Dimanche 4 mars 2018
Le président Bouteflika et le casse-tête chinois
Le président Bouteflika va-t-il rempiler pour un cinquième mandat ? Le cercle présidentiel est-il prêt à passer la main? Les hommes d’affaires acceptent-ils de lâcher l’homme à l’ombre duquel ils ont pu prospérer facilement leur business? Toutes ces questions-là sont aujourd’hui sur le tapis et toutes les réponses sont en même temps permises. Le mystère Bouteflika dément parfois les pronostics des analystes les plus avertis. Outre le silence qui entoure la question de la succession au palais d’El-Mouradia, il y a aussi cette poignée de partis-godillots du système et du cercle d’affaires qui s’agitent déjà dans tous les sens en faveur de ce fameux « cinquième mandat ». Mais, curieusement, le patron du F.L.N Ould Abbes, agissant sans doute sur une instruction venue d’en haut, sort de sa réserve pour tracer des lignes rouges à ne pas dépasser et distribuer les cartons, comme dans un match de foot, aux récalcitrants. Pas question d’évoquer un sujet, devenu tabou, du moment que l’intéressé lui-même, à savoir le président Bouteflika, se tait. Il est clair que le patron du plus vieux parti algérien prend le contre pied de ceux qui font du zèle autour de cette question, au premier du rang desquels se trouve un certain Baha Eddine Tliba, cet ex vice-président de l’APN dont la fortune est, dit-on, se compte par milliards. Mais pourquoi? Il semble que c’est une vieille tactique en haut lieu pour faire durer le suspense quand il n’y a pas de successeur consensuel et légitime à la magistrature suprême. Aujourd’hui, ni Sellal ni Ouyahia par exemple, encore moins Benflis, l’ex-candidat malheureux aux présidentielles de 2004 et de 2014, ne font le poids ni le consensus au sein de « l’establishment ».
Certes, avec la disparition de la DRS et son rattachement en 2013 à la présidence de la république, beaucoup de choses ont changé, mais il n’en reste pas moins que l’armée demeure le pivot central dans le processus de prise de décision. Cela dit, le clan présidentiel a beau jouer sur le facteur « faiblesse de la DRS », il reste moins influent par rapport aux militaires sur l’échiquier politique, même si les rumeurs persistantes attribuent des pouvoirs exorbitants au frère du président. Une chose étant sûre en fin de compte : les cartes sont tellement brouillées au sommet que les « décideurs » eux-mêmes se trouvent actuellement très perturbés quant au chemin à emprunter en 2019. Ayant ressenti cette angoisse, une partie de l’opinion publique voit déjà dans Mouloud Hamrouche, l’ex-chef du gouvernement et père des réformes économiques des années 1990, une figure rassembleuse. Or, connaisseur des arcanes du régime, celui-ci n’a pas donné suite aux souhaits de la vox-populi.
L’amère expérience des présidentielles d’avril 1999 l’aurait, sans aucun doute, découragé à s’engager dans une nouvelle aventure politique pour la conquête d’El-Mouradia. Mais pas que ça ! L’opposition est si divisée et si parasitée de l’intérieur qu’elle semble incapable de proposer un représentant unique et crédible pour les prochaines élections. Toutes ces données-là relancent le débat sur un autre mandat pour Bouteflika. Celui-ci, adepte invétéré du suspense, attendra peut-être, comme à l’accoutumée, jusqu’à la dernière minute pour se porter candidat à sa propre succession. Un scénario vaudevillesque, tant redouté par l’opposition.