Dimanche 21 mars 2021
L’écrivaine égyptienne Nawal El Saadawi est morte
Ecrivaine courageuse et de talent, Nawal El Saadawi avait quitté l’Egypte en 1993, après avoir reçu des menaces de la part d’islamistes, avant d’y revenir en 2005.
L’écrivaine Nawal El Saadawi, 90 ans, figure égyptienne de l’émancipation des femmes dans le monde arabe, est morte dimanche 21 mars, a annoncé le journal d’Etat Al-Ahram. Selon les médias locaux, El Saadawi, âgée de 89 ans, était hospitalisée depuis quelque temps et est décédée après un long combat contre la maladie.
Autrice notamment de deux livres féministes de référence, Au début, il y avait la femme et La Femme et le Sexe, elle a longtemps lutté pour les droits des femmes et contre le patriarcat dans le monde arabe. Anti-islamiste et féministre, El Saadawi cultivait l’indignation contre ce que subissent les femmes.
Médecin, elle a écrit plus d’une cinquantaine d’ouvrages dans lesquels elle se prononçait contre la polygamie, le port du voile, l’inégalité des droits de succession entre hommes et femmes en islam et surtout l’excision, qui concerne plus de 90 % des Egyptiennes.
« La révolution a échoué »
Au sujet de la révolution qui a poussé Moubarak à la démission, elle disait à Arte Journal : « Que s’est-il passé ? La révolution a avorté. Qui a fait avorter la révolution ? Moubarak était hors jeu. Qui soutenait Moubarak ? Les Etats-Unis, ils donnaient des milliards de dollars à l’armée, à travers ce qu’on appelait l’USAID, corrompant ainsi l’armée, corrompant le système. L’argent américain, l’aide américaine est facteur de corruption. Nous avons voulu nous débarrasser de ce système corrompu. Que s’est-il passé ? Les pouvoirs qui soutenaient Moubarak ne voulaient pas que la révolution réussisse. Aussi ils ont allié leur force. De qui s’agit-il ? Des Etats-Unis et des Frères musulmans. Vous voyez la contradiction. Les Etats-Unis et les Frères musulmans ont travaillé ensemble, négocié ensemble, pour passer par-dessus la révolution et la faire échouer. » (…)
Et elle poursuit : « Les élections étaient prématurées car nous n’étions pas prêts pour ces élections. Nous voulions nous organiser car la révolution n’est pas très créative, elle est surtout spontanée. Après on s’installe et on s’organise. Ils ne nous ont pas laissé le temps de faire cela. Les Etats-Unis et les Frères musulmans ont fait un deal et les Frères musulmans sont arrivés au pouvoir. Ils ont dit « nous sommes arrivés au pouvoir par les élections », mais ce n’étaient pas des élections libres. »
Plusieurs années d’exil
Nawal El Saadawi avait quitté l’Egypte en 1993, après avoir reçu des menaces de la part d’islamistes, pour rejoindre les Etats-Unis. Elle a été écrivaine en résidence pendant trois ans à l’université Duke, en Caroline du Nord. De retour en Egypte en 2005, elle s’est lancée dans une campagne présidentielle avant d’abandonner la course, assurant que les forces de sécurité l’empêchaient de tenir ses meetings électoraux.
En 2007, l’institution théologique Al-Azhar, l’une des plus prestigieuses de l’islam sunnite, portait plainte contre elle pour atteinte à l’islam. Elle a par ailleurs été critiquée en 2013 pour avoir soutenu la destitution du président islamiste Mohamed Morsi par le général devenu président, Abdel Fattah Al-Sissi.