Reportée d’une journée en raison d’une autorisation administrative tardive, l’Université d’été du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) s’est finalement ouverte ce vendredi à Alger. Devant un auditoire composé de militants, d’universitaires et d’invités du parti, le président du RCD, Atmane Mazouz, a prononcé un discours dense, à la fois offensif et lucide, sur la situation politique, économique et sociale du pays.
Dès les premières lignes de son allocution, Mazouz a donné le ton : « Cette rencontre n’est pas un rituel, encore moins un exercice convenu. Elle est un acte politique, un acte de résistance et de fidélité à un idéal. » Fidèle à la tradition de son parti, le dirigeant du RCD a inscrit cette université d’été dans une perspective de continuité militante — celle d’un parti qui se veut à la fois école de pensée et force d’alternative.
Le président du RCD a ouvert son intervention par un hommage appuyé au journaliste Ihsane El Kadi, empêché de se rendre en Allemagne pour recevoir le Prix de la liberté et de l’avenir des médias 2025 décerné par la Fondation Sparkasse. « À travers lui, c’est toute une génération de journalistes libres et intègres que nous honorons », a-t-il déclaré, salué par de longs applaudissements.
Mazouz a dénoncé les entraves administratives qui ont failli empêcher la tenue de cette rencontre. « Une fois de plus, le pouvoir a tenté de nous empêcher de débattre, de réfléchir, de nous réunir », a-t-il affirmé, tout en soulignant la détermination du RCD à faire vivre le débat politique : « Le RCD ne demande pas la permission d’exister, il exerce son droit. »
Dans un passage particulièrement remarqué, il a opposé « la fermeture de l’espace public » à « l’ouverture d’espaces de pensée », résumant la ligne de résistance intellectuelle et politique du parti.
Education, économie, et réflexion sur le pluralisme politique
Le programme de cette université d’été reflète, selon Mazouz, « la démarche intellectuelle et politique du RCD ». Trois grandes thématiques structurent les travaux :
La diversification économique comme chantier politique, animée notamment par le journaliste Ihsane El Kadi et l’économiste Smail Lalmas.
Le pluralisme politique et l’état des libertés en Algérie, avec la participation du sociologue Nacer Djabi et de l’avocat Mustapha Bouchachi.
L’école et la place des langues maternelles, débat conduit par Ahmed Tessa et Abderrezak Dourrari.
Autant de sujets qui traduisent, selon le président du RCD, la volonté du parti de « penser pour agir, former pour libérer, débattre pour transformer ».
Un diagnostic sévère de la situation nationale
Dans un ton grave, Mazouz a dressé un constat sans concession : « Les institutions sont sans légitimité, la loi est instrumentalisée, et le discours officiel n’a plus d’autre but que de masquer la vacuité du régime. » Il a dénoncé « la confiscation des libertés », « la domestication de la presse » et « la régression politique sans précédent depuis la fin du parti unique ».
Sur le plan économique, le président du RCD a évoqué « la faillite d’un système incapable de réformer », pointant la flambée des prix, la fuite des compétences et la désindustrialisation. « Ce pouvoir qui se dit nouveau n’a rien réformé, rien modernisé, rien compris », a-t-il martelé.
S’adressant à la jeunesse, Mazouz a appelé à « transformer la résistance en projet, l’indignation en action, la colère en intelligence politique ». Pour lui, l’engagement des jeunes constitue la clef du renouveau démocratique. « Le pouvoir veut des sujets passifs, nous formons des citoyens actifs », a-t-il insisté, appelant à « unir toutes les forces du changement autour de valeurs, pas d’ambitions personnelles ».
Revenant sur le parcours du RCD, Mazouz a revendiqué la constance d’un parti qui « a choisi la rigueur du projet à la facilité du slogan » et « l’isolement temporaire à la trahison permanente ». Sa conclusion a pris des accents d’espoir et de détermination : « Tant qu’il y aura des femmes et des hommes debout pour penser, débattre et agir, l’avenir ne sera pas confisqué. »
Cette université d’été, tenue sous surveillance et après bien des hésitations administratives, apparaît ainsi comme un moment de réaffirmation pour le RCD. Un parti qui, malgré les restrictions, continue de se présenter comme une école de militantisme et un espace de débat, fidèle à sa devise : penser librement pour construire autrement.
La rédaction