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Le président Macron et la bataille de « l’ancien monde »

Protestation des « gilets jaunes » en France

Le président Macron et la bataille de « l’ancien monde »

Il a pris le pouvoir avec un Mouvement en marche se disant hors des partis politiques et avait promis un « nouveau monde ». Ils ont voulu manifester sans organisations politiques ni syndicales, à partir des réseaux sociaux puisque se voulant une émanation spontanée et directe du peuple. L’un et l’autre nous donnent le spectacle désolant d’un « ancien monde », dans ce qu’il a de plus dépassé.

Il s’était appuyé sur les forces d’un peuple voulant une rupture avec les pratiques des vieux partis politiques et leurs manœuvres stériles. Ils ont marché avec lui jusqu’à la conquête du pouvoir, inattendue pour un inconnu de la politique, à un si jeune âge.

Ils ont cru à la modernité du message et ont « dégagé » tout ce qui pouvait encore rester des structures anciennes. Adeptes d’Instagram, Facebook et des start-ups, la jeunesse et les cadres privilégiés qui l’ont suivi ont détruit tout de ce qui pouvait encore rappeler l’antique monde de la politique.

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De ce fait, il voulait un pouvoir « vertical » et même « jupitérien » avait-il dit, pour rompre avec une posture du chef de l’État qui ne portait plus dignement « l’habit présidentiel ». Il commença par remonter les Champs-Élysées sur un véhicule de l’armée et mit en place une présidence qui allait tourner le dos aux tergiversations, aux copinages avec les journalistes et aux négociations sans fin avec des députés de la majorité en fronde perpétuelle.

Il avait connu « l’ancien monde » avec le président Hollande dont il était le ministre de l’Economie, il n’en voulait plus. Il souhaitait une France jeune, dynamique et entrepreneuriale qui colle à la modernité du temps.

Le résultat est lamentable, une courbe de popularité qui s’est effondrée encore plus bas et plus rapidement que son prédécesseur. C’est qu’Emmanuel Macron, en bon Jupiter, avait mis à genoux et réduit au silence tous les corps intermédiaires.

Finis les syndicats, les partis et les journalistes, il est seul devant une foule qui le houspille et lui demande directement des comptes.

Il avait construit un mouvement hors des partis et du militantisme traditionnel. Il s’est écroulé dès les premiers mois de la présidence. A l’exception d’une ou deux personnes politiques, toujours les mêmes, il s’est retrouvé sans relais médiatique pour porter des réformes ambitieuses. Les gentils petits « marcheurs » qui composaient son mouvement n’ont pas les épaules politiques et la compétence aussi large qu’il le faudrait pour conduire le projet de Jupiter, l’expliquer et le défendre.

Quant aux gros bras de « l’ancienne politique », soit il les avait écartés dès le départ, soit ils sont partis d’épuisement comme ce fut le cas de Bayrou et de quelques rares autres qui l’entouraient. Ils ont quitté le navire avant qu’il ne sombre dans cette aventure démentielle de vouloir construire un monde irréel.

Au final, il s’est perverti avec les plus grosses ficelles de « ‘ancien monde », d’une manière encore plus intolérable. Fiscalité à outrance, nomination de « copains » ainsi que des manœuvres politiciennes  que revendiqueraient les vieux loups de la politique.

Emmanuel Macron est seul, désespérément seul, car il a mis à mal ce que la constitution avait prévu de longue date dans les républiques démocratiques, soit des corps intermédiaires. Tout descend de lui et tout remonte à lui. La 5e république, bâtie par le général De Gaulle pour être un empire au service d’un chef, a montré qu’elle pouvait aller aussi loin que sa propre destruction, ce qui apparaît avec Emmanuel Macron.

Mais pour ces adversaires, les gilets jaunes, ce n’est pas mieux car leur combat a démontré la prétention de vouloir écarter « l’ancien monde » sans prendre la précaution de bases solides et efficaces.

Soyons clairs, les réseaux sociaux sont l’une des innovations les plus extraordinaires pour la construction des démocraties. Même si cela n’avait été qu’un feu de paille, nous avions ressenti au moment du « printemps arabe » combien les peuples pouvaient se libérer de leurs chaînes avec la puissance incontrôlable d’Internet. Il n’est pas dit que cela échouera une prochaine fois si les leçons du premier échec sont apprises.

Le mouvement des « gilets jaunes » est une parfaite illustration de cette puissance de mobilisation. Parti d’une simple pétition et voilà que l’empire jupitérien tremble et ne sait plus contrôler un si vaste mouvement spontané que personne n’avait vu venir ni pu deviner le succès considérable.

Tout cela est positif mais l’erreur aura été de la part de ces gilets jaunes de penser qu’on pouvait se libérer de « l’ancien monde » sans préparer les garanties du nouveau. Au final, un mort, quarante blessés dont deux dans un état grave. Un désordre absolu, une débandade et un projet mal défini, mal compris, mal suivi.

Après la très grande mobilisation se sont posés immédiatement les questions traditionnelles de « l’ancien monde ». Que faire ? Où aller ? Comme manœuvrer ? Quoi répondre aux journalistes ? À qui s’adresser et comment convaincre pour durer ? C’est à dire les questions les plus anciennes des vieux corps intermédiaires de la république.

Nous avons ainsi assisté à l’une des plus grandes manifestations d’amateurisme qu’il soit possible de voir. Ce mouvement qui se voulait détaché de la politique et des corps intermédiaires s’est mis, avec une incompétence notoire, à rechercher des leaders, organiser des comités et trouver un slogan commun, soit la plus vieille recette pour organiser une protestation populaire.

C’est trop tard car comme le Président Macron l’avait ignoré, les gilets jaunes ont tardivement compris que pour faire la révolution, il fallait des leaders reconnaissables, un programme et un discours percutant ainsi que des relais nombreux et compétents dans la société.

La démocratie, ce n’est ni un seul homme ni une anarchie du peuple. Les deux sont aussi dangereux l’un que l’autre. Les constitutions avaient prévu des corps intermédiaires et leur avaient donné une assise juridique forte car c’était la sagesse d’une expérience de l’histoire.

L’histoire des peuples et de la démocratie viennent de donner une lourde leçon à Jupiter comme au peuple des réseaux sociaux. Elle vient de leur apprendre qu’un nouveau monde ne pouvait naître d’une génération spontanée et que bien des démocrates et bien des peuples ont vécu avant Emmanuel Macron et les « gilets jaunes ».

La révolution française, référence universelle, est née d’une longue préparation de ce qu’on avait appelé le « siècle des lumières » et non seulement d’une insurrection. Elle était une conséquence historique, pas la cause surgie de nulle part.

La prétention du modernisme n’a jamais fabriqué un grand homme à elle seule. La rage du peuple n’a jamais mené à rien sans la structuration d’une doctrine, d’un projet et de grands hommes les incarnant.

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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