Dans la nuit du 18 au 19 septembre, le général Abdelkader Haddad, plus connu sous le nom de Nacer El Djinn, s’est évaporé dans l’obscurité de la Méditerranée. Autrefois maître incontesté des rouages de l’intelligence militaire algérienne, ce général de sinistre réputation a traversé le détroit à bord d’une vedette rapide, laissant derrière lui le pouvoir, la surveillance et les intrigues qui faisaient sa force.
L’ancien puissant patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a donc fui le pays en harraga, comme ces milliers d’Algériens qui mettent tout leur destin dans des embarcations de fortune pour s’extraire de la « nouvelle Algérie » d’Abdelmadjid Tebboune. Les raisons ne sont évidemment pas les mêmes. Le général Abdelkader Haddad était jusqu’en mai dernier du côté du manche, de la répression et de la manipulation.
La Costa Blanca, en Alicante, a été son refuge inattendu, selon des expatriés algériens et des sources policières locales. La traversée, risquée et silencieuse, ressemble à celle de centaines de migrants, mais, faut-il le rappeler, l’homme qui franchissait les vagues n’était pas un simple réfugié : c’était l’un des militaires les plus puissants et redoutés du pays, tombé en disgrâce.
Haddad avait été, pendant des années, l’une des figures centrales de la sécurité intérieure algérienne. Son surnom, Nacer El Djinn — “le Diable” — évoquait autant sa capacité à contrôler l’information que la crainte qu’il inspirait à ses adversaires. Mais le 18 septembre, le général de triste mémoire n’était plus qu’un fugitif, filant dans la nuit, loin des regards et des protocoles, seul avec la mer pour guide.
En dépit du silence assourdissant des autorités algériennes et des contrefeux lancés pour faire oublier ce scandale, la fuite du général Haddad met en lumière les luttes intestines qui secouent la cime du puissant appareil militaire algérien. Les rivalités, les trahisons et les ajustements de comptes ont transformé celui qui était symbole de la répression et de la surveillance en transfuge, exposé à d’éventuelles poursuites par des ONG pour son passé au sein de l’appareil répressif algérien.
Cette évasion spectaculaire illustre aussi les limites du contrôle du régime sur ses cadres les plus influents. Mais aussi les fractures qui traversent le système. Malgré la surveillance militaire et policière, Abdelkader Haddad a réussi à déjouer tous les dispositifs et à rejoindre l’Europe. Au-delà, sa disgrâce rappelle à ceux qui sont au pouvoir qu’ils pourraient, eux aussi, subir le même sort. La disgrâce, la prison…
Les questions se multiplient : qui l’a aidé, quelles complicités internes ont permis cette fuite, et quelles informations sensibles pourrait-il révéler à l’étranger ? Et enfin, jusqu’à quand la grande muette gardera-t-elle le silence sur un des siens.
Pour l’Algérie, cette affaire n’est pas seulement celle d’un général en fuite : elle est le révélateur d’une instabilité chronique au sein de l’armée, d’une fragilité dans le système de sécurité et de la profondeur des rivalités qui agitent les couloirs du pouvoir.
Nacer El Djinn est une espèce de boîte noire du DRS puis des autres démembrements du renseignement algérien. Il est donc à même de révéler ce qu’il sait contre une protection.
Mourad Benyahia
Source : Ignacio Cembrero, El Confidencial, 25 septembre 2025 – “La increíble huida a España del general Haddad: el exjefe de la inteligencia argelina escapa del país”.