ont bâti un pouvoir empirique, empêchant l’avènement de l’Etat -nation, dévitalisant le pays de ses ressources, en organisant le pouvoir comme autant de vagues concentriques, les unes reliées aux autres, les unes succédant aux autres, par le seul lien de l’illégitimité politique. L’État algérien n’a pas vu le jour et ne le verra pas tant que le pouvoir législatif est subordonné à  celui de l’exécutif, lequel , depuis la période postcoloniale, est entre les mains des militaires. Ce sont, pour apostropher Heidegger, des êtres sous-la-main.  

De ces êtres sous-la-main , on ne peut s’empêcher de constater que le FLN, parti miroir du pouvoir, une sorte de berceuse pour personne en fin de vie, s’entêtant à faire croire à la génération d’aujourd’hui que le colonialisme est bien pire que tous les micro-fascistes qui lui ont succédé, demeurera le parti majoritaire. S’en suit des pseudo-indépendants, comme s’ils étaient politiquement libres pour légiférer sur toutes les politiques oppressantes qui occasionnent autant de prisonniers d’opinions.

Et pour ne pas déséquilibrer la précieuse coalition islamo-nationaliste, qui a poussé l’offense jusqu’à brandir le portrait de Bouteflika comme on brandit un doigt d’honneur à la face du peuple, on les gratifie de quelques sièges , parce qu’on est bien parti pour un cinquième mandat. Oui, c’est bien un cinquième mandat que Tebboune nous lègue, sans  le visage crayeux, défait et inanimé de Bouteflika . 

D’ailleurs, il n’y a qu’à réécouter Tebboune face au journaliste d’Al Jazeera pour comprendre d’où nous vient le nouveau gouvernement, fraîchement recyclé avec les plus notoires de ses affairistes :  il déclarait, après s’être réjoui de la réouverture du bureau d’Al Jazeera dans le pays, alors que les geôles d’Alger regorgent de leurs confrères algériens  que, pendant la période de Bouteflika, plus de mille milliards de dollars ont été dilapidés et sortis du pays. Il ne tarde pas à joindre le geste à la parole et désigne, à l’issue des législatives dont il minimisait outrageusement le taux de participation effroyablement bas, Ramtane Lamamra, homme fort du règne de Bouteflika,  à la tête des affaires étrangères.

C’est certainement pour son érudition diabolique dans la couverture des errements du régime Bouteflika et à servir de vitrine aux capitales occidentales (rappelons-nous sa tournée dans des capitales européennes au printemps 2019) que celui-ci fait son retour  au sein de la Casa D’el Mouradia.

Une fois n’est pas coutume, le pouvoir écarte un des siens pour un de ceux qui sonneront la nouvelle ère aux portes des futurs locataires d’El-Harrach. Ce n’est pas pour plaire à ceux dont Zeghmati, homme de main de Gaïd Salah, a orchestré toute la machine judiciaire pour les incarcérer, qu’il fut écarté, mais pour faire de la gouvernance, par l’entremise d’une police parallèle, une alternance au pouvoir. 

Son successeur, Abderrachid Tabbi, ex-premier président de la Cour suprême,  sera-t-il mandaté  pour faire revenir, par la grâce d’une justice parallèle, Chakib Khelil,  dont la tournée des zaouïas outre-mer a duré bien longtemps que prévu? 

Ce qui semble inéluctable, c’est que  la reconduction du système  Bouteflika est en marche. Tebboune l’a annoncé dans les quelques rébus de son discours,  à l’occasion du 5 juillet. Il n’a pas été jusqu’à dire qu’un Algérien sous-la main est un bon Algérien, mais, croyez-moi, avec tous les microfascistes qui pullulent, aussi bien au sein des institutions législatives que dans la sphère de  l’exécutif, il le pensait de neuf Algériens sur dix.

En outre, pour ce pouvoir, aussi vieux que le vieux fascisme dont il s’en inspire, moins il y aura d’Algériens libres, plus les gouvernants qui président à la destinée du pays seront des hommes sous-la main.

Auteur
Mohand Ouabdelkader 

 




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