Selon des indiscrétions publiées par le quotidien français Le Figaro, Nicolas Lerner, patron des services de renseignements extérieurs français (DGSE) a effectué une visite éclair à Alger, dans la journée du 13 janvier à la tête d’une forte délégation.
Selon des confidences relayées, à partir de Paris, par le journaliste Abdou Semmar et qu’il dit tenir de sources algériennes proches des cercles décisionnels, Nicolas Lerner se serait entretenu, au cours de sa courte visite algéroise, avec son homologue algérien de la Direction des renseignements extérieurs, le général Fethi Moussaoui, alias Sadek, le patron de la Direction de la Documentation et de la Sécurité extérieure (DDSE).
Ce déplacement du haut cadre sécuritaire français en Algérie intervient dans un contexte d’une crise diplomatique sans précédent. Des divergences d’intérêts qui sont marquées par une succession de polémiques sur des questions mémorielles, économiques et politiques. Des accusations récurrentes d’ingérence française dans les affaires intérieures algériennes ont alimenté les tensions qui sont montées crescendo depuis la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Cette même institution du renseignement extérieur français, la DGSE, a été accusée par l’Algérie de mener des actions ayant pour but de déstabiliser le pays. Une accusation que me ministre des Affaires étrangères français a balayé d’un revers de la main devant la presse.
Les dissensions entre les deux capitales se sont soudain exacerbées suite à une échange de propos inamicaux entre le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron au sujet de l’incarcération de l’écrivain Boualem Sansal. Tebboune a qualifié le détenu d’opinion et écrivain Boualem Sansal de « traître » et d’« envoyé spécial de la France ». Il a même soutenu que Boualem Sansal ne connaît pas son vrai père. Des propos graves et blessants contre un prisonnier d’opinion de 75 ans. Donc incapable de se défendre.
Le conflit s’est davantage envenimé après l’affaire du refus de l’Algérie d’accueillir sur son sol le tiktokeur « Boualem N » ressortissant résidant en France et qui a fait l’objet d’un arrêté administratif d’expulsion pour délit d’atteinte à l’ordre public (terrorisme et appel à la haine et au meurtre d’opposants algériens au régime de Tebboune). Résultat: des ministres, comme Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, ont redoublé de propositions pour « punir » l’Algérie.
Bien entendu, si en Algérie les courants conservateurs et antifrançais se sont délectés de cette crise, en France, l’extrême droite s’emploie à coups d’approximations et de mensonges à souffler sur les braises, n’hésitant pas à désigner l’Algérie (et donc les Algériens) comme l’ennemi suprême de la France.
Une mission pour désamorcer la crise
Il va sans dire que le chef de la DGSE, Nicolas Lerner, a été missionné par les hautes autorités de son pays pour tenter de renouer les fils rompus entre les deux capitales.
En prenant l’initiative d’envoyer, à Alger, le chef de la DGSE, Paris cherche, visiblement, à calmer le jeu. Éviter une escalade supplémentaire du conflit diplomatique. De non augure pour ceux qui souhaitent voir cette guerre des mots finir.
Les enjeux sont en effet énormes pour les deux pays pour se permettre le luxe d’une brouille durable pouvant déboucher sur la rupture des relations bilatérales.
Ce qui serait dommageable pour leurs liens historiques dans les domaines économique, commercial et politique. Et même sur le plan humain du fait de la présence d’une diaspora algérienne en France estimée à plus de 5 millions de personnes.
A travers le recours à la diplomatie parallèle par le canal des services secrets, la France veut manifestement déminer le terrain pour donner sa chance à la diplomatie directe et « transparente » pour un retour à des relations normales et apaisées.
Un signe de bonne volonté dont on ne sait s’il a eu des échos positifs à Alger. Même si un changement de ton est constaté dans le discours médiatique et celui des cercles politiques officiels peut être interprété comme le frémissement d’une volonté affichée d’aller vers la désescalade.
Dans ces milieux, on fait plutôt dans la nuance. La distinction est de plus en plus marquée entre la France officielle et l’extrême droite qui, elle, ne s’empêche pas d’instrumentaliser la crise pour empêcher Emmanuel Macron d’appliquer sa politique algérienne. Le pousser à la révision des relations historiques entre les deux pays.
Dans sa dépêche de mardi dernier, l’APS semble avoir mis de l’eau dans son fiel contre l’Élysée. Sa cible : « La partie xénophobe, chauviniste et raciste de la France ( qui) appelle haut et fort à des mesures punitives contre l’Algérie ». Sont aussi dans le viseur de l’agence officielle « ceux (les ministres de la justice et de l’intérieur, ndlr) qui se sont appropriés les idées (de l’extrême droite) au sein du Gouvernement français rivalisent d’ingéniosité dans la proposition de sanctions (…) Cette partie de la France à laquelle l’Algérie souveraine et indépendante est restée en travers de la gorge (…) ».
Les mêmes éléments de langage se retrouvent dans le communiqué de la chambre haute du parlement.
Cependant le chemin pour rapprocher les points de vues sera ardu et long car les dégâts sont importants.
Samia Naït Iqbal
Si c’est Abdou Semmar qui le dit, donc c’est parole d’évangile, tellement la probité et le professionnalisme du journaniste est reconnu.