28 mars 2024
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Le Hirak entre le mauvais et le pire

TRIBUNE

Le Hirak entre le mauvais et le pire

« Ceux qui rendent une révolution pacifique impossible, rendent une révolution violente inévitable », (John Kennedy).

Comme s’il était parmi nous, le président américain semble adresser ces mots au pouvoir algérien pour le mettre en garde contre les conséquences proches et lointaines de son attitude négative envers le Hirak. En effet, il prend toutes les mauvaises décisions pour rendre une révolution pacifique, en vue du meilleur pour le pays, «impossible».

Mais entre cette citation et la réalité du terrain il y a un aspect ignoré, à savoir qu’un acteur tapi dans l’ombre à l’étranger s’emploie à chauffer à blanc le Hirak jusqu’à ce qu’il devienne une révolution violente «inévitable». 

Cet acteur tiers c’est le Zitotisme, du nom de la personne qui porte ce nom mais aussi des réseaux qui lui sont affiliés à l’instar d’Aboud Hichem qui, tel un concierge en fin de carrière, colporte méchamment et sans les vérifier ou les prouver, les rumeurs et calomnies qui parviennent à ses oreilles.

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Le plus étrange est qu’il existe des canaux de communication entre le pouvoir et le Zitotisme puisque les informations et les documents dont il se sert pour radicaliser son public au sein du Hirak proviennent du pouvoir, et plus exactement de l’institution militaire.

Le pouvoir agit d’en haut, le Zitotisme d’en bas, dans les bas-fonds de la psychologie humaine où il déverse constamment un discours primaire, mélange d’incitations à la haine, de désirs de vengeance, de complaintes bigotes et de stimuli puisés dans d’anciens bréviaires de la lutte des classes.

La dernière trouvaille du pouvoir pour contrer le Hirak date d’hier ou avant-hier : créer un nouveau parti, comme le RND en 1997, qui ferait croire à l’apparition miraculeuse d’un soutien populo-divin au démuni Tebboune.  

Après l’échec de sa politique d’arrestations, de condamnations et de menace de retrait de la nationalité aux opposants vivant à l’étranger, le voilà dévoilant son projet de « bébé-éprouvette moustachu ». Il table sur l’expertise de la coalition qui a soutenu Bouteflika et quelques autres supplétifs pour en faire le champion olympique des prochaines élections par la magie de la fraude.

N’ayant pas cherché loin ni longtemps, il lui a donné le nom de « Nida-El-Watan» (Appel de la nation) qui est un plagiat : sinon de la dénomination donnée par Caïd Essebsi au parti politique qu’il a créé en Tunisie en 2012 et qui a disparu avec lui en 2019, celle donnée à son parti par Ali Benouari. Tebboune ne cherche pas les solutions dans l’avenir, il se contente de remonter le passé dans lequel il a été formaté. 

Le Zitotisme, quant à lui, cherche les siennes dans le ressentiment, la rancœur, l’esprit revanchard. Archimède disait : «Donnez-moi un levier et je soulèverai le monde ». Le Zitotisme croit pouvoir soulever le Hirak au moyen d’enregistrements vidéo copiés-collés les uns des autres. Il veut jouer le rôle d’accélérateur de particules pour reproduire la décennie noire.

Le Hirak est le premier acte collectif que les Algériens ont accompli d’un bout à l’autre du territoire et impliquant l’ensemble des sensibilités idéologiques et politiques. Le premier et l’unique car même le premier novembre 1954 a été l’œuvre de quelques centaines de militants du PPA, pas de millions d’Algériens comme cette fois.

Ce Hirak béni par l’Algérie profonde, maudit par le pouvoir et dans lequel le Zitotisme voit un cheval de Troie pour se venger des militaires, a signé la naissance de la société algérienne. S’il tient dans le temps, s’il garde son unité, s’il surmonte les pièges du pouvoir et reste hors de portée des opérations d’ensorcellement lancées par le Zitotisme, alors il touchera au but et atteindra son noble objectif de remplacer le « système » par une conscience citoyenne qui présidera pacifiquement à l’alternance générationnelle et historique qu’attend l’Algérie.

On en est encore loin malheureusement, pour ne pas dire qu’il y a péril en la demeure du Hirak. Car depuis sa reprise il y a deux à trois semaines on remarque d’une sortie hebdomadaire à l’autre un changement dans la composition des manifestants et le contenu des mots d’ordre. La jovialité de départ a été remplacée par un durcissement des comportements à la limite de l’ostracisme comme en témoigne la vidéo postée au bas de cet article et remontant à vendredi dernier à Alger-centre. 

Elle montre une femme et un homme âgés portant une pancarte où il est écrit en français et en arabe « Dawla madaniya, machi askariya wala zitotiya ». Brusquement, un détachement d’hommes fond sur eux pour les contraindre à retirer leur pancarte sous prétexte qu’elle introduit la « fitna ». Preuve qu’une tutelle s’est instaurée sur les slogans pour n’autoriser que ceux du Zitotisme.

Des vidéos circulent sur Youtube où on entend le porteur de ce nom expliquer à des éléments de ses réseaux comment s’organiser en vue d’actions terroristes selon le schéma jadis utilisé par Yacef Saadi dans la Bataille d’Alger. Le même Zitot qualifie dans un autre enregistrement le héros national Ali la Pointe de « voyou ».

Ce qu’on a vu et entendu vendredi dernier révèle un changement insidieux, une chute de niveau, une baisse de motivation au sein de la classe moyenne et un repli de l’élément féminin et familial. En tendant une main fraternelle à son prochain, on risque désormais d’attraper une main de terroriste dans un gant de velours. La main du Zitotisme, du pire, de l’obscurantisme, du talibanisme.

Il y a quelques jours, Zitot évoquait dans un enregistrement la Grande Bretagne qui l’a accueilli par charité chrétienne (lui dira que c’est Dieu qui l’a voulu). Cet homme pétri dans la haine et le ressentiment, ce fruste indécent et vulgaire, se flatte d’avoir le droit d’insulter le Premier ministre et même la reine Elisabeth sans encourir de sanctions. Voilà l’apport de cet individu à cette nation, voilà sa manière de lui exprimer sa reconnaissance : en lui jetant à la figure son aptitude naturelle et irrépressible à l’insulte.

En vingt-cinq ans de vie dans ce grand pays de civilisation cet être qui fait honte à l’islam, à l’algérianité et à l’humanité n’a pas appris les rudiments de la  politesse : ne pas manquer de respect à autrui, s’interdire l’insulte et la calomnie sans preuves, ne pas propager rumeurs et fake news, ne pas dire de gros mots, ne pas intoxiquer ses clients quand on est boulanger comme lui à Londres, ne pas mettre le feu à un quartier ou à un pays, ne pas s’adonner  au terrorisme verbal ou criminel… Mais pour Zitot c’est fini, foutu, trop tard, peine perdue : il a passé l’âge d’apprendre les bonnes manières. 

Où va le Hirak ? Si c’est vers le Zitotisme, alors il faut faire ses adieux à la révolution citoyenne pacifique, au rêve démocratique, à une vie paisible dans une société libre, tolérante, moderne et développée car le Zitotisme mène tout droit à Daech, à Boko Haram, aux Shebabs de Somalie et à toutes les formes cruelles et burlesques, abouties ou non, de la théocratie. Il est encore possible de rééquilibrer les choses, d’expurger de ses rangs les idées nihilistes qui poussent à la guerre civile, au terrorisme intellectuel, à la lutte de classes, à la haine de l’Etat, au défoulement de ce qu’il y a de pire et de sombre dans le tréfonds de l’humain incivilisé. 

La finalité suprême du Hirak n’est pas de sortir marcher le vendredi pour marcher, même si le nombre des marcheurs devait atteindre les 40 millions, mais de proposer une alternative au pouvoir – le « mauvais » – et à son antithèse talibane – le « pire » – alternative qui consistera en le dépassement des deux et portera le nom de « meilleur ». 

Tel est le défi qui se pose à l’Algérie depuis son indépendance et qui ne sera jamais relevé par la force du pouvoir qui a échoué à bâtir un pays développé et moderne, ni par l’islamisme politique charlatanesque qui nous ramènera à l’âge de pierre, mais par quelque chose de nouveau que ne relève pas des pieds pour marcher mais de la tête pour penser. Le moment est-il venu ? Ou faut-il attendre la fin du XXIe siècle pour voir si on est enfin prêts à accoucher en tant que nation du « meilleur » ? 

N.B.

Auteur
Nour-Eddine Boukrouh

 




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