19 avril 2024
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AccueilChroniqueLe plus grand malheur des hommes, c’est d’avoir un gouvernement 

Le plus grand malheur des hommes, c’est d’avoir un gouvernement 

L’opinion de la majorité des gens a valeur de norme morale comme si la vérité dépendait de ce que pense le plus grand nombre. « Non, les braves gens n’aiment qu’on suive un autre chemin qu’eux », chantait Brassens.

Le regard de la société porte sur ce qui est apparent (votre fortune ou votre fonction) et non sur ce que vous cachez (vos vices ou vos vertus). Vous valez ce que vous possédez. C’est votre fortune qui détermine votre rang dans la société. Ce qui intéresse vos concitoyens, ce n’est pas votre honnêteté ou votre personnalité mais les services que vous pourrez leur rendre.

Peu importe les moyens  que vous employez, c’est le résultat qui compte. La fin justifie les moyens. Pour le plus grand nombre des algériens y compris leurs gouvernants, l’Etat n’est pas une abstraction, c’est une personne physique palpable avec qui on doit tisser des liens personnels. Ce n’est pas une entité juridique, une création du droit régie par des textes connus par tous et applicables à tous.

Les règles de droit ne sont là pour la devanture, elles s’effacent devant les réseaux mafieux influents. Tout y passe séduction, argent, intimidations, chantage. Tant que vous êtes du côté des plus forts, la loi vous ignore et vous, vous ignorez la loi. Elle vous sera appliquée, le jour où vous sortez des rangs pour rejoindre le commun des mortels.

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Dans ce contexte, toute œuvre de salubrité publique prend l’allure d’une chasse aux sorcières. Un homme honnête est hors circuit, hors champ, il est inutile et inaudible. Il craint dieu, il ne fait pas partie des modernistes, c’est un conservateur, un traditionnaliste, un « djaha » par rapport au corrompu un « gafez », il ne connaît pas ses intérêts.

L’argent n’a pas  sur lui une influence outre mesure. Il échappe à  son emprise. Il  fait de la résistance. Mais pour combien de temps ? Tôt ou tard, il tombera dans le piège qui lui sera tendu jugent ses détracteurs. A moins que dieu le préserve.

Dans ce cas, il ne sera pas tenté et se contentera de son salaire qui n’est pas à l’abri puisque rongé par l’inflation provoquée par la planche à billet pour que « le couteau atteigne l’os ». Convaincu de sa foi, il cherchera après l’argent de dieu qui ne se compte pas avec les doigts.

Les hommes propres et honnêtes resteront dans leurs coins, ils n’évolueront pas. Personne ne veut d’eux. Ils sont des pestiférés, ils constituent le grain de sable qui empêchent la machine de tourner, les gens leurs tournent le dos, ils préfèrent avoir affaire à des corrompus, et bénéficier de passe-droit et des privilèges. Et c’est ce qui est recherché dans un Etat de non droit par les familles, les clans, les réseaux.

Celui qui a le pouvoir a tendance à en abuser. Il concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Il est immunisé, hors d’atteinte, donc irresponsable. Sans contrôle, tout pouvoir rend fou.

Seul le pouvoir arrête le pouvoir

Nous vivons en pleine confusion des valeurs. La lutte de libération nationale et la guerre civile ont laissé des traces indélébiles dans les esprits et dans les cœurs. Le spectre de la guerre civile est toujours présent. De nombreux maquisards ont été trahis par leurs frères et vendus à la France. De là est née le sentiment de suspicion. Chacun se méfie de l’autre. L’algérien perçoit son prochain comme un ennemi.

La peur consume la société. Cette peur maladive du prochain pousse les responsables à tous les échelons de la chaîne de commandement à s’entourer de gens acquis à la cause commune généralement des membres de la famille, du village, de la tribu, de la région d’où cette pratique de cooptation née au maquis est reconduite dans la vie courante avec ses conséquences sur la mauvaise qualité du service, le relâchement de la discipline, la propagation de la médiocrité sur le sol algérien et la fuite des compétences vers l’étranger.

Le  « tous pourris » est une attitude commode pour se justifier réciproquement les uns auprès des autres. Qui accroît son avoir appauvrit son être, un être que l’islam a mis sur un piédestal, et que l’Etat providence a réduit à un tube digestif »,  explosif (la violence aveugle), puant (la corruption généralisée).

« Le sujet devient objet ». « J’ai donc je suis ». Tout a un prix y compris les consciences. Les valeurs morales se perdent, la famille se déchire, l’amour de soi entraine la haine de l’autre et donc la perte de soi en entraînant celle de l’autre. Nous avons été forgés par le regard de l’autre qui nous renvoie l’image de nous-mêmes. c’est-à-dire des êtres insignifiants.

Le travail n’a plus de valeur en soi. Seule la « débrouillardise » au sens délictuel qui compte. Le superflu est devenu un produit de première nécessité. Il suffit d’observer les voitures de luxe stationnées dans des bidonvilles. Le regard des autres sur nous est plus important que le regard de soi sur soi.

Les rapports sociaux sont pervertis. L’intérêt individuel prime sur l’intérêt collectif. Les liens avec autrui sont devenus du « jetable ».

A l’image du « gobelet », une fois consommé le contenu, nous le jetons à la poubelle ou plutôt n’importe où pourvu qu’on s’en débarrasse (une fois le service rendu, on vous oublie, vous n’existez plus).

Le maximum de confort et de luxe, le maximum de consommation ne signifie pas nécessairement l’expérience de la vie. Le but est de se fixer un standard vital. Quand on aura atteint une telle norme, le succès de la vie ne sera pas jugé d’après les tas de détritus qu’on aura laissés après notre mort mais des biens immatériels et non consommables dont on aura appris à jouir et par l’épanouissement personnel de chacun.

A ce moment-là, la distinction entre les individus résidera dans la personnalité à qui elles appartiennent et non pas dans la grandeur de la maison où l’on vit, le prix des vêtements qu’on achète ou la voiture de luxe qu’on conduit.

De beaux corps, des esprits sains, une vie pleine, une pensée élevée, des perceptions justes telles sont les buts qu’il convient de se fixer pour vivre dans la foi et la bonne humeur.

Il est vrai que dans les pays occidentaux, la croissance des biens matériels sera d’autant plus rapide que les hommes seront plus conformes au type idéal du sujet économique, sujet animé par la volonté de produire toujours plus, de gagner de plus en plus, et de rationaliser de mieux en mieux. Une économie croîtra d’autant plus qu’elle sera plus rationnelle et animée d’un dynamisme fort.

C’est un fait établi en Algérie. Après six décennies de gestion autoritaire et centralisée, les dirigeants ressentent la nécessité de tirer la population de sa passivité mais la question est de trouver un équilibre entre la nécessité  sociale de procurer à chacun des moyens d’existence décents et l’exigence économique d’incitation à accepter les emplois disponibles. Nous gérons le pays au présent avec les armes du passé sans tenir compte des impératifs du futur.

Dr A. Boumezrag

(*) Le titre s’inspire d’une citation de François René de Châteaubriant

 

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