Le Hezbollah, longtemps état dans l’Etat au Liban, traverse l’une des périodes les plus difficiles de son histoire. Affaibli par une guerre dévastatrice en 2024 contre Israël, qui a décimé une grande partie de sa direction et anéanti une part importante de son arsenal, le mouvement chiite subit aujourd’hui des pressions sans précédent, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Dans ce contexte tendu, le chef adjoint du Hezbollah, Naïm Qassem, a vivement critiqué vendredi le gouvernement libanais, l’accusant de « livrer le pays » à Israël en poussant au désarmement de la milice. Il a mis en garde contre une guerre civile, des propos que le Premier ministre Nawaf Salam a jugés « totalement inacceptables ».
Un tournant après des années de domination
Fondé dans les années 1980 avec le soutien de l’Iran, le Hezbollah a longtemps été considéré comme la « résistance » face à Israël, notamment après le retrait israélien du sud du Liban en 2000. Grâce à sa force militaire et à son réseau social, il est devenu un acteur central de la vie politique libanaise.
Mais la guerre de 2024 a marqué un tournant. Israël, dans une campagne militaire d’envergure, a infligé de lourdes pertes au Hezbollah, détruisant des dépôts d’armes stratégiques et visant des cadres de haut rang. Depuis, l’influence du mouvement a nettement reculé, et son image de force invincible est sérieusement entamée.
Le gouvernement libanais opte pour le désarmement
Face à la pression croissante des États-Unis et à la menace d’une reprise des hostilités, le gouvernement libanais a demandé, le 5 août, à l’armée de préparer un plan de désarmement du Hezbollah d’ici fin 2025. Une décision sans précédent, qui s’inscrit dans le cadre de l’application du cessez-le-feu négocié fin 2024 sous médiation américaine, après plus d’un an de violences.
Naïm Qassem a immédiatement rejeté cette initiative, dénonçant une soumission du gouvernement à un « agenda américano-israélien ». Lors d’un discours télévisé, il a affirmé que « la résistance ne rendra pas les armes tant que l’agression et l’occupation israéliennes se poursuivront », tout en promettant que le Hezbollah était prêt à « livrer bataille, quel qu’en soit le prix ».
Des tensions au sommet de l’État
Le Premier ministre Nawaf Salam a réagi avec fermeté sur X (ex-Twitter), en qualifiant les propos de Qassem de « menace implicite de guerre civile ». Il a insisté sur le fait que les décisions du gouvernement étaient « souveraines et purement libanaises », rejetant toute ingérence extérieure.
Le président Joseph Aoun et le Premier ministre ont également adressé un message clair au représentant iranien en visite à Beyrouth, Ali Larijani : aucune interférence dans les affaires internes du Liban ne sera tolérée. Une prise de position rare et directe, qui marque un durcissement de ton inédit envers Téhéran.
Reconstruire ou replonger dans le chaos ?
Selon la Banque mondiale, le coût de la reconstruction post-guerre est estimé à 11 milliards de dollars. Or, comme l’a rappelé Nawaf Salam, « sans stabilité ni sécurité, aucun espoir de redressement économique n’est possible ». Le Premier ministre a souligné que les Libanais avaient « le droit à la paix », dans un pays épuisé par des années de crise politique, économique et sécuritaire.
Malgré cela, le Hezbollah continue d’accuser Israël de violer le cessez-le-feu en menant des frappes au Liban Sud et en occupant certaines positions. De son côté, Israël affirme cibler les infrastructures du mouvement pour empêcher sa reconstruction et menace d’élargir ses opérations si le processus de désarmement n’aboutit pas.
Naïm Qassem a également révélé que le Hezbollah et son allié Amal avaient décidé de suspendre temporairement les manifestations prévues, afin de privilégier le dialogue et éviter une confrontation directe. Mais il a averti que si le plan de désarmement était maintenu, « des manifestations massives » pourraient reprendre, y compris « jusqu’à l’ambassade des États-Unis ».
Alors que le Liban tente de tourner la page d’un conflit meurtrier, le sort du Hezbollah divise profondément le pays. Pour certains, il reste un rempart contre Israël. Pour d’autres, il est devenu un obstacle à la paix et à la souveraineté nationale. Ce qui est certain, c’est que son avenir n’a jamais été aussi incertain.
La rédaction avec AFP