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Le deal politico-nationaliste du FFS avec le pouvoir 

Aouchiche chez Tebboune
Youcef Aouchiche chez Tebboune

Les instances issues du 6e congrès du FFS avec à leur tête, le premier secrétaire, Youcef Aouchiche, adoptent une position franchement étatiste et nationaliste qui jure avec la ligne dure et radicale prônée depuis sa naissance par le parti. Il bien loin ce parti qui ne transigeait pas avec les droits de l’homme et les libertés.

Le FFS, version Aouchiche

Aït Ahmed, Yaha Abdelhafidh et les 400 victimes de 1963 doivent se retourner dans leurs tombes devant le triste spectacle qu’offre le FFS sous la direction d’Aouchiche. De l’opposition, ce parti est passé dans le consensus total avec le pouvoir. Ce repositionnement dont on retrouve les éléments dans le discours distillé par le premier secrétaire du parti, rappelle, à s’y méprendre, la rhétorique développée par l’ex-cadre du parti, Samir Bouakouir, à qui certains ont cru déceler des accointances avec des franges de l’Etat profond du temps même de général Ahmed Gaïd Salah.

Ce discours d’une teneur critique volontairement édulcorée des options lourdes du pouvoir servi par petites doses par le FFS s’affirme de jour en jour.

Il renseigne sur les ruptures opérées dans le logiciel politique et idéologique du parti par la nouvelle équipe dirigeante qui a pris les rênes du parti suite à une succession de conflits de leadership durant une  décennie. Cette crise interne a abouti à la mise à l’écart de l’ex-homme fort du parti, Ali Laskri et de son groupe.

Depuis, le FFS ne cesse de montrer son changement de cap. Les mots nationalisme, patriotisme,  sauvegarde de l’État reviennent comme un leitmotiv dans le discours du plus vieux  parti d’opposition qui se fait un farouche défenseur des institutions. En clair, le parti relaye sans sourciller les éléments de langage du pouvoir.

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La réélection lors du 6e congrès de Youcef Aouchiche à la tête du parti, a laissé la voie ouverte  pour un FFS new-look qui dévoile de plus en plus une ligne  en rupture avec les représentations qui ont fondé son identité politique et idéologique. Il s’est aligné avec zèle derrière les choix autoritaires du pouvoir.

Des maquis à la compromission

Désormais, le parti cofondé par le défunt Hocine Ait Ahmed, le colonel Mohand Oulhadj, le commandant Yaha Abdelhafidh avec une poignée de militants anti-colonialistes farouches défenseurs d’une Algérie libre, laïque et démocratique affirme son appartenance au bloc constitué par des partis proches du pouvoir dont il reprend les éléments du langage distillant un nationalisme exclusif et démagogique. De fil en aiguille, il prend petit à petit ses distances avec les partis et les activistes de l’opposition qui militent pour une rupture radicale avec le système.

Une position réitérée dans l’allocution prononcée par le 1et secrétaire à l’ouverture de la session ordinaire du conseil national du parti qui s’est tenu le 24 février 2023.

Maniant la rhétorique qui consiste à mettre plusieurs fers au feu, Youcef Aouchiche oscillera entre la position du compromis avec le pouvoir et critique de ce dernier non sans se démarquer des positions partisanes qui tirent leur légitimité sur le rejet  systématique du pouvoir.

Au sujet de la défiance des citoyens vis-à-vis des partis politiques, Y. Aouchiche reproche au pouvoir d’en être responsable. « Cela est la responsabilité première du pouvoir à travers les multiples entraves, les manipulations, les infiltrations et les restrictions aux libertés fondamentales, qui a bloqué l’émergence d’une classe politique à la hauteur des aspirations du peuple algérien », lance-t-il.

Mais il nuançant son jugement car pas question de trop charger le pouvoir. « Mais nous devons aussi assumer notre part de responsabilité et reconnaître que les logiques d’appareils et les querelles stériles de groupes et de personnes ont supplanté la réflexion et l’action politiques », lance-t-il en guise de reproche  aux membres du conseil national du parti qu’il invitera à un exercice d’autocritique  quant aux choix et positions pas toujours judicieuses, à ses yeux,  prises à certains moments, par le parti.

« Certains de nos militants ont été victimes de manipulations diverses orchestrées par des parties adverses et qui ont failli nous entraîner dans des voies populistes et séditieuses. La vigilance de nombreux cadres et militants, imprégnés des principes fondateurs de notre parti et de son ancrage historique, indissociable de la lutte pour la libération nationale, aura permis de mettre en échec toutes les tentatives d’enchaîner le parti, durant le mouvement populaire, dans des coalitions politiques extrémistes et aventurières », explique doctement Youcef Aouchiche qui reconnait avoir accompagné à contrecœur le mouvement populaire du  22 février 2019. Rien que ça ! Le grand nationaliste Aouchiche bat sa couple d’avoir un temps cru en ces millions d’Algériens qui réclamaient un changement du système politique et de gouvernance !

Tout en insistant sur l’ancrage nationaliste du parti, il réitère son attachement aux valeurs démocratiques. « Le FFS demeurera tout aussi intransigeant dans la défense des principes de liberté, de démocratie et de justice sociale que dans la défense et la préservation de l’Etat national et de la souveraineté du pays », affirme le chef de FFS qui semble quand même oublier qu’il y a 300 détenus d’opinion qui croupissent dans les prisons et que le pays a pris la pente d’une dictature depuis 2019. Peu importe puisque le parti prend franchement ses distances avec les thèses de l’opposition qui dénonce les opérations répressives tous azimuts qui continuent  de s’abattre sur les partis  d’opposition, les journalistes indépendants et les organisations des droits de l’homme.

« En aucune façon, notre parti ne s’associera aux campagnes hostiles menées de l’étranger sous prétexte de défense des droits de l’homme, le FFS ne fera jamais du démantèlement des institutions, aussi imparfaites soient-elles, une condition du changement politique ; il s’interdît tout discours et toutes action susceptibles de nuire aux intérêts stratégiques de la nation », tranche le premier secrétaire du FFS. Puis de marteler : « La résolution politique adoptée à l’unanimité lors du 6ème congrès a levé toute ambiguïté en réaffirmant notre engagement pour la construction d’un bloc national, autour d’un Pacte historique pour le parachèvement du projet national. Dans un monde fracturé, imprévisible, dangereux, nous devons penser notre action politique en redéfinissant nos priorités stratégiques et en intégrant dans notre réflexion la nature des enjeux et l’importance des défis auxquels est confronté aujourd’hui notre pays.

Dans un monde en mutation historique vers la multipolarité, notre pays doit se saisir des immenses opportunités offertes pour repenser nos stratégies d’alliance qui mettront fin de façon définitive aux tentations néocolonialistes et nous propulseront au rang de grande puissance régionale », dira Y. Aouchiche. Admirez donc la grande rhétorique de M. Youcef Aouchiche qui n’a plus rien à voir avec le chef historique Hocine Aït Ahmed.

« La profondeur maghrébine, africaine et  méditerranéenne doit être privilégiée pour sortir d’une dépendance vis à vis d’un monde euro-atlantiste en perte d’hégémonie », analyse-t-il dans un élan d’intelligence rarissime !!!

Puis avertissant sur les périls qui, selon lui, guettent notre pays il lancera : « Tout en restant fidèle à notre ligne politique, fondée sur la lutte pacifique pour la consécration des valeurs universelles de liberté, de démocratie, de justice sociale et de respect des droits fondamentaux de la personne humaine, nous devons nous adapter au contexte historique du moment. Un contexte marqué par des tentatives soutenues et récurrentes de déstabilisation du pays. »

« Nous devons être parfaitement conscients de ces dangers et ne pas les balayer d’un revers de main sous prétexte que cela servirait un régime prompt à instrumentaliser la « main de l’étranger » pour réduire le champ des libertés et soumettre la société. L’éthique de responsabilité exige une distinction claire entre l’Etat et le pouvoir. L’attachement à l’Etat national, à l’unité et la sécurité nationales et à la défense du territoire ne signifie en rien cautionner le régime actuel », affirme-t-il encore.

Youcef Aouchiche ajoutera comme pour dire son courage : « A maintes reprises, nous avons dénoncé les dérives autoritaires du pouvoir et son recours systématique à la répression. Nous n’avons pas cessé d’alerter sur une gestion exclusivement sécuritaire de la société, sur la judiciarisation de l’acte politique car cela ne fait qu’entraver la construction d’un front solide capable de résister aux guerres de 4ème génération menées contre l’Algérie. Nous avons constamment mis en garde contre le verrouillage médiatique et l’interdiction d’accès notamment aux médias lourds des forces d’opposition patriotiques qui fait, en définitive, le jeu des aventuriers et mercenaires politiques et alimentent les campagnes hostiles menées de l’étranger. Nous ne cesserons de marteler haut et fort que la stabilité politique et la cohésion sociale et nationale suppose l’existence et le renforcement des médiations politique et sociales autonomes. Un Etat ne peut être fort que par l’existence de contre-pouvoirs et de l’expression libre et autonome de la société. » Mais tout est déjà dit. Youcef Aouchiche est en train de faire du FFS un parti au service du pouvoir. Tout le reste est du verbiage creux que seule l’histoire jugera.

Sofiane Ayache

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