26 juillet 2024
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Le nouvel homme algérien

C’est pour toi, mon frère, mon ami, que je crie lorsque j’écris. Toi qui vis encore dans l’ombre d’une guerre qui n’est pas encore finie, là où les perdants sont sur le point de triompher.

Tu as l’âge où les hommes quittent leur pays et leur ruisseau pour naviguer dans les eaux troubles de pays lointains et inconnus. Toi, tu es resté figé face à ce cours d’eau à présent sec et tristement entouré de végétation fanée et mourante, parsemé de feuilles desséchées d’arbres dont les branches pendent lourdement.

Tu es écartelé, assis entre deux chaises, avec tes deux rêves. Chacun de ces rêves file l’eau dans un bateau, et les deux embarcations partiraient dans des directions opposées.

Tu n’es ni coupable ni responsable. Mais dis-moi, comment te sens-tu ? Toi qui fais face à des défis. Te reconstruire de fond en comble ? Ou prendre en charge ce petit monde dans lequel tu vis ? Et dans tous les cas, il te faut des efforts, beaucoup d’efforts soutenus.

Tu subis les traumatismes de tout ce vacarme que la guerre a laissé au fond de toi comme des traces profondes et invisibles. Toi, le survivant de cette sale guerre. Tu te méfies de
tout.

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Et comment pourrait-il en être autrement ? Comme ces graminées qui peinent à verdir, jadis d’un vert vif et vigoureux, te paraissent en plein soleil, pâles, jaunies, ou même brunes. Et comme ces rouges-gorges qui, à leur façon gracieuse et alerte, scrutent les alentours avec attention, prêts à regagner les buissons au moindre signe de danger.

Toujours cette peur qui refoule tes émotions. Mais c’est commun, pas seulement envers ces gardiens aveugles qui ne savent pas te protéger, mais tu as peur de tout ce qui flotte entre la vie et la mort.

Tu crains à juste titre que l’on s’infiltre dans ton âme et pas seulement, mais dans l’eau que tu bois et dans le pain que tu manges, et puis il y a ces trahisons imprévisibles de ceux que tu croyais acquis à ta cause.

Je vois ! La guerre a exacerbé les clivages. Les divisions qui persistent et qui donnent de l’eau au moulin de tous ces guides à courte vue. Il y a aussi les voix étouffées et les murmures retenus, la prudence et l’hésitation dans les chants et les récits quand les poètes et les conteurs, tels des navigateurs prudents, évitent les eaux agitées par les tempêtes de controverse.

La guerre, mon frère, mon ami, a tout façonné à sa manière. L’eau des sources ne se boit plus, du fait de sa couleur pourpre et de son goût amer. Les fruits qui poussent ici sont petits et acides et leur peau est aussi épaisse qu’une armure. Les cicatrices et les fractures ont fondu dans les eaux profondes…

Voilà le fruit amer de cette guerre que tu subis sans savoir te défendre, la nuit est noire, le chant complexe et la voix tumultueuse. Mais la sève est forte, je te connais flamboyant et passionné, mais avec la prudence et la méfiance d’un cerf aux aguets.

Toi, le nouvel Homme, tu es à la croisée des chemins entre le mythe et l’époque. Économiquement aspirant et politiquement diversifié. Un mélange inextricable de résilience, de prudence, de dynamisme et d’aspirations. Et tu continues de lutter en cherchant ta position. Je sais. C’est pour cela que je t’écris, mon frère, mon ami.

Je veux te rappeler notre rêve ! Notre grand rêve. Tu dois le dire aux survivants. À tous
les survivants d’El Djazair.

Ne devrions-nous pas voler au-dessus des valeurs morales ? Ne devrions-nous pas façonner les nôtres, affirmer notre volonté de liberté ? Laissons de côté le bien et le mal.
Ne nous cachons pas derrière ces ombres qui cachent notre soleil !

Toi, le nouvel Homme, même si tu dois souffrir, même si c’est difficile, tout cela te rendra plus fort. Libre et souverain, sans contraintes, sans limite de pensée ni d’action. Tu es le nouvel Homme. Tu dois le savoir.

Ahcène Hédir, auteur

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