20 avril 2024
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Le jour où j’ai kidnappé mon fils d’Alger !

Mémoires d’un émigré

Le jour où j’ai kidnappé mon fils d’Alger !

Mon passeport entre ses mains, le préposé aux frontières de la zone internationale de l’aéroport d’Orly l’inspecte. En quelques secondes, il remarque une anomalie :

– C’est votre fiston ? 

– Oui, bien sûr !

– Où est son visa ?

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– Mais, mon fils est avec moi Monsieur, et j’ai une carte de séjour !

– Cela ne suffit pas ! Il lui faut son propre visa ! 

Il referme le passeport, me le tend et poursuit :

– Allez donc vous expliquer avec l’inspecteur principal, je ne peux pas laisser passer votre fils sans visa !

Réaction à laquelle je m’attendais, étant donné qu’une attachée consulaire auprès de l’ambassade de France à Alger -qui s’avère être une voisine – m’avait averti pendant que nous survolions la Méditerranée. Le hasard ayant voulu que nous nous retrouvions mon fils et moi sur des sièges mitoyens au sien, ceux de son mari et de ses deux enfants. Tous de nationalité française. L’air encore plus inquiet que moi elle me prévient et répète plusieurs fois :

– Belkacem, ils ne le laisseront pas passer, ils le renverront en Algérie ! Il lui faut un visa pour rentrer en France !

– Bon ben, ils n’ont qu’à le renvoyer, je rentrerai avec lui ! répondis-je, mi-anxieux, mi-arrogant.

Une semaine ou deux avant ce vol Alger-Paris de tous les dangers, j’avais envoyé un certificat d’hébergement pour que mon fils nous rejoigne, sa maman son petit frangin et moi qui étions partis deux mois auparavant. Ne voulant pas perturber sa scolarité en plein mois d’octobre, nous avions préféré le laisser en compagnie de sa grand-mère afin qu’il continue sereinement son trimestre à Alger.

Muni de son titre d’accueil et de son passeport, mon fils de 10 ans s’était rendu à l’ambassade de France avec un proche, très tôt le matin, pour y solliciter le fameux graal, expliquant lui-même, en bon français, l’objet de sa visite en France. 

Au grand dam du fiston, au bout de quelques brefs échanges, l’attachée auprès de l’ambassade énonce sur un ton péremptoire :

– Non, on ne peut pas te délivrer de visa, car il est fort probable que ta visite se termine par un séjour permanent !

Elle n’avait pas tort la petite dame !

C’est donc tout penaud que mon petit bambin rentre à la maison pour m’appeler le jour même et me faire part de sa mésaventure au consulat.

Le surlendemain me voilà débarquant à Alger, décidé à faire valoir ma logique.

Première étape, me rendre au plus vite à la préfecture d’Alger pour restituer le passeport individuel de mon fils et demander qu’il apparaisse sur le mien.

Une fois n’est pas coutume, il faut admettre que côté algérien, on a été compréhensif et conciliant. Non seulement on a satisfait ma requête mais, en plus, ils m’ont laissé le passeport individuel du fiston. Ce qui n’était pas bien conforme à la loi de l’époque. Du moins, c’est ce qu’on m’avait laissé entendre.

Retour à Orly. Dans le bureau de l’inspecteur, les questions se font précises :

– Vous êtes en France depuis quand ?

– Depuis 18 mois monsieur l’inspecteur !

– Que faites-vous en France ?

– Je travaille dans une école d’ingénieur en Bretagne, Monsieur l’inspecteur.

– En tant que quoi ?

-En tant qu’ingénieur de recherche Monsieur l’inspecteur.

– C’est la première fois que votre fils vous rejoint ?

– Non, il était avec nous, l’an dernier. Il est admis et inscrit au collège pour cette rentrée après une scolarité de tout juste six mois en CM2.

– Ah oui, je vois, il a un certificat de scolarité de la classe de 6ème !

Certificat de scolarité délivré, avec diligence, voire zèle, quelques jours auparavant par la directrice du collège qui avait enseigné – quel heureux hasard – à Tizi-Ouzou des années auparavant, avant de revenir en France.

– Ecoutez, poursuit l’inspecteur, en ce qui me concerne je veux bien faire une exception et le laisser rentrer avec vous, mais il faudra régulariser sa situation avec les services de la préfecture de Saint Brieuc !

– Je m’en occupe Monsieur l’inspecteur !

Sur ce, nous sortons de la zone internationale avec un quart-d ’heure de retard sur nos amis qui attendaient fébrilement de l’autre côté des barrières le résultat de nos tractations.

-Mission accomplie, leur lançais-je ! bringuebalant le sourire aux lèvres et le bonheur de mon fils étalé sur son visage !

C’est ainsi qu’en ce mois de décembre 1991, j’ai kidnappé mon fils d’Alger ! 

Comme quoi, dans la vie, il faut parfois oser faire valoir, en toute sérénité, sa propre logique et se risquer à enfreindre certaines lois, quand elles paraissent irrationnelles !

La « Harga » et l’insoumission des Algériens ne datent donc pas d’hier. Seules les méthodes ont changé. Le système D a toujours prévalu.

 

Auteur
Kacem Madani

 




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