Au Mali, des négociations sont en cours entre les rebelles du FLA et les jihadistes du Jnim. Information révélée lundi 3 mars par notre confrère Wassim Nasr de France 24.

Le FLA, Front de libération de l’Azawad, ce sont les rebelles indépendantistes du nord du Mali, qui avaient signé en 2015 un accord de paix avec l’État malien et qui ont repris les armes après la rupture de cet accord par les autorités de transitions actuelles, il y a un an et demi. Le Jnim, Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, rassemble les groupes jihadistes actifs au Sahel et liés à al-Qaïda.

Les frontières ont toujours été poreuses entre tous ces groupes, qui avaient d’ailleurs déjà conclu un pacte de non-agression. Il s’agit à présent d’aller plus loin et mener des opérations militaires conjointes dans le nord du Mali notamment. Des divergences de fond limitent la portée des discussions qui se poursuivent. 

Après les affrontements meurtriers qui avaient opposés indépendantistes et jihadistes en juillet dernier, près de la frontière mauritanienne, un pacte de non-agression avait finalement été conclu, pour que chacun concentre ses forces contre l’ennemi commun : l’armée malienne et ses supplétifs de Wagner.

Au début du mois de décembre, il y a trois mois, les rebelles du FLA et les jihadistes du Jnim, liés à al-Qaïda, ont initié de nouvelles négociations, dans l’idée de conjuguer encore davantage leurs efforts. Les discussions ne sont pas terminées, aucun accord n’a été conclu à ce stade, mais les différents cadres du FLA joints par RFI ont tout de même apporté des précisions.

Opérations militaires conjointes et Justice islamique

Deux points d’entente auraient ainsi déjà été trouvés. Le premier, c’est la mise en place d’un mécanisme conjoint pour planifier, exécuter et revendiquer des opérations militaires contre l’armée et Wagner dans le nord du Mali. Un état-major conjoint pourrait même être mis en place. Le FLA et le Jnim ne combattraient donc plus chacun de son côté le même ennemi, mais ils le combattraient ensemble. Cette alliance militaire, limitée au territoire du nord du Mali, porterait un nouveau nom, sur lequel un consensus n’a pas encore été trouvé.

Le second point d’entente porte sur la création d’une structure de Justice islamique, composée de cadis ou de marabouts locaux, indépendants du FLA et du Jnim, mais reconnus par eux. Une Justice religieuse mais non radicale, selon plusieurs cadres du FLA, qui précisent que les discussions sur cette structure sont avancées mais pas encore abouties. Là encore, seules les régions du nord du Mali seraient concernées.

Désaccords sur les frontières et les objectifs

Et c’est ce qui conduit au principaux points de désaccords qui subsistent entre le FLA et le Jnim : les frontières et les objectifs. Le FLA veut obtenir l’indépendance de l’Azawad, terme qui désigne les régions du nord du Mali.  Du fait de ce projet politique et identitaire, le FLA ne compte en aucun cas étendre son action au reste du Mali, encore moins aux pays voisins. L’instauration de la charia n’est pas non plus le but des rebelles : certains ne seraient incontestablement pas contre, mais d’autres sont profondément attachés au principe de laïcité – parmi les combattants issus du MNLA principalement.

Le Jnim, lui, refuse de faire sien le « projet azawadien » : les jihadistes combattent pour imposer la charia, non seulement dans tout le Mali mais aussi au Niger, au Burkina, et -de plus en plus- dans les pays côtiers. En toute logique donc, le Jnim refuse de rompre avec al-Qaïda. L’idée ne serait pas exclue sur le long terme, dans la perspective d’une administration des territoires conquis, mais à ce stade, il ne s’agit que d’une éventualité. L’exemple syrien du HTS semble ainsi clairement inspirer le Jnim, mais cet exemple montre également que la stratégie se joue nécessairement sur le long terme et requiert des conditions sur le terrain qui ne semblent actuellement pas réunies. 

Appartenance à al-Qaïda

Or, selon plusieurs de ses cadres, le FLA est prêt à nouer une alliance avec le Jnim pour avancer sur ses objectifs propres, mais en aucun cas à fusionner avec des groupes armés qui seraient toujours sous la bannière d’al-Qaïda. Autres lignes rouges ou points de rupture qui posent des problèmes de fond au sein du FLA : les prises d’otages -internationaux et nationaux-, les attaques kamikazes et le fait que le Jnim -du fait précisément de ses liens avec al-Qaïda- compte des dirigeants étrangers, algériens notamment… Le radicalisme religieux et la vision politico-administrative demeurent ainsi des éléments d’opposition entre jihadistes et rebelles.

Les négociations sont toujours en cours, et il convient d’en attendre l’issue, mais à ce stade les points d’entente se limitent donc à la mise en place d’une structure militaire conjointe et d’un mécanisme de Justice islamique, dans le nord du Mali. Ce qui serait déjà énorme et inédit. En 2012, jihadistes et rebelles avaient parfois combattu côte à côte, mais les groupes liés à al-Qaïda avaient ensuite évincé, dans le sang, les groupes indépendantistes pour administrer seuls les régions du Nord. Avant d’en être à leur tour chassés par les militaires français de l’opération Serval en janvier 2013.

« Terroristes »

En tout état de cause, ces discussions et le probable accord à venir, quels qu’en soient les termes précis, renforceront l’argumentaire de ceux qui mettent dans le même sac le Jnim et le FLA. Á commencer par les autorités maliennes de transition, qui qualifient indistinctement de « terroristes » les rebelles indépendantistes, signataires du défunt accord de paix de 2015, et les jihadistes d’Aqmi ou de l’État islamique au Sahel.

C’était d’ailleurs le principal risque de la rupture de cet accord de paix : des groupes qui avaient accepté les règles républicaines de l’État malien, en échange d’une décentralisation du pouvoir plus avancée, ont repris les armes, sont revenus à leur revendication indépendantiste, et se sont rapprochés des groupes jihadistes. Un rapprochement qui devient progressivement de plus en plus concret, en dépit de divergences de fond. 

RFI

1 COMMENTAIRE

  1. L’idéal aurait été que l’état malien et le MNLA coalisent contre le cancer islamiste. Mais bon, le centralisme et l’impérialisme ont tellement impactés les africains qu’ils ont oubliés qui ils sont et sur quel contient ils vivent. Va faire comprendre aux gens de Bamako qu’au Nord du Mali vit un autre peuple avec sa propre civilisation !

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