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samedi 5 juillet 2025
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Le tribunal de l’Histoire, par Hend Sadi

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TRIBUNE

Le tribunal de l’Histoire, par Hend Sadi

Ce mardi 22 octobre 2019, les prévenus présentés au sinistre tribunal de Sidi Mhamed sont entrés dans l’histoire.

Le commandant Bouregaâ a bouleversé la donne du procès en refusant de collaborer, en refusant de jouer le rôle qui lui était assigné dans la farce mise en place. Une mascarade qui a osé le mettre au banc des accusés, lui, l’ancien officier de l’ALN, au motif qu’il a refusé d’aller à la curie avec les prédateurs qui nous gouvernent.

Ce faisant, il a réincarné de nouveau l’héroïsme de l’ALN. Le prisonnier de 86 ans a retrouvé dans nos cœurs la jouvence du combattant qu’il a été, 57 ans plus tôt, sortant des maquis exsangues en 1962. C’est alors que ses camarades tombés, sous ses yeux, fauchés par les mitrailleuses de l’armée des frontières qui allait « confisquer l’indépendance », ont fait de lui un opposant. À tout jamais.

Ce drame inscrit dans sa chair, il n’a pas pu l’oublier. Refusant de se taire, il en a dénoncé les auteurs. Son témoignage a mis à nu la nature du système : une caste qui a privatisé le pays pour en faire sa vache à lait. C’en est plus que le groupe d’usurpateurs au pouvoir ne peut supporter. C’est aussi ce qu’il ne lui pardonne pas.

Mais lui, non plus, ne pardonne pas aux despotes et à leurs sbires. Pire, il leur dénie toute légitimité à exercer une quelconque autorité. Hommes en noir juchés sur une estrade et prétendant rendre la justice au nom du peuple, membres d’un gouvernement fantôme et illégal, son refus de jouer le jeu les a tous renvoyés à leur statuts d’usurpateurs, le seul qu’il leur reconnaît.

Le vieil homme n’a pas eu à rougir de ses jeunes compagnons de détention. Messaoud Leftissi a lui aussi a récusé cette fiction de justice. Ce dernier a affirmé qu’il était à la barre « sur ordre d’un général de 1965 » et qu’à sa sortie de prison il brandirait de nouveau le drapeau amazigh pour lequel il était traduit devant le tribunal.

Quant au jeune d’Aouzellagen, Khaled Oudihat, il a refusé de s’exprimer en « arabe ou en français » comme la « juge » l’a invité à le faire. Lui a choisi une autre langue, la sienne, celle de sa terre, la Soummam muselée. Celle qui est tant détestée par les monarchies du Golfe qui contrôlent aujourd’hui l’Algérie. En agissant ainsi, il s’inscrit dans le sillage de Jugurtha qui, il y a plus de 21 siècles, avait lancé à la face des magistrats romains corrompus qui prétendaient le juger : « Rome, tu es à vendre, si tu trouvais acquéreur ! »

Hier à Sidi Mhamed, transformé en tribunal de l’histoire, les pantins qui rendront leur décision, non pas au nom du peuple mais accrochés à leur téléphone, ne feront pas l’histoire. Ce mardi 22 octobre, celle-ci a été raflée par les prévenus qui en ont écrit une belle page. Eux passeront à la postérité. Ils sont notre fierté.

Auteur
Hend Sadi

 




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