24 avril 2024
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Le cosmos, bien de l’humanité, c’est fini

REGARD

Le cosmos, bien de l’humanité, c’est fini

C’était parce qu’il paraissait lointain, infini et d’une portée technologique improbable pour l’humanité que le rêve d’universalité de l’espace et du cosmos avait été longtemps nourri. Le retour à la réalité s’accélère en ces dernières années pour nous rappeler que l’humanité est composée d’intérêts concurrents et belliqueux, publics et privés, dès qu’il s’agit de territoires. L’Univers en est un de taille.

Un « Bip Bip» et la naissance d’un enjeu

J’avais deux ans, en octobre 1957, et j’allais prendre conscience très peu de temps plus tard que le monde entier fut stupéfait par le désormais célèbre « bip bip » émis par SPOUTNIK 1. Lancé par l’URSS, ce fut le premier objet humain jamais présent hors du berceau de l’humanité, la Terre. Et en plus il s’était parfaitement satellisé, confirmant ainsi des siècles d’avancée dans la théorie de Newton. 

Les États-Unis, grands rivaux de l’URSS durant la « guerre froide » qui s’est installée progressivement après la fin de la seconde guerre mondiale, furent inquiets et même traumatisés. 

Mais ils se sont ressaisis et nous connaissons l’extraordinaire épopée des vaisseaux américains, depuis la série des Gemini jusqu’à celle des Apollo qui se termina par une revanche sans appel des Américains. Ils offrirent à l’espèce humaine l’inoubliable « Petit pas de l’homme mais un pas de géant de l’humanité » prononcé par le premier homme sur la lune, le commandant de bord Neil Amstrong.

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Mais revenons au départ de ce fameux « Bip Bip ». L’espace (ne pas confondre avec le cosmos) était soudainement devenu une réalité avec laquelle le rêve devait désormais composer. Il y avait un territoire à conquérir et, comme dans toute l’histoire de l’humanité, la conquête territoriale rime avec une lutte féroce pour l’appropriation des richesses promises par ces territoires nouveaux.

Mais si les richesses sont toujours dissimulées derrière les confrontations belliqueuses, celui de la menace guerrière réciproque est apparue en premier, vu la situation géopolitique. Les États-Unis, comme leurs alliés, ont eu crainte de l’idée d’une appropriation par l’URSS de l’espace à des fins militaires. 

Les quatre décennies suivantes allaient leur donner raison sans pour autant qu’il y ait eu la déflagration redoutée. Mais la menace, particulièrement nucléaire, appuyée par la maîtrise des engins dans l’espace était sans cesse présente. A-t-elle disparu depuis la chute du mur de Berlin en 1989 ?

La rivalité se plaçait donc, à cette époque, exclusivement sur le terrain militaire. Si l’idée des ressources disponibles sur les astres fut placée en sommeil, dans un coin très profond de l’esprit, elle n’a jamais disparu. Même si la situation allait changer radicalement, la Lune et, surtout le cosmos, étaient encore des interrogations plus lointaines, avant la promesse de Kennedy pour la première.

Des accords par intérêts réciproques

L’urgence pour les États-Unis était donc d’encadrer la conquête spatiale. Ils finirent par convaincre leurs alliers, tous aussi inquiets par la puissance soviétique, qui acceptèrent en 1959 la création, au sein de l’ONU, du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (CUPEEA).

Un comité chargé d’éviter les conflits mais que chacun savait être la meilleure manière de temporiser pour avoir l’opportunité d’acquérir la suprématie dans l’espace. Les deux grandes puissances ont, avec l’arme nucléaire, créé un « équilibre de la terreur » pour être persuadées qu’aucun des deux ne menacera l’autre sans une réplique tout aussi porteuse d’anéantissement.

En attendant, et entre autres missions, le CUPEEA avait un rôle d’inventaire des objets spatiaux  pour garantir la non survenance des collisions. Un problème qui se pose encore avec une très grande inquiétude, soixante années plus tard, sans en avoir résolu le moindre début de solution.

Puis, de discussions en discussions, sous le couvert de l’outil le plus efficace de l’hypocrisie, soit la diplomatie, les deux puissances sont arrivées à signer le « Traité de l’espace » en 1967.

Ce traité permet le libre accès de l’espace extra-atmosphérique et personne ne peut revendiquer la souveraineté sur tout ou partie des astres. Ils sont considérés par le traité comme des biens communs de l’humanité. Dans la même idée, le statut de l’Antarctique garantit également l’universalité.

La fonte accélérée des glaces de l’Antarctique avec le réchauffement climatique met à nu de gigantesques territoires et on voit déjà apparaître les gros conflits entre les riverains de ces mondes nouveaux. C’est dire combien seront grands les risques de conflits lorsqu’il s’agira de brandir l’universalité des astres du cosmos.

Si nous revenons au traité, il était prévu un devoir d’assistance pour toutes les nations quelles que soient les nationalités de ceux qui demandent secours. Nous retrouvons ainsi la vielle règle maritime (en dehors des guerres). Mais, bien entendu, le traité prohibe également la mise en place d’armes de destruction massive, notamment nucléaires, dans ce nouveau territoire de l’humanité.

Puis nous éviterons de rappeler les multiples avancées de coopération dans l’espace, comme l’accord sur la Lune et bien d’autres et, ultime représentation de la coopération internationale, la SSI (Station Spaciale Internationale). Le processus fut donc très long et la liste des pays qui ont acquis la maîtrise de l’espace s’est élargie.

Un des développements qui nous mènent à la période contemporaine est la participation de plus en plus forte des opérateurs privés. C’est un tournant important car les considérables sommes englouties par l’aventure spatiale ne pouvaient être auparavant que de la dimension des États.

La participation du secteur privé a toujours été présente, il fallait sous-traiter des milliers de compétences, mais la nouveauté est que les entreprises privées deviennent aujourd’hui de véritables opérateurs. Elles le font sous le contrôle et le financement participatif des États mais leurs initiatives sont de plus en plus indépendantes dans les choix stratégiques et technologies ainsi que dans les objectifs.

C’est cette émergence du privé dans la course à l’espace et au cosmos qui nous mène à l’étape actuelle.

Une porte ouverte vers la dérégulation

Il fallait bien s’y attendre, le défi de la privatisation allait pousser les États-Unis en 2015 à adopter le « Space Act », une loi qui a pour ambition de « sécuriser l’espace dans un développement du New- Space ».

Sans remettre en cause les principes d’assistance ni d’interdiction de souveraineté, le Space Act va totalement modifier l’esprit d’universalisme de l’espace et du cosmos en accordant aux entreprises privées américaines le droit d’en exploiter les ressources.

Aujourd’hui, l’improbable destination sur Mars dans les années 50’ est à portée de main technologiquement. Il est prévu qu’un engin aille, dans l’horizon de dix années, ce qui est très court,  récupérer les échantillons prélevés par la sonde Persévérence qui a été déposée sur Mars. Ainsi l’exploitation des minerais n’est plus un mythe même si nous en sommes à l’état embryonaire. 

Mais on aurait dit à l’enfant que j’étais que Sputnik présageait l’Homme sur la lune, j’aurais été très réservé sur un projet aussi invraisemblable que romanesque.

Des détecteurs ont depuis longtemps mis au jour l’existence de matières premières en quantités considérables sur les astres lointains et même des précieux « métaux rares » dont nous connaissons l’importance fondamentale stratégique (actuellement elles sont en majorité entre les mains de la Chine).

Les milliardaires de l’espace

Bien entendu, ce n’est que la partie immergée de la représentation probable du futur de la conquête de l’espace et du cosmos. Mais elle est très significative de cet élan qui va briser le rêve d’universalisme.

Si comme nous l’avons déjà dit, le quasi-monopole reste entre les mains des grandes agences nationales et celle de l’Europe, les aventuriers milliardaires américains (il en viendra d’autres dans les grandes puissances) se placent dans les premiers rangs de la course.

Elon Musk, le bouillant propriétaire de Tesla et Space X,  a pris le chemin vers le grand rêve de Mars. Jeff Bezos, le propriétaire d’Amazon, a plutôt dirigé son ambition vers la conquête de l’espace pour la colonisation par des humains. Quant au pionnier dans ce créneau, le voila de retour, c’est Richard Branson, propriétaire de Virgin, qui persiste dans son rêve du début, les voyages touristiques.

Tous les trois (il y en aura d’autres) sont des milliardaires dont l’entreprise peut mobiliser des fortunes en investissement, partiellement financés par les agences d’État. La collusion entre les grands projets technologiques  et les milliardaires est ancienne. On se souvient de Howard Hugues et ses folles tentatives d’innovation dans l’aviation militaire. L ‘industrie pétrolière et automobile ont connu les leurs et dans bien d’autres branches les milliardaires ont toujours trouvé un terrain de jeu à leurs investissements et à leur mégalomanie.

Ils ont en effet tous un point commun, à l’exception de rares d’entre eux comme le discret Jeff Bezos, un goût immodéré pour la communication et l’extravagance. 

On a toujours l’impression qu’ils veulent avoir leur « gros jouet » ou, comme cela se disait autrefois d’une manière plus triviale, leur « danseuse ».

Mais il ne faut pas se méprendre, contrairement à ce que laisse penser leur extravagance, ce sont rarement des fous lorsqu’il s’agit de leurs intérêts. Ces milliardaires ont compris combien la technologie actuelle permettait de se rapprocher de la réalisation du rêve pour une fabuleuse  exploitation des richesses minières du cosmos.

En conclusion, ceux qui croyaient que l’espace et le cosmos allaient rester un patrimoine universel ont raison lorsqu’on se place à la dimension de l’humanité. Ils sont naïfs lorsqu’on se place à la dimension des États. 

Or, si l’histoire actuelle des technologies étend le domaine universel hors du champ terrestre, l’histoire des hommes est loin de faire disparaître l’existence des communautés. Et les communautés ont des intérêts concurrents.

La malédiction de la Tour de Babel ne semble pas vouloir rompre avec la punition éternelle infligée à la cupidité de l’être humain.  

Sid Lakhdar Boumédiene

Enseignant

Note : une explication simple en rappel, connue probablement par la majorité des lecteurs. L’espace est le vide entre les astres, le cosmos est l’ensemble des deux pour former l’Univers.

 

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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