Les droits de l’homme ne sont pas gratuits, ils coûtent de l’argent en termes de conditionnalité. La conditionnalité, c’est-à-dire le fait de conditionner l’aide ou les relations au respect de certaines règles, dont les droits de l’homme, implique en effet de renoncer à de gros contrats d’approvisionnement en énergie, en matière première et de débouchés aux produits manufacturés.
Tous ces facteurs expliquent l’ambiance de fin de règne qui plane sur l’Occident, désormais davantage dans une phase d’autocritique que dans l’exportation optimiste des droits de l’homme. En outre, les puissances émergentes font primer leur souveraineté et leur développement sur les droits de l’homme, et ont tendance à les placer dans une disjonction exclusive, comme s’il fallait choisir entre droits des individus et droits des États (droit de rattrapage).
Leur population adhère généralement à cette idée qu’on peut sacrifier les droits de l’homme pour le développement. Le développement de la classe moyenne dans les pays émergents n’entraîne pas nécessairement la démocratisation, contrairement à une idée reçue.
En principe, il devrait impliquer une hausse du niveau d’éducation et une aspiration à une plus grande liberté économique, sociale et, in fine, politique. Toutefois, on observe en pratique que les classes moyennes privilégient souvent la stabilité au prix de la démocratie, et soutiennent en général les tentatives de coup d’État militaire.
Soucieuses de conserver leurs privilèges, elles s’opposent généralement à la démocratie populiste, « craignant que celle-ci ne donne trop de pouvoir aux pauvres, aux religieux et aux moins éduqués ». La crise de la démocratie s’accompagne d’une relative réussite de l’autoritarisme. Le fait que la Chine et la Russie, par exemple, soient connues et dénoncées comme des pays violateurs des droits de l’homme est-il gênant pour eux ? L’idée des droits de l’homme comme principal critère de légitimité politique ne leur frôle pas l’esprit. Les droits de l’homme étant une invention occidentale pour masquer les crimes contre l’humanité au nom de cette idéologie qui ne dit pas son nom. Elle avance masquée. Laboratoire d’expérimentations de toutes les idéologies et des théories venues d’ailleurs, l’Algérie peut s’enorgueillir d’avoir fait la preuve vivante de leur inefficacité et de leur perversité. Le colonialisme français, le nationalisme arabe, le socialisme soviétique, l’islamisme politique, le terrorisme dévastateur, le libéralisme débridé.
« On ne mesure pas la puissance d’une idéologie aux seules réponses qu’elle est capable de donner mais aussi aux questions qu’elle parvient à étouffer ».
Quand l’Occident parle de droits de l’homme, il faut comprendre les droits de l’homme occidental. Les autres n’ont pas de droits, du moins dans la pratique, ce sont des sous hommes, des attardés mentaux qui polluent le bonheur terrestre éphémère des sociétés évoluées.
Pour s’en convaincre, il suffit d’entendre le vacarme étourdissant des médias européens, quand un des soldats meurt au champ de bataille en terre étrangère à la défense de ses intérêts économiques et le silence assourdissant des gouvernants occidentaux devant les milliers de morts en Afrique ou en Asie pour une guerre qui n’est pas la leur.
La comptabilité macabre médiatique est précise et le palmarès revient à celui qui compte le plus de morts. Un monde occidental sans état d’âme gouverné par l’argent dans lequel le profit est devenu un dieu universel pour l’adoration duquel l’être humain est prêt à n’importe quel crime et à n’importe quel mensonge.
Un monde dans lequel les ressources naturelles sont pillées tandis que les habitants qui vivent sur le sol et le sous-sol qui les renferment croupissent dans une misère organisée par des tyrans qui les maintiennent dans l’ignorance des véritables enjeux. Pour se donner bonne conscience, on parle d’ingérence humanitaire.
“Ingérence humanitaire, c’est le droit nous dit-on qu’on donne à des Etats d’envoyer des soldats dans un autre Etat pour aller tuer des pauvres innocents chez eux, dans leur propre pays, dans leur propre village, dans leur propre case, sur leur propre natte.” C’est dire que “Tout a un prix, même les gestes humanitaires.”
Dr A. Boumezrag