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samedi 19 juillet 2025
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Le Washington Institute met en garde contre la militarisation de l’Algérie

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Ces derniers jours, les médias algériens ont relayé avec intérêt un rapport publié par le Washington Institute for Near East Policy, saluant les relations croissantes entre l’Algérie et les États-Unis, et soulignant le rôle de l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme et la stabilité régionale. Epatant !

Mais ce qui a échappé à cette couverture, c’est l’autre moitié du rapport — la plus importante — qui comprenait un diagnostic critique de la situation politique intérieure en Algérie, mettant en lumière les restrictions des libertés, la militarisation de la vie publique, et la détérioration des droits de l’homme.

Alors, les médias ont-ils transmis seulement la moitié de la vérité ? Et ont-ils consciemment omis le contenu critique du rapport ?

Nous proposons ici de mettre en lumière les « indicateurs politiques » que les médias algériens ont ignorés, en revenant au texte original du rapport publié en juillet 2025 intitulé : « L’engagement stratégique des États-Unis avec l’Algérie : un parcours dans un contexte de transformations dynamiques mondiales » « La stabilité apparente cache une fragilité intérieure ».

Malgré la propagande du régime quant à une « Nouvelle Algérie » créée de toutes pièces depuis l’intronisation de Tebboune au pouvoir, le rapport affirme que la structure de gouvernance dans le pays repose encore sur un système fermé dominé par des élites militaires et civiles vieillissantes, où la participation politique véritable est absente.

Le rapport déclare : « La structure politique intérieure en Algérie — dominée par des élites militaires et civiles âgées, et sans participation politique réelle — a perduré malgré des faiblesses structurelles constantes. » Et il ajoute : « Les réformes de 2016, 2020 et 2024, y compris la reconnaissance de la langue amazighe et la limitation des mandats présidentiels, n’étaient que des tentatives tactiques pour absorber la colère populaire, sans intention de véritable changement. » « Militarisation de l’État ».

Le rapport du Washington Institute évoque une évolution grave dans le paysage politique : l’armée n’est plus un acteur indirect, mais est devenue, selon la Constitution, garante des « intérêts vitaux et stratégiques du pays ». À ce propos, le rapport rappelle : « En 2020, le président a introduit des réformes constitutionnelles qui ont explicitement autorisé le rôle de l’armée dans la politique en la déclarant garante des ‘intérêts vitaux et stratégiques du pays. »

Le document du Washington Institute commente cette évolution comme une réponse au Hirak populaire de 2019, et qualifie le processus d’amendement constitutionnel comme « largement critiqué pour son manque de transparence, son élargissement des pouvoirs présidentiels, et son ignorance des revendications du Hirak appelant à un État civil au lieu d’un État militaire. »

« Allons-nous vers le modèle égyptien ? »

Le rapport met en garde contre des signes croissants de militarisation menaçant le caractère civil de l’État. « En juin 2024, un décret a permis le détachement de membres de l’armée vers l’administration civile, y compris dans des ‘secteurs stratégiques et sensibles’. Cela s’est produit dans un contexte de forte augmentation de la visibilité de l’armée sous Tebboune, avec des apparitions fréquentes du chef d’état-major Saïd Chengriha aux côtés du dirigeant civil, et une hausse marquée d’un budget militaire déjà élevé. » Et le rapport poursuit en s’interrogeant : « De tels développements ont poussé certains observateurs à se demander si le pays ne se dirigeait pas vers un modèle semblable à celui de l’Égypte, où l’armée est profondément enracinée dans l’économie et la politique du pays», observe la même source.

Restriction systématique des journalistes et des opposants

Le rapport affirme que le premier mandat de Tebboune a vu une détérioration sévère de la situation des libertés : « Le premier mandat de Tebboune a vu le Parlement adopter d’autres mesures telles qu’une loi sur l’information répressive, utilisée pour poursuivre, arrêter et harceler de nombreux journalistes, militants et opposants — même lorsqu’ils étaient à l’étranger. »

Et il ajoute : « S’appuyant largement sur le prétexte de la protection de la sécurité nationale, notamment dans le contexte de la pandémie de Covid-19, le gouvernement a adopté de nombreux amendements au code pénal visant à punir des activités telles que la diffusion de ‘fausses nouvelles’ et l’acceptation de financements étrangers pour les associations — des lois généralement considérées comme contraires aux chartes internationales des droits humains. »

Le fossé entre le peuple et le régime

Malgré le discours officiel sur la « Nouvelle Algérie », les données révèlent que le fossé entre le citoyen et le décideur ne cesse de croître. Le taux de participation aux élections de 2024 était faible, alors que les revendications du Hirak n’ont pas été satisfaites, mais simplement contenues sans changement fondamental.

Le rapport affirme clairement : « Cinq ans plus tard, le grand fossé entre le peuple algérien et ses dirigeants persiste, comme en témoigne la faible participation au scrutin présidentiel de 2024, qui a lancé le second mandat de Tebboune. »

Un président civil ou une façade militaire ?

Le rapport se termine par un message d’avertissement explicite : « Pour protéger durablement le pays contre les menaces sans susciter de défis populistes, les dirigeants militaires auront besoin d’un partenaire civil légitime — et non d’une marionnette, comme Tebboune est perçu par beaucoup. Toutefois, aucun plan clair pour cette transition n’a émergé, ce qui laisse présager une instabilité à moins qu’un changement ne se produise. »

Alors que les couvertures médiatiques algériennes se sont concentrées sur les éléments positifs du rapport — tels que la coopération sécuritaire et défensive ainsi que les opportunités économiques — elles ont ignoré, volontairement semble-t-il, les paragraphes condamnant le recul des libertés et la militarisation croissante de l’État.

Ce que le rapport américain a exposé ne peut être ignoré, et il est loin d’être un simple « éloge diplomatique ». Il s’agit d’un diagnostic direct d’un régime au bord du précipice : des institutions sans légitimité, une armée au cœur des décisions, et des lois qui étouffent les libertés.

Alors, les médias algériens continueront-ils à ne transmettre que la moitié de la vérité ? Ou bien est-il temps de rouvrir le débat sur l’essence même de l’État : qui gouverne ? comment ? et avec quelle légitimité ? Parler de stabilité et de rapprochement international ne doit pas nous aveugler sur une réalité politique que le rapport américain lui-même décrit comme « fragile, fondée sur la répression des libertés, la domination militaire, et l’échec à établir un partenariat civil légitime ».

Au-delà de cette omission sans doute dictée par la censure qu’impose le régime, le rapport publié par le Washington Institute for Near East Policy ne fait que répéter ce que nombre d’analystes et hommes politiques ont déjà largement abordé. Le constat est connu. L’inconnu c’est : que faire pour changer la donne ?

Rabab Aït Abache

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