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Le peuple algérien ne veut pas s’arrêter à mi-chemin

OPINION

Le peuple algérien ne veut pas s’arrêter à mi-chemin

Après avoir obtenu le départ de l’ex-Président Bouteflika grâce au coup d’accélérateur donné par l’armée, le Peuple algérien qui manifeste dans la rue depuis le 22 Février à travers un mouvement de contestation contre le régime en place, ne veut pas s’arrêter à mi-chemin et rentrer à la maison en se contentant d’une demie- victoire. Il exige un changement radical, une véritable rupture avec l’ancien régime. C’est pourquoi toutes les tentatives de dialogue et de « sortie de crise » par des élections précipitées, qui ne tiennent pas compte de cet idéal, sont rejetées par ce mouvement populaire. 

Cette détermination d’en découdre avec l’ancien régime a été réaffirmée encore avec force ce 6 septembre, 29ème vendredi de manifestations populaires alors que certains pronostics donnaient le hirak  pour mort et enterré. Cette lame de fond, un véritable tsunami, qui a soulevé toutes les couches populaires de la société, ne veut pas s’arrêter avant d’emporter sur son passage ce qui reste des symboles du « système » honni », sans possibilité de retour.  

Comment dans ce cas demander à ces millions d’Algériens qui manifestent pacifiquement tous les vendredis (et tous les mardis pour les étudiants) d’aller à de nouvelles élections « dans les plus brefs délais » organisées avec un Gouvernement intérimaire dirigé par Bedoui ancien Ministre de l’intérieur qui a supervisé les élections truquées sous Bouteflika ? C’est cette même administration qui a assuré la collecte des formulaires de soutien au 5e mandat, sous la menace et le chantage auprès des fonctionnaires et des travailleurs avec la complicité active de Sidi Saïd de l’UGTA. 

La réponse est venue de la rue ce Vendredi par les manifestants qui ont rejeté « les élections avec les symboles du système » et la « issaba » (bande). Ce rejet confirme que la confiance vis-à-vis du Pouvoir en place est définitivement consommée, conséquence logique des 20 ans de gouvernance de Bouteflika basée sur la corruption, le mensonge, la tricherie, la roublardise, l’arrogance, le mépris du peuple.

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Or ce mode de gouvernance et ses symboles sont toujours là. 

Comment demander au peuple d’aller aux élections « au plus vite » alors que pour l’instant, le Pouvoir en place n’a pas montré de signes qu’il est prêt à faire des compromis pour satisfaire les revendications des manifestants et que bien au contraire on assiste à des tentatives de division, à des opérations de répression/intimidation contre les manifestants du hirak et à des restrictions en matière de liberté de la presse et de l’exercice de l’activité politique légale.

Le traitement de l’information par les chaînes publiques de télévision est digne de l’ère « bouteflikienne », où l’on censure tout ce qui n’est pas conforme à la feuille de route des centres de décision et où toute voix discordante est exclue.  

La seule chose qui met du baume au cœur des manifestants qui ont dénoncé la corruption de la bande (issaba) c’est bien la mise hors d’état de nuire de plusieurs responsables et oligarques corrompus proches de l’ex-président, qui ont été traduits en justice et incarcérés à El Harrach. Mais il a été relevé que d’autres corrompus notoires n’ont pas encore été inquiétés et que les malversations n’ont pas cessé. Ainsi, de janvier à juillet, des transferts illicites de 78,6 millions de dollars ont pris le chemin du Canada, selon la presse de ce pays et d’autres sommes celui de la France, la Suisse, la Belgique.

Aussi, pour le hirak, le départ des personnes impliquées dans la corruption et ayant exercé de hautes responsabilités sous Bouteflika, paraît indispensable comme une des garanties pour la tenues d’élections  libres et transparentes, la construction d’une « Algérie libre et démocratique », un avenir digne et serein pour tous les Algériens. Il ne veut pas s’arrêter à mi-chemin et se contenter d’une demi-victoire, il  veut poursuivre son combat pour un changement radical, sans un retour possible de l’ancien régime. 

Le Peuple veut sauver l’Algérie et non le régime ! Les patriotes et les démocrates algériens qui partagent cet idéal ne peuvent qu’être à ses côtés pour que le mouvement populaire puisse réussir son passage de simple contestation à celui d’une véritable révolution nationale et démocratique, qui sera bénéfique à tous les Algériens, à l’exception des couches parasitaires, compradors (import-import), oligarques liés aux intérêts étrangers, dont une partie est déjà derrière les barreaux.   

L’armée qui a accompagné le Mouvement populaire en précipitant la chute de Bouteflika, doit à présent  protéger le peuple dans ses droits politiques légitimes de choisir son système de gouvernance et ses dirigeants. La lutte révolutionnaire d’un peuple face à des gouvernants sourds et aveugles n’est pas de la subversion mais relève d’une réaction saine et salutaire pour toute la nation. 

Dans une conjoncture certes difficile pour le pays, les autorités civiles et militaires doivent avoir leur raison pour craindre un vide constitutionnel (possibles tentatives de déstabilisation) et marasme économique, en voulant aller vers des élections le plus vite possible. Mais la mobilisation d’un peuple conscient des enjeux reste la meilleure riposte et le mouvement populaire a d’ailleurs jusque là fait échouer toutes les tentatives de division et d’atteinte à l’unité nationale et évité l’implosion au pays, but recherché par Bouteflika et ses alliés. 

Le hirak n’exprime pas un seul courant politique et idéologique mais reflète différentes opinions des  couches sociales mécontentes par la gestion mafieuse et clientéliste de l’ancien régime.

Leurs revendications portent sur le départ des symboles du système, dont le Premier ministre Bedoui, les mesures d’apaisement (libération des détenues d’opinion, liberté de la presse et de l’action politique) et surtout les garanties d’un scrutin libre et transparent à travers une commission des élections indépendante (non désignée par le Pouvoir) et l’instauration d’une période de transition plus ou moins longue, comme prélude aux élections d’une 2e République. 

Faute d’un vrai débat et d’un compromis satisfaisant entre ces positions et celle du Pouvoir en place, les prochaines élections seront rejetées, tout comme l’ont été celles du 4 Juillet. Même si de nombreux Algériens déclarent sur les chaînes publiques de télévision et les réseaux sociaux qu’ils sont prêts à se rendre aux urnes, un Président mal élu n’est pas la meilleure solution pour mettre fin à l’instabilité, apaiser les tensions et reconstruire le pays. Pour mener sereinement sa mission il aura besoin de l’appui de tous les citoyens.

Un Président de la république n’est pas un élu ordinaire, il  représente tous les Algériens, il doit avoir leur confiance et gouverner avec eux et non contre eux. Il assure la cohésion et l’unité de toute la nation, il doit donc rassembler et éviter les fractures à une société déjà meurtrie. 

Auteur
Houria Aït Kaci, journaliste

 




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