2 mai 2024
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Le populisme, une maladie dévastatrice du monde

Populisme
Image par Gerd Altmann/Pixabay

Le mot populisme sonne immédiatement aux oreilles comme une appellation négative. C’est tout à fait paradoxal car par quelle insinuation péjorative pourrait-on qualifier sa racine, le peuple ?

L’utilisation du terme est très récente dans les discours et analyses politiques. Ce n’est que rétroactivement qu’on a qualifié de ce mot tous les personnages et mouvements politiques dans l’histoire qui en avaient les caractères.

Essayons d’étudier la structure du mot avant d’en donner une définition pour en arriver à la conséquence dévastatrice qu’il qualifie.

Étude lexicale du mot

Les mots n’ont pas seulement des acceptions différentes selon les situations (le contexte), ils ont parfois cette particularité de créer, soit un antagonisme soit une accentuation par rapport au radical, en fonction de leurs terminaisons. C’est le cas des mots en –isme ou –iste bien que la conclusion ne soit pas générale.

Une explication simple de la différence, -isme se réfère à un concept ou une idéologie comme féminisme, terrorisme ou indépendantisme. La terminaison en –iste se réfère à une personne et si on reprend les exemples précédents cela devient féministe, terroriste ou indépendantiste. On remarquera que cela s’applique indépendamment du genre. Les mots en –iste se justifient également lorsqu’ils sont des adjectifs qualificatifs d’un mot, comme une personne optimiste, une pensée réaliste ou une attitude belliciste.

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Nous l’avons déjà précisé, le caractère péjoratif n’est absolument pas général car on dit également, philatélisme, organisme, automobiliste, pianiste etc.

On peut également constater le caractère négatif par d’autres terminaisons. C’est le cas pour un détournement assez récent, lui aussi concernant le langage politique, on dit souvent un discours politicien au lieu d’un discours politique. Une manière pour le locuteur de rabaisser le discours ou le comportement de l’adversaire à un objectif purement électoraliste (on retrouve encore un  mot péjoratif en –iste).

Si nous revenons au mot du sujet concerné, le populisme, il répond parfaitement aux trois critères énoncés précédemment. Le mot populisme se réfère à un concept, le mot populiste à une personne quel que soit son genre et il a une connotation négative.

Le terme très péjoratif de populisme est pourtant formé par un radical d’une valeur éminemment respectable, le peuple. En associant les deux mots on crée un ennemi naturel qui s’incruste jusqu’au mot honorable pour le combattre.

Peu de choses sont donc positives dans l’époque actuelle dans le monde où le populisme semble le dévaster. On l’entend en toutes circonstances et en tout lieu. Mais que signifie-t-il ? D’où vient-il et comment se manifeste-t-il ?

Je ne ferai état dans cet article ni de personnages politiques ni de pays contemporains à l’exception d’une évocation rapide du plus caricatural de tous, Donald Trump.

Le populisme, une définition commune par des caractères constants

Une définition du mot nous est donnée par le dictionnaire mais comme pour toutes les notions, le fond du sens des choses nous est proposé par le débat des auteurs qui l’ont étudié. Pour le populisme, nous avons la chance d’une certaine unanimité de la littérature (écrits des érudits dans un domaine d’études). L’accord sur la définition se fait sur un caractère clé et sur deux autres qui en seront déclinés.

Pour son caractère le plus important, le populisme consiste à mettre en opposition le peuple avec les « élites ». C’est une dénonciation d’une domination des élites qui tromperaient le peuple par la manipulation des esprits et le mensonge. Tous les malheurs qui s’abattent sur le peuple auraient une origine principale, les élites.

En conséquence, le second déterminant du populisme est celui du complot. Tout est complot de la part des élites pour agir contre le peuple. Ils leur cacheraient la vérité, un slogan perpétuellement répété comme le désormais célèbre « Fake news » de Donald Trump lorsqu’il harangue la foule de ses partisans.

Selon cette opinion, les élites se cacheraient souvent pour mieux faire adhérer au peuple leur objectif coupable. Beaucoup appellent ce monde opaque « le système », expression reprise par tous les langages, politiques ou autres. Le système représente le monde occulte composé de gens et d’organisations qui complotent contre les ambitions légitimes du peuple.

Certains l’appellent le « deep state » qui est en fait la traduction littérale d’une expression bien plus ancienne en Europe soit « L’Etat profond » c’est à dire dissimulé à la lumière du jour.

D’autres expressions sont le fait de langages plus nouveaux, comme celui de « complotistes ». C’est le fameux « on vous cache la vérité » en tous les domaines, politiques ou scientifiques.

Nous venons de vivre un incroyable épisode  des « complotistes » avec l’épidémie du Covid et son vaccin. Avec les complotistes on pourrait utiliser l’expression connue « plus c’est gros plus ça passe », depuis l’affirmation que l’épidémie est un mensonge pour mieux tromper le peuple jusqu’à la dénonciation de la dangerosité du vaccin. On a même entendu la plus stupide des affirmations, le vaccin aurait une puce miniaturisée pour contrôler le peuple. « Les élites vous trompent, elles veulent vous dominer par la peur et le mensonge», répètent-ils inlassablement comme seul argument.

Enfin, le troisième caractère du populisme est son discours hyper simplifié, sans nuance. Tout est un partage manichéen entre le bien et le mal. Tout est argumenté par une organisation duale des choses, le peuple et les ennemis du peuple. Le peuple étant limité à une seule entité, sans diversité dans les naturelles oppositions de pensée qui définissent une société.

En plus de bien marquer cette opposition tranchée, la simplification a d’autres vertus. Plus le message est simple plus il est compris du plus grand nombre. Avec la simplicité on ratisse large, pas besoin de niveaux de compréhension, de hiérarchisation du discours, de besoin d’argumenter par le débat. Le message claque comme un slogan.

Puis ensuite parce que la simplification se prête beaucoup mieux à la répétition, au matraquage des esprits. Quelques mots suffisent pour que le corpus sémantique prenne de la résonance. On trouve toujours les mêmes, le peuple, l’étranger, les néo-colonialistes, les élites, le système, le capitalisme bourgeois ou le communisme rampant, le déclassement social ou la perte des repères que sont la culture et la religion de la nation ancestrale et ainsi de suite.

Le populisme, une fois arrivé au pouvoir

Pourquoi voulez-vous que si la duperie grossière des populistes leur a permis l’ascension au pouvoir ils se priveraient de l’utiliser pour garder le pouvoir ?

Cela a marché alors se disent-ils, reprenons les mêmes discours et renforçons-les pour rester au pouvoir. On reprend donc le spectacle avec les mêmes ingrédients mais en dose renforcée.

Leur discours sur les ennemis de la nation, soit les élites, prend une forme beaucoup plus inquiétante. Ces ennemis n’auraient pas compris que le peuple les avait renvoyés. S’ils contestent le choix du peuple, ils sont donc des contre-révolutionnaires, des ennemis de l’intérieur qu’il faut éliminer.

  • Pour cela, ils ont maintenant la force des outils de l’Etat à leur disposition, soit les lois (qu’ils décident), la justice, la police et les militaires. Rien n’est plus épargné à ces ennemis du peuple y compris le sort le plus abominable, leur élimination physique.

Et plus le temps passe et plus les populistes s’incrustent dans une dérive par un sentiment d’être des envoyés messianiques pour les intérêts du peuple. Ils finissent par avoir une conviction profonde d’être les protecteurs du peuple, les « Petits pères du peuple » selon une expression souvent employée dans l’histoire. Ainsi commence le cycle infernal de la répression suivie d’une opposition plus forte qui a pour conséquence une répression encore plus lourde et ainsi de suite.

Comme un machiniste des temps anciens le populiste est obligé de charger continuellement la chaudière pour éviter l’arrêt de la locomotive. Après l’ennemi intérieur, les traitres à la nation, il faut maintenant trouver et renforcer la peur de l’ennemi extérieur, un classique des populistes.

Cela peut-être un autre Etat, une doctrine comme le capitaliste, une religion ou tout simplement un ennemi extérieur imaginaire. Lorsque le populiste ne sait plus quoi dire, les expressions comme « les ennemis de la patrie », « Les néocolonialistes », « les rapaces du libéralisme » et ainsi de suite lui sont nécessaires.

Le problème des populistes est qu’ils sont définitivement emprisonnés dans une bulle gonflée de leurs discours et qu’ils ne s’en sortent jamais. La réalité les rattrape toujours et leur fin est souvent aussi pathétique que leur accession au pouvoir fut flamboyante.

Le mot aurait eu une bonne naissance ?

Selon certains (il faut bien reconnaitre qu’ils sont majoritaires) le mot ne serait pourtant pas né d’une intention négative lors du dix-neuvième siècle puis dans la première moitié du vingtième. Le Populisme s’entendrait comme la manifestation réelle d’un intérêt pour le peuple. Cette analyse majoritaire s’accorde à rappeler trois exemples historiques comme étant les plus importants.

Mon opinion personnelle, par leur étude lors de la période estudiantine puis plus tard, n’a jamais été convaincue et se rallie à l’opinion d’une autre partie des historiens qui affirment que le caractère bienfaiteur de ces trois exemples n’était qu’illusion.

Si ces exemples sont retenus c’est que, en toute évidence, pour la première fois des mouvements politiques se revendiquaient comme une force qui veut lutter contre les élites. Je ne sais absolument pas pourquoi l’histoire n’a retenu que les discours prometteurs et non les catastrophes qui ont suivi. Il était clair pourtant que la sincérité des leaders de ces mouvements n’était vraiment pas manifeste. Reprenons ces exemples sans trop s’attarder sur leur ancienneté de naissance.

Le premier que nous citerons est le courant « populiste » des premières générations révolutionnaires des années 1860 en Russie. L’objectif du mouvement (hétérogène en son sein) était d’obtenir une  transformation sociale pour les intérêts du peuple.

Si ce mouvement était réellement appelé ainsi par son objectif révolutionnaire au service du peuple, nous savons que la suite de l’histoire a montré combien il était impossible pour ce discours « populiste » d’aboutir à la démocratie.

Aux Etats-Unis l’exemple est celui du People’s Party qui naquit à Saint-Louis en 1892. Formé essentiellement d’une population paysanne, il voulait revenir à la pensée de Jefferson qui affirmait que la base de la démocratie était la préservation des intérêts des petits propriétaires (qui n’étaient pas la classe bourgeoise dominante de l’époque).

En France, la première affirmation d’un mouvement qui s’oppose aux élites dans ses discours est celle du général Boulanger (1837-1891) qui donnera son nom au « boulangisme ». Se voulant être d’inspiration bonapartiste et résolument tourné vers la défense du peuple, son discours obtint un grand écho.

Pour ma part, comme pour les deux autres exemples, je ne suis absolument pas convaincu que le boulangisme ait été en quoi que ce soit une idéologie en faveur du peuple si ce n’est pour en obtenir un plébiscite.

La montée actuelle de la fièvre populiste

Après la seconde guerre mondiale les grandes démocraties pensaient en avoir terminé avec le populisme dans ce qu’il a de plus caricatural et dangereux. L’économie, la massification de l’instruction, les progrès de la science et les institutions les ont solidement protégées.

Mais nous assistons à un retour inquiétant de la fièvre populiste jusque dans les rangs de ces pays. En Europe comme aux Etats-Unis refleurissent les mêmes discours et certains populistes accèdent de plus en plus au pouvoir.

C’est inquiétant pour l’humanité qui semble reculer de plusieurs décennies. Mais pourquoi ces populations que l’on croyait définitivement épargnées par ce fléau retombent dans le piège ?

Il n’est pas possible de revenir sur la sociologie et l’histoire des populismes car ce serait trop long mais, d’une manière simplifiée, on peut affirmer que de nos jours la doctrine de l’extrême gauche comme celle de l’extrême droite sont minées par ce discours.

La raison est simple à appréhender à partir de ce que nous avions exposé précédemment. Le populisme se nourrit toujours du malheur des populations. Il ne peut prospérer que dans une situation de profonde crise et d’une crainte d’une partie de la population d’un déclassement social.

C’est effectivement ce qui se passe actuellement dans les démocraties où les croissances économiques s’essoufflent et où les inégalités semblent s’accroitre dans leur ressenti par certaines couches sociales de la population.

Le populisme a besoin de ce terreau de malheur pour prospérer, ce fut le cas lorsqu’il a largement contribué à la seconde guerre mondiale. L’exemple actuel le plus caricatural est l’électorat de Donald Trump composé de la frange de la population qui se sent déclassée par rapport aux élites (notamment celle des grandes métropoles des deux rives) ainsi que par la crainte ressentie d’un envahissement par une immigration massive ou par  la concurrence de certains pays émergeants (un discours largement attisé par Donald Trump avec l’un de ses slogans, « America first »).

C’est le phénomène d’extrême droite qu’on appelle les « tea party » dont la composition est essentiellement formée par des « Petits blancs », désignation de ceux de l’ancienne classe dominante qui se sentent déclassés. Ils n’avaient pas entièrement profité de l’expansion économique et voilà qu’ils subissent violemment  l’effondrement des grandes industries de ces régions.

En conclusion, le monde est-il condamné à voir une poussée de fièvre populiste à chaque déclin économique ? J’ai bien crainte de répondre par une affirmation. C’est que notre génération n’a connu que la période de croissance moyenne mondiale constante même si certains pays n’ont jamais pu s’en sortir réellement et que le populisme s’était installé d’une manière quasi-constante.

Il faut donc craindre que ce fléau connaîtra une période de progression plus forte et peut culminer jusqu’aux niveaux les plus explosifs. Notre seul espoir est que le populisme trouve sur sa route  un nouvel essor de la démocratie.

Nous n’avons qu’un seul antidote, le plus puissant que l’être humain possède depuis quelques siècles, soit l’éducation et l’instruction. Elles sont continuellement nos deux pare-feux, il n’y en a pas d’autres. Elles régénèrent la civilisation même après la terre brulée laissée par les dévastations des populismes.

Le souci est le temps mais la civilisation a prouvé qu’elle en avait.

Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant retraité

2 Commentaires

  1. Comme vous le demontrez bien, le terme a une histoire tres longue est s’est applique’ a differentes circonstances differemment, ainsi l’ettendue des ses diverses comprehensions ou plutot interpretations est tres vaste… Pour cela, j’aurais ete’ ravi de vous voir le suivre le traiter et l’etaler sur un et un seul sentier Je me sentirais plus enrichi de la lecture. C’est ca comme l’industrie… parfois c’est mieux de ne fabriquer qu’un produit, mais bien le faire… le meilleur produit.
    Pour le cas de Trump que vous citez « le fake news », c’est plutot l’equivalent de ce qu’on appele en francais « l’effet d’annonce » – c.a.d une annonce bidon, c.a.d. sans substance, dont la valeur n’est que d’en techer, semer le doute, le temps d’une decision… le jour du vote. C’etait le cas pour son accusation de manigancer avec les Russes en 2015, puis maintenant avec tous ces proces qui n’ont de raison d’etre que l’empecher de mener sa campagne electorale, c.a.d. jusqu’en Novembre 2024. Apres quoi, tout sera jete’ a la poubelle en cassation, et ca ils/demokhrates le savent bien.
    Ce n’est pas que de la manipulation de l’opinion, ca c’est permis ou comme on dit ici, all bets/gloves off. Fair play!
    Mais la ou ca devient dangereux, c’est le detournement de l’appareil judiciaire pour ce faire.

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